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Acte final A et commentaires

Acte final A

Mesures transitoires concernant les titres de voyages

LA CONFÉRENCE,

CONSIDÉRANT que la délivrance et la reconnaissance des titres de voyage sont nécessaires pour faciliter le mouvement des réfugiés et, en particulier, leur réinstallation,

DEMANDE INSTAMMENT aux Gouvernements parties à l’Accord concernant la délivrance d’un titre de voyage à des réfugiés relevant de la compétence du Comité intergouvernemental pour les réfugiés, signé à Londres le 15 octobre 1946, ou qui reconnaissent la validité des titres de voyage délivrés conformément aux dispositions de cet Accord, de continuer à délivrer ou à reconnaître lesdits titres de voyage et de délivrer ces titres de voyage à tous les réfugiés répondant à la définition donnée de ce terme à l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés ou de reconnaître les titres de voyage ainsi délivrés à ces personnes, jusqu’à ce qu’ils aient assumé les obligations qui découlent de l’article 28 de ladite Convention.




Commentaire

Auteur : Sylviana Cocan, doctorante, CRDEI, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016


 Historiquement, la délivrance de titres de voyage aux réfugiés a été un des aspects essentiels de leur protection internationale. Par exemple, il s’agissait de l’objectif premier du premier instrument relatif à la protection des réfugiés conclu dans les années 1920. Il se déduit du fait que les réfugiés ne peuvent se réclamer de la protection de leur pays de d’origine, fuyant ce dernier pour des motifs de persécution. Quelques fois, l’Etat lui-même est à l’origine de ces persécutions et souvent, les structures administratives et politiques de l’Etat d’origine sont défaillantes. Or, la possession d’un passeport de son Etat de nationalité, délivré par les autorités nationales compétentes, est requise pour tout voyage international. Parallèlement, la liberté de déplacement du réfugié est une des plus fondamentales.
Les réfugiés fuyant leur pays d’origine pour des motifs de persécution, conformément à la définition énoncée par l’article premier la Convention de Genève de 1951, arrivent souvent dans l’Etat d’accueil sans passeport en raison de l’impossibilité d’obtenir un tel document de la part des autorités nationales ou en raison de la destruction du passeport en cours de voyage afin d’échapper à différentes formes de contrôle pouvant les empêcher de quitter le territoire.
Le besoin fondamental d’un titre de voyage internationalement reconnu apparaît particulièrement important lorsque le réfugié souhaite quitter l’Etat initial d’accueil afin de rejoindre un autre Etat de réinstallation ou lorsque des membres de sa famille vivent dans d’autres Etats et qu’il souhaite leur rendre visite ou les rejoindre au titre du regroupement familial et conformément au principe de l’unité de la famille.
Ainsi, les Etats sont tenus de reconnaître les titres de voyage délivrés en vertu de l’Accord concernant la délivrance d’un titre de voyage à des réfugiés, signé à Londres le 15 octobre 1946 afin de faciliter le déplacement des réfugiés et plus particulièrement leur réinstallation. De plus, ils doivent également reconnaître conformément à l’article 28 de la Convention, tout autre titre de voyage délivré en vertu d’autres accords bilatéraux ou multilatéraux antérieurs à la Convention, jusqu’à ce que les Etats aient mis en œuvre les obligations qui leur incombent en vertu de cet article1. En effet, la mise en œuvre de l’article 28 nécessite des dispositions administratives et techniques permettant la délivrance de titres de voyage effectifs et reconnus par les autres Etats.

1 Voir TESSIER, J., commentaire de l’article 28.

Acte final B et commentaires

Acte final B

Principe de l’unité de la famille


LA CONFÉRENCE,


CONSIDÉRANT que l’unité de la famille, cet élément naturel et fondamental de la société, est un droit essentiel du réfugié, et que cette unité est constamment menacée, et


CONSTATANT
avec satisfaction que, d’après le commentaire officiel du Comité spécial de l’apatridie et des problèmes connexes (E/1618, p. 38) les droits de réfugié sont étendus aux membres de sa famille,


RECOMMANDE aux Gouvernements de prendre les mesures nécessaires pour la protection de la famille du réfugié et en particulier pour :
1) Assurer le maintien de l’unité de la famille du réfugié, notamment dans le cas où le chef de la famille a réuni les conditions voulues pour son admission dans un pays ;
2) Assurer la protection des réfugiés mineurs, notamment des enfants isolés et des jeunes filles, spécialement en ce qui concerne la tutelle et l’adoption.

Commentaire

Auteur : Jean Sagot Duvouroux, Maître de conférences, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016

 

Bien que le droit d’asile soit avant tout considéré comme un droit individuel de l’Homme, la protection offerte ne saurait être considérée comme satisfaisante si elle fait abstraction des liens familiaux du réfugié.
Du point de vue de la personne protégée, le respect des liens familiaux apparaît fondamental. Il ne saurait, en effet, y avoir de protection digne de ce nom sans garantie, pour le réfugié, de pouvoir rester en contact avec sa cellule familiale.  La protection offerte par l’Etat d’accueil ne serait qu’un maigre réconfort comparé aux souffrances engendrées par l’isolement forcé auquel s’apparenterait la condition de réfugié. Mais, au-delà de ces considérations humanitaires les plus élémentaires, l’objectif premier du dispositif juridique risquerait d’être compromis. En effet, isolé des siens dans un pays qu’il ne connaît pas, le réfugié se retrouverait, à nouveau, dans une situation extrêmement vulnérable, notamment d’un point de vue économique.  Privé de soutien affectif et matériel, le réfugié constitue indéniablement une victime idéale dans le pays d’accueil où il est en proie à toutes les formes d’exploitation envisageables.
Néanmoins, c’est certainement en ce qui concerne les membres de la famille du réfugié « restés en arrière », que la protection apparaît la plus fondamentale. En effet, l’impossibilité de demeurer avec leur proche ayant obtenu l’asile est souvent, à leur égard, synonyme de représailles dans le pays d’origine, de dénuement matériel et, en toutes hypothèses, de souffrances affectives. Ces situations humainement dramatiques sont d’ailleurs singulièrement aggravées en présence de personnes vulnérables comme les mineurs ou les personnes âgées.
Au demeurant, si les intérêts privés sont de toute évidence ceux qui pâtissent le plus de ce phénomène d’éclatement des familles, les pays d’asile ont également tout intérêt à préserver l’unité familiale du réfugié.  En effet, la cellule familiale est encore très certainement la cellule de base de notre société. Ne pas permettre aux réfugiés d’en bénéficier compromet ainsi leur intégration et décrédibilise, par voie de conséquence, les politiques nationales d’immigration.
Ainsi, rien de surprenant à ce que le droit fondamental des réfugiés à l’unité de la famille ait fait l’objet d’une recommandation approuvée à l’unanimité par la Conférence de plénipotentiaires qui adopté le texte final de la Convention de 1951.
Bien que ce principe de l’unité familiale soit affirmé de manière claire et explicite, il est, à tout le moins dans le cadre de la Convention, dépourvu de véritable force contraignante, s’agissant d’une simple recommandation. Pour autant, ce droit essentiel, qui a fait l’objet de très nombreuses recommandations et conclusions de la part du Comité exécutif du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés1, n’est pas resté sans écho dans les droits positifs des Etats signataires. Outre la prise de conscience, par les gouvernements, de l’impérieuse nécessité de préserver l’unité familiale du réfugié, la principale raison de la consécration effective de ce droit fondamental provient, très certainement, du relai du droit international relatif aux droits de l’Homme dont bénéficie la Convention en la matière.
Qu’il s’agisse de textes de portée universelle2 ou d’instruments régionaux3, Presque innombrables sont, en effet, les conventions internationales qui, sans viser expressément le cas particuliers des réfugiés, protègent l’unité familiale. Par ailleurs, si la consécration de ce droit fondamental est parfois effectuée dans des termes très généraux4, elle vise aussi des situations particulières et/ou des personnes en particulier5. La portée normative de ces divers instruments est également susceptible de degrés. Le fait que le texte soit doté, pour son application, d’un organe juridictionnel spécifique, comme c’est notamment le cas en ce qui concerne la Convention européenne des droits de l’Homme, renforce indéniablement son effectivité et contraint les Etats au respect des droits proclamés.
En dépit de cette reconnaissance quasi-universelle, force est de constater que le principe d’unité de la famille est pris en compte et traduit positivement de manière très diverse par les Etats. En effet, tant la définition de la famille protégée que les modalités de protection de celle-ci varient selon les hypothèses et surtout selon les Etats. L’explication principale de ce défaut d’uniformité dans l’application du principe d’unité de la famille réside principalement dans le manque de précision des instruments internationaux en ce qui concerne les obligations à la charge des Etats. Dans la plupart des textes, force est de constater qu’une assez grande marge d’appréciation est laissée au Etats quant aux moyens à mettre en œuvre pour éviter l’éclatement géographique de la cellule familiale. Il peut d’ailleurs difficilement en être autrement tant cet objectif se trouve concurrencé par d’autres objectifs dont la légitimité paraît tout aussi évidente. Loin de constituer un principe absolu, le principe de l’unité familiale subit ainsi nécessairement la concurrence d’autres principes ou objectifs bien ancrés dans le droit international. Ainsi en est-il notamment du principe de souveraineté des Etats dans la détermination des règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers, de l’objectif de lutte contre le terrorisme ou encore de la nécessité pour tout Etat de sauvegarder l’ordre public.
Tout se résume ainsi le plus souvent à une question de proportionnalité entre ces différents objectifs souvent contradictoires. La casuistique est d’ailleurs telle qu’elle échappe à toute systématisation. Pour autant, s’il semble difficile de déterminer les mesures de protection de l’unité familiale qu’implique la recommandation de la Conférence de plénipotentiaires, il est en revanche possible, à travers l’exemple français, de dresser un panorama, parfois critique, des différentes actions que les Etats peuvent mettre en œuvre pour éviter l’éclatement de la cellule familiale du réfugié.
Celles-ci sont susceptibles d’intervenir à deux niveaux différents. Tout d’abord, il est possible de reconnaître la qualité de réfugié aux membres de la famille (I). Il est ensuite envisageable de faciliter le regroupement familial dans le pays d’accueil (II).

I-    L’admission au statut des membres de la famille du réfugié

Afin de permettre au réfugié de mener une vie familiale normale et de lui offrir une protection pleine et entière, l’OFPRA peut étendre la protection à des parents proches en leur accordant le statut de réfugié sur le fondement du principe de l’unité de famille. La Cour nationale du droit d'asile et le Conseil d’Etat ont en effet fait du principe d’unité de la famille un principe général du droit des réfugiés6. Il s’ensuit que les personnes qui sont unies au réfugié par des liens familiaux suffisamment étroits au moment de la demande initiale peuvent accéder au statut de réfugié quand bien les conditions d’admission ne seraient pas remplies à leur égard.
Bien qu’énoncé en termes relativement généraux, le principe d’unité de la famille est en réalité appliqué de manière étroite par la jurisprudence. En effet, la suspicion de fraude aux règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers est telle que les juridictions concernées par la question ont entendu restrictivement la notion de « famille du réfugié » et posé un certain nombre de limites à « l’effet collectif » du statut de réfugié.
En premier lieu, le principe de l’unité de la famille s’applique au conjoint marié de la personne reconnue réfugiée à titre principal. Pour bénéficier de cette extension de statut, le conjoint doit cependant être de la même nationalité que le réfugié à titre principal, sauf dans l’hypothèse particulière où, conformément aux préconisations de l’article 34 de la Convention de 1951, ce dernier a été naturalisé7. En outre, le mariage dont il est fait état doit, en principe8, être antérieur à la demande d’admission au statut9. Il a par ailleurs été précisé que l’extension du statut de réfugié supposait que le conjoint puisse établir l’existence et la validité du lien conjugal par des pièces présentant des garanties d’authenticité suffisantes10. Il en résulte naturellement que le principe de l’unité de la famille n’est plus applicable au conjoint dès lors que le mariage,  ou d’ailleurs le concubinage11, a cessé à la date à laquelle il est statué12.  Pour finir, l’extension du statut au conjoint du réfugié suppose le respect des conditions de vie normale telles qu'elles sont définies par le droit français, ce qui exclue notamment la polygamie13.
En deuxième lieu, cet « effet collectif » du statut peut également bénéficier au concubin de même nationalité que le réfugié à titre principal14. Dans cette hypothèse, il a cependant été précisé que la preuve d’un concubinage légitime, compris comme une liaison suffisamment stable et continue pour former une famille, devait être apportée par le requérant15. La réalité du concubinage est appréciée à la date où le réfugié à titre principal effectue sa demande d’admission au statut16. Le principe de l'unité de la famille n'est en revanche plus applicable si le concubin demeure par ailleurs marié17 ou si l'épouse légitime a déjà bénéficié du principe dans l'intervalle18.
En troisième lieu, le réfugié à titre principal peut étendre son statut à ses enfants mineurs, sans condition de nationalité19. Cependant, là encore, cette possibilité est assortie d’un nombre assez important de conditions. Tout d’abord, les enfants doivent être entrés en France avant leur majorité fixée à 18 ans20. Ensuite, si cette extension du statut s’applique sans distinction aux enfants légitimes, légitimés, naturels ou adoptés, la preuve du lien de filiation doit en revanche pouvoir être rapportée par le requérant. D’ailleurs, en cas de doute sérieux sur l'existence du lien de filiation la Cour nationale du droit d'asile doit saisir à titre préjudiciel la juridiction civile de droit commun21. Enfin, le Conseil d’Etat a considéré que les enfants restés dans le pays d'origine ne pouvaient normalement pas jouir du principe d'unité de la famille. En effet, selon les juges, cette situation démontrerait que le réfugié a « pu mener une vie familiale normale sans la présence de ses enfants et sans craindre pour leur sécurité, dès lors qu'il n'est pas établi que les enfants aient été empêchés de quitter leur pays d'origine »22.
En dernier lieu, toujours sans condition de nationalité, le principe de l’unité de la famille s’applique aux orphelins mineurs placés sous la tutelle du réfugié à titre principal23 à condition toutefois que la tutelle préexiste à la date de la demande du tuteur réfugié et qu’elle puisse être démontrée par la personne qui s’en prévaut.
En dehors de ces cas limitativement énoncés par la jurisprudence, le principe de l’unité de famille ne peut normalement pas être appliqué. En sont, en principe, exclus les ascendants24 et les collatéraux25 quand bien même seraient-ils à la charge du réfugié. La rigueur de cette jurisprudence a cependant été quelque peu atténuée en permettant l’admission au statut des personnes susmentionnées dans des circonstances exceptionnelles26.
Les personnes bénéficiant de l’extension du statut de réfugié en raison du lien les unissant au demandeur principal ne peuvent, à leur tour, se prévaloir du principe d’unité de la famille pour en faire bénéficier certains de leurs proches27. Ainsi, il ne saurait y avoir de transmission « en cascade » du statut de réfugié sur le fondement du principe consacré par l’acte final de la Convention de 1951.
Afin de faire respecter le principe de l'unité familiale, il faut non seulement prendre des mesures, telles celles précédemment décrites, pour maintenir cette unité, mais également favoriser le regroupement des familles dans le pays d’accueil du réfugié.

II-    Le rapprochement des membres de la famille du réfugié

Si la recommandation de la Convention de Genève n’impose aux Etats signataires aucune obligation précise quant au rapprochement familial des réfugiés, la directive européenne du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial enjoint en revanche les Etats membres de prévoir des conditions favorables pour l’exercice du droit au regroupement familial des personnes ayant été admises au statut de réfugié. De même, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a, à plusieurs reprises, recommandé aux Etats membres de « promouvoir le regroupement familial en faveur des réfugiés »28.
C’est dans ce contexte normatif que s’inscrit le droit français en la matière. Le dispositif central de la procédure de rapprochement familial est prévu, en ce qui concerne les réfugiés, à l’article L. 314-11 8° du Code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile (CESEDA). Selon cette disposition la carte de résident est délivrée de plein droit « à l’étranger qui a obtenu le statut de réfugié (…) ainsi qu’à son conjoint et à ses enfants mineurs, lorsque le mariage est antérieur à cette obtention ou, à défaut, lorsqu’il a été célébré depuis moins d’un an, sous réserve d’une communauté de vie effective entre les époux ainsi qu’à ses ascendants directs au premier degré si l’étranger qui a obtenu le statut de réfugié est mineur et non accompagné ».
L’obtention de plein droit de ce titre de séjour pour les membres de la famille du réfugié est cependant conditionnée à la régularité du séjour de l’étranger membre de la famille du réfugié. En d’autres termes, la personne se prévalant de la procédure de rapprochement familial doit avoir au préalable obtenu un visa lui permettant d’accéder au territoire français en toute légalité. Or, l’obtention de ce visa peut être refusée par l’administration si le lien de famille n’a pas pu être établi ou en cas de menace pour l’ordre public29. Cependant, sous peine d’annulation, le refus de délivrance du visa ne doit pas être constitutif d’une atteinte disproportionnée à la vie privée au sens de l’article 8 CEDH30.
Cette procédure spécifique de rapprochement familial, sans être exempte de tout reproche, procure aux familles des réfugiés un certain nombre facilités par rapport à la procédure de droit commun du regroupement familial. En effet, les membres de la famille du réfugié ne sont pas soumis aux conditions normalement prévues par le CESEDA, notamment celles de ressources et de logement.

1 Voir JASTRAM, K., NEWLAND, K., « L’unité de la famille et la protection des réfugiés », In : FELLER, E., NICHOLSON, F. et al. (dir.), La protection des réfugiés en droit international, Bruxelles, Genève, Larcier, UNHCR, 2008, pp. 621-680

2 Voir notamment l’article 16 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme ou encore l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

3 Voir notamment l’article 18 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ou encore l’article 17 de la Convention américaine relative aux droits de l'homme.

4 Ainsi en est-il notamment de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ou de l’article 16 de la Charte sociale européenne  

5 Voir notamment, en ce qui concerne les mineurs,  les articles 7, 8, 9, 10, 18 et 22 de la Convention  relative aux droits de l’enfant ou en ce qui concerne les conflits armés, les articles 25, 26, 49 et 82 de  la quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949. 

6 CE, ass., 2 déc. 1994, Agyepong, req. n° 112842 ; CE, 21 mai 1997, Gomez Boteor, req. n° 159999 ; CNDA, 7 sept. 2000, req. n° 35820 ; CE, 28 juill. 2004, Yin Trin, req. n° 229053.

7 CNDA, sect. réunies, 18 juill. 2006, req.  n° 441813

8 Voir l’hypothèse particulière de fiançailles antérieures à la venue en France : CNDA, 22 nov. 1999, Shakir Kais, req.  n° 335817

9 CE, 8 juin 1998, Donkor,  req. n° 163466 ; CNDA, 27 juill. 2009, U. épse N, req.  n° 597041/07000185.

10 CNDA, 25 avr. 2005, P.O., req. n° 510098.

11 Cf. infra.

12 CE, 25 nov. 1998, Niangi, req. no 164682 ; CRR, 10 mars 2004, Mutoy Mpoy, req. no 448319 ; CE, 25 juin 2004, Mlle Tangbo, req. no 459519

13 CNDA, 25 oct. 1994, , Tumba Kamuanya, req.  n° 262156.

14 CE, ass., 2 déc. 1994, Agyepong, cité supra ; CNDA, 23 déc. 2009, req.  n° 703511/09008894

15 CNDA, 10 févr. 2005, req n° 469919 ; CNDA, 23 sept. 2005, req. n° 511981 ; CE 21 mai 1997, Gomez Botero, req. no 159999  ; CRR 18 juin 2004, Mlle Ibrahim, req. no 470354.

16 CNDA, 10 févr. 2005, req  n° 469919 ; CNDA, 23 sept. 2005, req. n° 511981.

17 CRR sect. Réunies, 16 juin 1999, Stankovic, req. no 296872.

18 CRR, 27 juin 2001, Mlle Ilouni, req. no 371768 ;CRR, 12 mai 2004, Mlle Mpaka Kongo, req. no 448970.

19 CRR sect. Réunies, 9 oct. 1998, Diabasana Batadi ; CRR, 29 oct. 1999, Nguyen, req. no 321212 ; CRR, 6 mai 1999, Vanthavichith, req. no 323221

20 CE, 21 mai 1997, Sirzum, req. n° 172161. La survenance de la majorité n'a en revanche pas à elle seule pour effet de faire perdre la qualité de réfugié au mineur entré en France avec ses parents : CRR sect. réunies, 10 oct. 2000, Moua, req. no 335731.

21 CNDA, 19 juin 2009, req. n° 631175.

22 CE, 21 mai 1997, Sirzum.

23 CNDA, 3 juin 2005, req. n° 511149 ; CRR sect. réunies, 21 mars 1997, Simao, req. no 293649 et req. no 300102.

24 CE 7 oct. 1998, Kanagaratnam, req. no 172259; CRR sect. réunies 16 oct. 1995 ; CRR, 10 sept. 1996, Periyathambi, req. no 288126.

25 CE, 7 oct. 1998, Ade, req. n° 176883.

26 Voir notamment les ascendants incapables, dépendant matériellement et moralement du réfugié, à la double condition que cette situation particulière de dépendance ait existé dans le pays d'origine avant l'arrivée du réfugié en France et qu'elle ait donné lieu à une mesure de tutelle plaçant l'intéressé sous la responsabilité du réfugié :CE 28 juill. 2004, Mme Trin, req. no 229053. La Commission des recours a par ailleurs étendu cette jurisprudence aux majeurs incapables placés sous tutelle dans le pays d'origine : CRR, 6 mai 1999, Ngambi, req. no 326686.

27 CNDA, sect. réunies, 16 sept. 1994, Ene.

28 Voir notamment Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe : Recommandation 1686 sur la mobilité humaine et le droit au regroupement familial.

29 CE, 17 déc. 2010, Christophe Junior Zogo, req. n° 334539 : lorsque la venue de personnes en France a été autorisée au titre de la procédure de famille rejoignante d’un réfugié statutaire, l’autorité consulaire n’est en droit de rejeter la demande de visa que pour un motif d’ordre public, notamment l’absence de caractère probant des actes d’état civil produits.

30 CE, 7 juin 1999, Begum S., req. n° 197606.

Acte final C et commentaires

Acte final C

Services Sociaux

LA CONFÉRENCE,

CONSIDÉRANT que le réfugié a besoin, dans les divers domaines moraux, juridiques et matériels, du concours de services sociaux appropriés, notamment de celui des organisations non gouvernementales qualifiées,

RECOMMANDE aux Gouvernements et aux organismes intergouvernementaux de faciliter, d’encourager et de soutenir les efforts des organisations dûment qualifiées pour leur tâche.




Commentaire

Auteur : Sandrine Tanon, doctorante, CRDEI, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016

   
   
La section C du point IV, comme les sections B et D, a été introduite dans l’Acte final sur proposition de la délégation du Saint-Siège1. Présentant ces trois textes, Mgr Comte, Représentant du Saint-Siège à la Conférence de plénipotentiaires, indique qu’ils visent à répondre au « désir fréquemment exprimé au cours des débats, de voir la Convention apporter aux réfugiés une protection aussi étendue que possible »2 et « combler certaines lacunes que présente le texte »3.
De ces trois propositions, seule celle relative au concours de services sociaux appropriés, notamment par les organisations non gouvernementales (ONG) – qui est devenue la section C du point IV de l’Acte final – a fait l’objet d’une adoption à l’unanimité, sans discussion ni modification4. Le terme « ONG » est difficile à définir tant il désigne des organisations de diverses natures ; il ne fait d’ailleurs l’objet d’aucune définition totalement consensuelle5.
Dans le contexte d’une convention relative au statut des réfugiés, l’image la plus représentative est certainement celle des ONG de solidarité internationale. L’ONG apparaît alors comme une forme d’organisation de la société civile s’analysant en « un regroupement de femmes et d’hommes autour d’une idée ou d’un projet dans un but altruiste »6, non-lucratif, d’intérêt public et à vocation nationale ou internationale. Un tel regroupement peut également porter la dénomination d’association.
La section C du point IV de l’Acte final a pour objet de permettre à pareilles organisations de participer à la protection que la Convention garantit aux réfugiés. Plus précisément, Mgr Comte a fait remarquer à ce sujet que « les organisations non gouvernementales ont joué et continueront à jouer, surtout dans les cas critiques concernant un grand nombre de réfugiés, un rôle qui est pleinement reconnu. D’autre part, chacun sait que les services gouvernementaux sont toujours lents à agir ; c’est pourquoi la délégation du Saint-Siège a pensé que les organisations non gouvernementales les plus spécialement qualifiées pourraient accomplir une œuvre extrêmement utile en faveur des réfugiés au moment de l’arrivée de ceux-ci dans un pays d’asile »7.
Or, il se trouve précisément qu’au moment de leur arrivée, les personnes présentées comme réfugiées n’ont pas officiellement ce statut. Le rôle des ONG dans le processus qui conduit à la reconnaissance de ce statut n’est pas à négliger, c’est la raison pour laquelle il n’est pas possible de limiter l’analyse de la section C aux seuls réfugiés statutaires.
C’est donc fort du constat de l’importance du rôle des ONG en charge des réfugiés et demandeurs d'asile, notamment dans les domaines moraux, juridiques et matériels (I) que la Conférence des plénipotentiaires a recommandé aux Gouvernements et aux organismes intergouvernementaux d’accorder leur appui à l’action des ONG (II).

I – Reconnaissance de l’importance de l’action des ONG au profit des réfugiés

Tant dans les camps de réfugiés que dans les milieux urbains, les ONG interviennent aussi bien pour la protection que pour l’assistance aux réfugiés. Leur action prend plusieurs formes comme le souligne la section C du point IV de l’Acte final quand elle fait état du concours des ONG dans « divers domaines moraux, juridiques et matériels ». Cette action peut s’insérer à la fois dans un cadre général (A) et dans un cadre plus restreint (B)8.

A – Des actions s’inscrivant dans un cadre général

Le cadre général renvoie à une ligne commune, soit à l’ensemble des ONG, soit à un large groupe d’ONG. Le plaidoyer, arme classique de ces organisations (1), et l’intervention dans les situations d’urgence, commune aux ONG humanitaires (2), constituent les deux types d’action au profit des réfugiés relevant de ce cadre.

1 – Une arme classique des ONG au service des réfugiés : le plaidoyer
Traduction du terme anglais advocacy, le plaidoyer renvoie à l’idée de plaider une cause, à l’ensemble des activités visant à attirer l’attention sur un problème donné et à proposer des solutions en vue d’aboutir à un changement de la part des décideurs au niveau local, national, régional ou international.
Selon l’association GADEM9, qui s’est inspirée des définitions données par des représentants d’ONG lors d’ateliers de formation et répertoriées dans le Manuel de référence pour l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie de plaidoyer10, « le plaidoyer est un processus visant à déclencher un changement positif en faveur d’un groupe social déterminé ou d’une cause à travers un ensemble d’actions en vue d’influencer l’élaboration, la mise en place, la suppression ou le changement d’une politique, d’une législation, d’un programme ou d’un projet d’intérêt général »11. Pour la Direction du développement et de la coopération (DDC) suisse, « l’advocacy se distingue du lobbying en ce sens que le premier se pratique pour défendre non pas ses propres intérêts, mais ceux de tiers défavorisés »12.
Une telle pratique, bien connue du monde des ONG de façon générale, est mise au service de la protection des réfugiés. Concrètement, les ONG mènent des actions de promotion des droits des réfugiés, d’information et de sensibilisation de l’opinion publique et des décideurs, de surveillance des pratiques touchant à la situation des réfugiés et demandeurs d’asile, de rédaction de rapports, de recommandations…, visant à inciter à la ratification de la Convention et du protocole sur le statut des réfugiés13, à la mise en conformité de politiques, législations et pratiques avec ces instruments, à l’adoption de mesures assurant une meilleure garantie des droits et du bien-être des réfugiés et susceptibles de les aider à trouver des solutions durables14.
C’est par exemple une initiative de la Dotation Carnegie pour la Paix Internationale qui a débouché sur l’adoption du protocole de Bellagio complétant la convention sur le statut des réfugiés15.

2 – Une action commune aux ONG humanitaires : l’intervention dans les situations d’urgence
L’action des ONG dans les situations d’urgence n’est plus à présenter tant elle est la plus médiatisée. Guerres, épidémies, famines, catastrophes naturelles… sont autant de facteurs créant des situations d’urgence. Toutes ces situations ne donnent pas lieu à des déplacements forcés de populations et tous les déplacements forcés de populations ne génèrent pas une reconnaissance du statut de réfugié.
Pourtant, dans toutes ces situations dramatiques, les ONG interviennent pour assister les victimes de la même manière. Elles leur fournissent de l’eau potable, de la nourriture, des services d’assainissement, des soins médicaux, des abris, des couvertures, des couchages et bien d’autres articles à usage sanitaire ou domestique.
Dans de telles circonstances des ONG et associations telles que Médecins Sans Frontières, Action Contre la Faim, les sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Oxfam international, Care…, sont des ONG en charge des réfugiés en ce qu’elles apportent à ces derniers l’aide humanitaire d’urgence.
Parmi les ONG qui interviennent ainsi en cas d’urgence humanitaire, certaines s’occupent particulièrement des personnes les plus vulnérables, c’est le cas par exemple de Handicap international, de Save the Children et de Gynécologie sans frontières.
Les activités qualifiées de générales peuvent donc être le fait d’ONG dont l’action est vaste ou limitée ratione personae (étrangers, migrants, demandeurs d’asile, réfugiés) et qui utilisent des moyens communs à la « communauté ONG » en faveur des réfugiés ou demandeurs d’asile, comme elle peut être l’œuvre d’ONG dont l’action est limitée rationae materiae et qui bénéficie aux réfugiés parmi d’autres catégories de populations.
D’autres actions des ONG en faveur des réfugiés peuvent par contre être qualifiées de spécialisées en ce qu’elles bénéficient à ces derniers précisément au regard de leur statut de réfugiés officiels ou potentiels.

B – Des actions plus spécialisées
Par actions spécialisées, on entend celles qui touchent à des problématiques spécifiques aux réfugiés et aux personnes prétendant à ce statut. Il s’agit notamment de l’accompagnement par les ONG des demandeurs d’asile (1) et des réfugiés statutaires (2).

1 – L’accompagnement des demandeurs d’asile
Les ONG apportent aux demandeurs d’asile, réfugiés potentiels, une assistance à la fois sociale, juridique16 et administrative.
En effet, les ONG accueillent les personnes qui prétendent au statut de réfugié, les informent sur la procédure de demande d’asile, sur les conditions matérielles de leur accueil et l’aide sociale à laquelle ils peuvent prétendre pendant la durée de la procédure. Elles les orientent vers les institutions et autres structures intervenant dans le domaine de l’asile et peuvent également leur offrir un service de domiciliation et de gestion de leur courrier pour ceux qui ne disposent pas d’une adresse fixe.
Les ONG aident les demandeurs d’asile pour la constitution et le dépôt de leur dossier de demande d’asile, leur fournissent des explications sur la décision prise par les autorités compétentes quant à leur demande, les informent sur les suites à y donner, sur les recours éventuels et les accompagnent dans l’introduction de ces recours et la procédure.
Par ailleurs, les demandeurs d’asile sont informés, orientés et aidés en ce qui concerne l’accès à un hébergement, aux droits sociaux et aux droits en matière de santé, certaines ONG « spécialisées » offrant elles-mêmes des services sociaux et de santé17.

2 – L’accompagnement des réfugiés dans  le cadre des solutions durables
Dans le cadre des solutions durables, l’accompagnement prend surtout la forme d’une aide à l’intégration ou à la réintégration (pour les réfugiés qui retournent dans leur pays) par l’emploi et le logement que ce soit pour les réfugiés rapatriés, réinstallés ou pour ceux qui établissent leur résidence dans le premier pays d’accueil.
Outre l’information, le conseil, l’orientation en ce qui concerne les droits et les procédures, les réfugiés statutaires désireux d’accéder à une formation, à un emploi ou à un logement dans une perspective durable peuvent bénéficier de l’assistance des ONG sous différentes formes : formation en langue, préparation en vue de passer des tests d’équivalence de diplômes18, initiation au marché national du travail et à l’environnement social, aide personnalisée à la définition de projets professionnels, à la recherche d’emploi, à la rédaction de CV et à la préparation d’entretiens, accueil dans des structures d’hébergement dédiées, facilitation de la location dans le parc privé grâce aux partenariats des ONG avec des acteurs privés de l’immobilier…19
Ces activités des ONG sont mises en œuvre dans le cadre de l’exécution de programmes établis par des institutions publiques (locales, nationales, régionales et internationales) ou à leur propre initiative.
Toutes ces actions des ONG dans « divers domaines moraux, juridiques et matériels » témoignent de leur position d’acteurs de la protection et de l’assistance des réfugiés et expliquent pourquoi les Etats présents à la conférence de plénipotentiaires n’ont pas hésité à s’engager à soutenir leur action.

II – Recommandation en faveur de l’appui à l’action des ONG au profit des réfugiés

Contrairement aux dispositions prévoyant l’intervention des ONG dans les Conventions de Genève de 1949, l’engagement des Etats « de faciliter, d’encourager et de soutenir les efforts » des ONG relève de la soft law vu qu’elle se présente sous forme de recommandation ; recommandation qui s’adresse aux organismes intergouvernementaux (A) et aux gouvernements (B).

A – L’appui des organismes intergouvernementaux à l’action des ONG
En tant qu’organisme intergouvernemental en charge des réfugiés par excellence, l’exemple du HCR est éclairant en matière d’appui à l’action des ONG (1). Au niveau régional, le rôle important de la Commission européenne en faveur des réfugiés mérite que l’on souligne la collaboration entre l’UE et les ONG (2).

1 – L’exemple du HCR
Selon l’article 8(h) de son statut, le HCR assure la protection des réfugiés relevant de sa compétence « en entrant en rapport, de la manière qu’il juge la meilleure, avec les organisations privées qui s’occupent de questions concernant les réfugiés ».
Le HCR travaille avec les ONG depuis l’origine. Aujourd’hui, la collaboration entre le HCR et les ONG passe par plusieurs voies et se présente sous des formes diverses telles que l’initiative PARinAC20, les consultations annuelles du HCR avec les ONG21, la participation des ONG à l’Excom22, la participation du HCR aux forums et conférences initiés par les réseaux d’ONG tel que le CIAB23, les formations du HCR ouvertes à ses partenaires24
Sur le terrain, le partenariat entre les ONG et le HCR prend deux formes : les partenariats d’exécution et les partenariats opérationnels. Par le partenariat d’exécution, des ONG fournissent certains services aux réfugiés avec le soutien financier du HCR dans le cadre d’un accord de projet. Quant au partenariat opérationnel, il renvoie à une coordination entre le HCR et les ONG qui appuient l’action du HCR (par exemple pour les secours d’urgence et la réinstallation) sans son soutien financier.
En permettant aux ONG d’exécuter une partie de ses missions, en participant au financement de leurs activités, en coordonnant ses actions avec celles des ONG, en étant un forum dans lequel les voix des ONG peuvent être entendues, il est clair que le HCR « facilite, encourage et soutient les efforts » des ONG.

2 – L’exemple de l’UE
L’action de l’UE en faveur des réfugiés passe par différentes « directions générales » (DG) de la Commission, notamment la DG Aide humanitaire et protection civile (ECHO) et la DG Migration et affaires intérieures (HOME). Dans ces départements, l’appui aux activités des ONG est essentiellement financier et se matérialise au travers de subventions dans le cadre de programmes de financements de projets25.
Au sein de la DG Migration et affaires intérieures, a été institué le Fonds Asile, Migration, Intégration pour la période 2014-2020. Ce programme cadre qui vient remplacer le programme SOLID (dans lequel le Fonds européen pour les réfugiés avait été intégré)  comprend trois volets dont l’un destiné au Régime d’asile européen commun (RAEC) vise à développer et à renforcer ce dernier. Les ONG figurent parmi les bénéficiaires de ce programme.
L’action humanitaire dans le cadre de la DG Aide humanitaire et protection civile est mise en œuvre par des organisations et associations dites partenaires humanitaires qui concluent pour ce faire une convention-cadre de partenariat avec la Commission européenne. Chaque année, ECHO organise une Conférence des partenaires qui constitue une plateforme d’échanges où les ONG peuvent faire entendre leurs voix.

B – L’appui des gouvernements à l’action des ONG
La réputation de traditionnelle terre d’asile de la France en fait un bon cas d’étude en matière d’appui des gouvernements à l’action des ONG (1). Sur le continent africain en proie à de nombreux conflits armés, le Kenya figure parmi les premiers pays d’asile et constitue à ce titre un exemple intéressant également (2).

1 – L’exemple de la France
En France, les associations sont depuis longtemps visibles à différentes étapes des politiques nationales relatives à l’asile. Elles attirent l’attention sur les problèmes dans ce domaine, sont associées au processus d’élaboration des législations et réglementations prévoyant des dispositifs institutionnels visant à corriger les problèmes puis participent à la mise en œuvre des dispositifs ainsi conçus. De ce dernier point de vue, le Gouvernement français finance certaines activités des associations et en fait des gestionnaires et exécutants de ses programmes dédiés à l’asile.
La recommandation contenue dans la section C du point IV de l’Acte final semble donc ne poser aucun problème d’application en France. Cependant, ce partenariat affiché ne s’analyse pas toujours en une collaboration paisible.
Dans le cadre de la réforme de l’asile par exemple, les associations ont pris part aux concertations qui ont donné lieu au Rapport sur la réforme de l’asile. Néanmoins, la Coordination française du droit d’asile qui regroupe une vingtaine d’associations a exprimé son désaccord quant aux analyses, postulats et propositions contenus dans ce rapport et a présenté ses Recommandations pour une réforme d’envergure26.
D’autre part, dans les années 2000, le monde associatif a dénoncé ce qu’il a appelé la nationalisation du secteur de l’asile avec le transfert de missions jusque-là exécutées par des associations à des services publics ayant entraîné la disparition d’associations telles que le Service social d’aide aux émigrants (SSAE) qui gérait les Contrats d’accueil et d’intégration. La fusion du SSAE et de l’OMI a en effet donné naissance à l’ANEM remplacée aujourd’hui par l’OFII ; la coordination et l’animation du Dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés assurées par France Terre d’asile ont été transférées à l’OMI (actuel OFII). Certaines missions sont bien entendu restées aux mains des associations qui continuent d’exécuter certains aspects de la politique française de l’asile et d’en dénoncer les insuffisances.

2 – L’exemple du Kenya
Selon les données du HCR, le Kenya a été pendant longtemps le pays africain qui accueillait le plus de réfugiés27 avant d’être supplanté fin juillet 2014 par l’Ethiopie28. L’actualité relative à l’asile d’une part et aux ONG d’autre part n’est cependant pas de nature à expliquer la place du Kenya comme l’un des premiers pays d’asile en même temps qu’elle est révélatrice de relations entre ONG et gouvernement remettant en cause la recommandation de la section C du point IV de l’Acte final.
En 2013, le parlement kenyan a adopté le Public Benefits Organisations (PBO) Act, une loi destinée à améliorer le statut des organisations sans but lucratif qui œuvrent pour l’intérêt général et fixent un cadre de collaboration entre ces dernières et le gouvernement. Ce texte n’est cependant pas encore applicable vu que le Ministre de la décentralisation et de la planification, qui a un pouvoir discrétionnaire à cet égard, n’a pas publié de date à cet effet malgré la pétition lancée par les ONG dans ce sens. Quelques mois après son adoption, un projet de modification du PBO Act visant à limiter les sources internationales de financement des ONG à 15% de leur budget a été soumis au parlement qui l’a rejeté29. Pourtant, le gouvernement kenyan participe très peu au financement des ONG sur son territoire qui sont financées principalement par des sources internationales30.
Parallèlement, en décembre 2012, le Département kenyan des affaires relatives aux réfugiés a décidé de fermer tous les centres d’enregistrement des réfugiés dans les zones urbaines avec effet immédiat, invitant les demandeurs d’asile et réfugiés en milieu urbain à se rendre dans les camps de réfugiés et demandant au HCR et autres partenaires de cesser de fournir des services à ces derniers et à transférer lesdits services dans les camps de réfugiés. L’ONG Kituo Cha Sheria et sept (07) réfugiés ont porté la décision à la connaissance de la Haute Cour du Kenya qui l’a annulée31.
En décembre 2014, le parlement kenyan a adopté un projet de loi visant entre autres à modifier le Refugee Act par une limitation à 150 000 du nombre de réfugiés et demandeurs d’asile autorisés à rester au Kenya, le nombre de réfugiés au Kenya s’élevant aujourd’hui à 600 000. Plusieurs articles de cette loi ont été suspendus par la Haute Cour du Kenya en attendant que la juridiction compétente se prononce sur la constitutionnalité de 22 sections contestées.  Cet exemple kenyan montre combien il peut être difficile de « faciliter, d’encourager et de soutenir les efforts des organisations dûment qualifiées pour leur tâche » dans certains Etats.
Finalement, même si les ONG sont indéniablement des acteurs de l’assistance et de la protection des réfugiés et demandeurs d’asile, partenaires incontournables des gouvernements et des organismes intergouvernementaux, leurs relations avec ces deux derniers acteurs ne constituent pas toujours un long fleuve tranquille.

1 UN Conference of Plenipotentiaries on the Status of Refugees and Stateless Persons, Conference of Plenipotentiaries on the Status of Refugees and Stateless Persons: Draft Convention Relating to the Status of Refugees. Holy See: Draft Recommendations for Inclusion in the Final Act of the Conference, 24 July 1951, A/CONF.2/103, available at: www.refworld.org/docid/3ae68ce930.html [accessed 5 January 2015].

2 UN Conference of Plenipotentiaries on the Status of Refugees and Stateless Persons, Conférence de plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et des apatrides : Compte rendu analytique de la trente-quatrième séance, tenue au Palais des Nations, à Genève le mercredi 25 juillet 1951, à 9 heures, 30 November 1951, A/CONF.2/SR.34, available at: www.refworld.org/docid/3ae68ce770.html [accessed 14 January 2015].

3 Idem.

4 UN Conference of Plenipotentiaries on the Status of Refugees and Stateless Persons, Conférence de plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et des apatrides : Compte rendu analytique de la trente-quatrième séance, tenue au Palais des Nations, à Genève le mercredi 25 juillet 1951, à 9 heures, 30 November 1951, A/CONF.2/SR.34, available at: www.refworld.org/docid/3ae68ce770.html [accessed 14 January 2015] et UN Conference of Plenipotentiaries on the Status of Refugees and Stateless Persons, Conference of Plenipotentiaries on the Status of Refugees and Stateless Persons: Summary Record of the Thirty-fifth Meeting, 3 December 1951, A/CONF.2/SR.35, available at: www.refworld.org/docid/3ae68ceb4.html [accessed 14 January 2015].

5 PERROULAZ G., « Le rôle des ONG dans la politique de développement : forces et limites, légitimité et contrôle », Annuaire suisse de politique de développement, Vol. 23, n° 2, 2004 : Les ONG de développement : rôles et perspectives, pp. 9-13.

6 RUBIO F., Les ONG acteurs de la mondialisation, Dossiers d’actualité mondiale, coll. Problèmes politiques et sociaux n° 877-878, La Documentation française, Paris, 2002, p. 3.

7  UN Conference of Plenipotentiaries on the Status of Refugees and Stateless Persons, Conférence de plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et des apatrides : Compte rendu analytique de la trente-quatrième séance, tenue au Palais des Nations, à Genève le mercredi 25 juillet 1951, à 9 heures, 30 November 1951, A/CONF.2/SR.34, available at: www.refworld.org/docid/3ae68ce770.html [accessed 14 January 2015].

8 Une telle présentation répond à un souci d’organisation des idées et ne saurait prétendre à l’exhaustivité pour ce qui est des activités concrètes susceptibles d’être menées par les ONG.

9 Groupe antiraciste de défense et d’accompagnement des étrangers et migrants, association de droit marocain.

10 TANMIA, Manuel de référence pour l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie de plaidoyer, Novembre 2006, URL : www.tanmia.ma/manuel-pour-lelaboration-et-la-mise-en-oeuvre-dune-strategie-de-plaidoyer-2/

11 GADEM, Petit guide de plaidoyer pour la défense des droits des migrants, réfugiés et demandeurs d’asile, mars 2012, p. 34, URL : www.gadem-asso.org/PETIT-GUIDE-DE-PLAIDOYER

12 Glossaire de la DDC, URL : preview.deza.admin.ch/glossary_popup.php

13 Voir par exemple l’action de World Peace Through Law Center dans ce sens, LENZE F., « Les organisations non gouvernementales et la protection internationale des réfugiés », In : Institute of public international law and international relations of Thessaloniki (éd.), The refugee problem on universal, regional and national level, Grèce, Institute of public international law and international relations of Thessaloniki, Collection Thesaurus acroasium, n° 13, 1987, p. 857.

14 Pour des exemples précis, voir les activités d’organisations telles que Refugee Council USA, CARAD (Coalition for Asylum Seekers, Refugees and Detainees), ERAD (European refugee advocacy organisation), ECRE (European Council on Refugees and Exiles), Forum réfugiés-Cosi, JRS (Jesuit Refugee Service)…

15 LENZE F., op cit, pp. 857-858.

16 Un Centre international de coordination de l’assistance juridique aux réfugiés, aux apatrides et migrants a été créé en 1958 à l’initiative du CICR. Selon H. G. Beckh (ancien délégué du CICR), son objectif est de « procurer à [la personne devenue réfugiée, apatride ou  migrante] une assistance juridique dans le pays où elle se trouve – même si elle n’a pas les moyens de payer les honoraires d’un avocat ». L’assistance juridique s’entendant « des avis ou conseils juridiques ; de la représentation des intéressés auprès des autorités administratives ; de l’assistance judiciaire devant les tribunaux civils ou pénaux ». Exposé de H.G. Beckh lors de la Conférence « Peace through law » à Belgrade en juillet 1971, reproduit dans Revue Internationale de la Croix-Rouge,  Volume 53, Issue 633, Septembre 1971, pp. 570-571.

17 Voir par exemple les services thérapeutiques et les services aux demandeurs d’asile sans ressources (restauration, douches, buanderie) du UK Refugee Council : www.refugeecouncil.org.uk

18 UK Refugee Council propose aux réfugiés ayant appartenu au corps médical ou enseignant dans leurs pays d’origine des préparations pour les tests que les détenteurs de diplômes étrangers doivent passer pour démontrer leur aptitude à exercer au Royaume-Uni.

19 Voir les dispositifs mis en œuvre par France Terre d’asile pour l’intégration par l’emploi et le logement : www.france-terre-asile.org/que-faisons-nous/integration-des-migrants/le-conseil-emploi-refugies-formation

20 Partenariat en action, cadre de coopération entre le HCR et des centaines d’ONG conceptualisé en 1994 dans un contexte de la croissance des défis relatifs aux réfugiés et ayant pris la forme d’une conférence à Oslo qui s’est soldée par un Plan d’action porteur de recommandations.

21 Organisées par le HCR, ces consultations qui durent 3 jours constituent un espace de dialogue entre le HCR et les ONG sur divers sujets,  une occasion pour les ONG de soulever certaines questions, d’échanger des idées avec le HCR et d’instaurer un travail en réseau. Voir le Guide de participation des ONG aux consultations annuelles du HCR avec les ONG :
www.unhcr.org/49d336774.pdf

22 Session annuelle du Comité exécutif du HCR.

23 Conseil international des agences bénévoles, en anglais ICVA (International Council of Voluntary Agencies), réseau d’ONG humanitaires.

24 Voir par exemple les formations Workshop for Emergency Managers (WEM) et Situational Emergency training (SET). Pour plus d’informations sur les programmes de formation du HCR, voir l’UNHCR Regional Centre for Emergency Preparedness (eCentre) : www.the-ecentre.net/index.cfm

25 La DG Coopération internationale et développement (DEVCO) comprend un secteur « migration et asile », cependant les bénéficiaires directs de ses financements sont les Etats, les agences publiques et les organisations internationales.

26 Disponible sur http://cfda.rezo.net/loi %20asile/Document%20CFDA%20Pl%E9ni%E8re%20final%2012-2-17-d%E9f.pdf

27 A la fin de l’année 2013, le Kenya comptait 534 938 réfugiés (Voir HCR, Tendances mondiales 2013 : Le coût humain de la guerre, UNHCR, Genève, 2014). Ce chiffre est passé à environ 600 000 en juillet 2014 (http://www.unhcr.org/pages/49e483a16.html#KENDA).

28 www.unhcr.org/53f31ebd9.html

29 ttp://www.icnl.org/research/monitor/kenya.html#glance

30 BRASS J. N., Surrogates for Governement? NGOs and the State in Kenya, Dissertation for the degree of Doctor of Philosophy in Political Science in the Graduate Division of the University of California, Berkeley, 2010, p. 11: « Indeed, most NGOs in Kenya – whether established within the country by Kenyan citizens or abroad – are funded via international sources or local private sources. Of the 4211 organizations listed in the Kenyan Government’s NGO Board database in December 2006, only 663 (about 16%) submitted a return with funding source information in the most recent return year, 2005. In these return figures, 91% of funds are listed as coming from international sources. Of the other 9% of funds, 8% come from local private sources, with only 1% of NGO funds derived from the Government of Kenya at the national or local level. Over 35% of organizations received funding entirely from abroad, with organizations receiving funds from a mix of local and international sources (an additional 25% of organizations) getting 71% of their funds from abroad on average. To put these figures into real terms, of the approximately 213 million dollars reported in 2005, $195 million originated in the international economy versus $17 million from Kenyan sources, of which only $1.5 million came from the Kenyan government ».

31 Kituo Cha Sheria and others v. The Attorney General, Kenya: High Court, 26 July 2013, available at: www.refworld.org/docid/51f622294.html [accessed 29 January 2015].

Acte final D et commentaires

Acte final D

Solidarité internationale dans les domaines de l’asile et de la réinstallation


LA CONFÉRENCE,

CONSIDÉRANT que nombre de personnes quittent encore leur pays d’origine pour des raisons de persécution et qu’elles ont droit à une protection spéciale à cause de leur condition particulière,

RECOMMANDE aux Gouvernements de continuer à recevoir les réfugiés sur leur territoire et d’agir de concert dans un véritable esprit de solidarité internationale, afin que les réfugiés puissent trouver asile et possibilité de réétablissement.

Commentaire

Auteur : Sylviana Cocan, doctorante, CRDEI, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016

Le fonctionnement effectif du système de protection juridique internationale institué par la Convention de Genève de 1951 est fonction du principe de responsabilité de l’Etat et du principe de solidarité internationale. En effet, au titre de la responsabilité internationale, les Etats doivent se conformer aux obligations qui leur incombent en vertu de la Convention. Parallèlement, lors de la mise en œuvre de ces obligations, le principe de solidarité internationale est fondamental car les Etats doivent se répartir la charge relative à l’accueil des réfugiés et pouvant être extrêmement lourde1. Ils sont invités ainsi à mettre en œuvre une coopération effective dans la répartition des charges car un seul Etat d’accueil ne pourrait pas faire face à un afflux massif de tous les réfugiés. Au-delà de la coopération entre les Etats, ces derniers doivent également coopérer avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Le principe général de coopération, en étroite corrélation avec le principe de solidarité internationale, s’impose aux Etats en vertu de la Charte des Nations Unies, signée à San Francisco le 26 juin 19452. Le principe de coopération dans le contexte relatif aux réfugiés reflète la reconnaissance de la dimension internationale intrinsèquement rattachée aux mouvements de populations à travers les frontières. Parallèlement, à titre d’illustration, le principe de solidarité est mentionné à l’article 67 paragraphe 2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relatif à la politique commune en matière d’asile, d’immigration et de contrôles des frontières extérieures entre les Etats membres, en tant que fondement même de cette politique commune.

Compte tenu du nombre croissant de réfugiés et du caractère vulnérable de ces personnes qui ont besoin d’une protection spécifique, l’esprit de solidarité doit primer entre les Etats de la communauté internationale. En effet, même lorsque ces derniers souhaitent protéger leurs intérêts nationaux lorsqu’ils sont confrontés aux populations déplacées, ces intérêts nationaux sont plus susceptibles d’être sauvegardés en coopérant avec les autres Etats aux fins de réinstallation des réfugiés ou d’intégration locale de ces derniers, qui ne peuvent ou ne veulent retourner dans leur Etat d’origine en raison des persécutions alléguées, d’autant plus que les Etats doivent respecter le principe de non-refoulement, principe ayant acquis le valeur de norme issue du droit international coutumier.
Enfin, en vertu de l’article 14, 1) de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays », ce qui implique une nécessaire et constante collaboration des Etats à l’échelle internationale, l’asile étant un droit de l’homme.

1 Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, Préambule, Considérant n° 4 : « Considérant qu’il peut résulter de l’octroi du droit d’asile des charges exceptionnellement lourdes pour certains pays et que la situation satisfaisante des problèmes dont l’Organisation des Nations Unies a reconnu la portée et le caractère internationaux, ne saurait, dans cette hypothèse, être obtenue sans une solidarité internationale. ». Voir CASTILLO, J., La coopération dans la répartition de la charge du réfugié, dans TOURNEPICHE A.M. (dir), La coopération, enjeu essentiel du droit des réfugiés, Pedone, 2015, p. 61.

2 Voir les articles 1 ; 13. 1, b) ; 55 et 56 de la Charte des Nations Unies.

Acte final E et commentaires

Acte final E

Elargissement de la portée de la Convention

LA CONFÉRENCE,

EXPRIME l’espoir que la Convention relative au statut des réfugiés aura valeur d’exemple, en plus de sa portée contractuelle, et qu’elle incitera tous les Etats à accorder dans toute la mesure du possible aux personnes se trouvant sur leur territoire en tant que réfugiés et qui ne seraient pas couvertes par les dispositions de la Convention, le traitement prévu par cette Convention.

Commentaire

Auteur : Carlos Alvès, Maître de conférences, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016

 

Selon l'Acte final de la Convention de Genève, la Conférence « EXPRIME l'espoir que la Convention relative au statut des réfugiés aura valeur d'exemple, en plus de sa portée contractuelle, et qu'elle incitera tous les Etats à accorder dans toute la mesure du possible aux personnes se trouvant sur leur territoire en tant que réfugiés et qui ne seraient par couvertes par les dispositions de la Convention, le traitement prévu par cette Convention. ».


Traditionnellement, cette assertion de la Conférence des plénipotentiaires a trouvé application en matière de regroupement familial. Ainsi, dès 1957 était forgée la fameuse jurisprudence dite de « l'unité de famille »1. Dans la même veine, l'instrument à vocation universelle a été complété par plusieurs instruments régionaux, notamment deux directives européennes2.
A l'heure actuelle, cette question de l'extension de la portée ratione personae de la Convention de 1951 est illustrée de manière emblématique par le thème des « réfugiés environnementaux ». Comme le montre l'exemple fameux de Noé, les migrations ont de tous temps constitué une stratégie pour faire face aux changements environnementaux. Il apparaît toutefois que celles-ci connaissent récemment un regain d'actualité certain en lien notamment avec la thématique du changement climatique. Ce risque global ne saurait pour autant occulter le rôle joué par l'accroissement de la population conjugué, combiné aux développements industriel et technologique contribuent également à l'aggravation des effets des catastrophes. Selon les Nations Unies, il y aurait environ 150 millions de réfugiés environnementaux à l'horizon 2050. Se pose dès lors la question de leur statut ? Peuvent-ils relever de la Convention de 1951 ? Rien n'est moins sûr. Les incertitudes juridiques trouvent d'ailleurs un écho dans la profusion sémantique. A l'évidence, la diversité sémantique reflète les incertitudes théoriques : « réfugiés écologiques », « réfugiés de l'environnement », « éco-réfugiés», « réfugiés climatiques », « personnes déplacées en raison d'une catastrophe naturelle » ou encore « exodes écologiques ». Comment alors définir cette catégorie de populations afin de mieux la protéger ? L'organe onusien spécifiquement dédié aux questions environnementales propose dès 1985 une définition. Selon un rapport du Programme des Nations unies pour l'Environnement (PNUE), il s'agit de « ceux qui sont forcés de quitter leur lieu de vie temporairement ou de façon permanente à cause d'une rupture environnementale (d'origine naturelle ou humaine) qui a mis en péril leur existence ou sérieusement affecté leurs conditions de vie »3. pour sa part, l'OIM a proposé une définition en 2007 : “On appelle migrants environnementaux les personnes ou groupes de personnes qui, pour des raisons impérieuses liées à un changement environnemental soudain ou progressif influant négativement sur leur vie ou leurs conditions de vie, sont contraintes de quitter leur foyer habituel ou le quittent de leur propre initiative, temporairement ou définitivement, et qui, de ce fait, se déplacent à l'intérieur de leur pays ou en sortent”.
Face à l'émergence des enjeux environnementaux, deux solutions classiques sont envisageables : l'interprétation des textes existants ou l'adoption d'un nouveau texte.

I- Une relecture improbable

La prise en compte des réfugiés environnementaux implique de lege ferenda une interprétation rénovée de la Convention de Genève. Il s'agit là d'une démarche classique. En effet, les préoccupations environnementales étant relativement récentes, la question s'est souvent posée de l'intégration de données environnementales lors du processus d'interprétation de textes élaborés antérieurement à la « vague verte ». Une réponse vient immédiatement à l'esprit : la doctrine du droit intertemporel. En vertu de cette doctrine exprimée par Max Huber dans l'affaire de « l'Ile de Palmas », « un acte juridique doit être apprécié à la lumière du droit de l'époque, non à celle du droit en vigueur au moment où s'élève ou doit être réglé un différend relatif à cet acte ». toutefois, c'est faire abstraction du caractère situé de l'interprète. Celui-ci intègre nécessairement les valeurs dominantes dans une société à un instant donné. Même un auteur aussi attentif à la souveraineté que Sir Gerald Fitzmaurice était sensible à l'influence du temps sur le droit. En vertu de la doctrine des « emergent purposes », l'objet et le but d'un traité ne sont pas statiques. Selon cette approche, l'objet du traité seulement implicite dans un premier temps, émergerait peu à peu au fil du temps. Ce type d'approche a pu se vérifier à propos de différentes catégories de traités : traité fondateur d'organisation internationale ( traité de Rome instituant la CEE), ou encore des traités relatifs aux droits de l'homme tels que la CEDH. Cet exemple est d'autant plus significatif que la protection des réfugiés relève des droits de l'homme. Toutefois, si l'environnement a pu progressivement devenir l'une des valeurs cardinales de la société internationale aux côtés de la paix et des droits de l'homme depuis la Conférence de Stockholm de 1972, le « climat » actuel restrictif en matière d'asile n'est guère propice à une lecture extensive du champ d'application de la Convention de Genève. Il sera difficile de caractériser une persécution au sens de la Convention. En outre, le droit international des réfugiés repose sur une approche individualisée des motifs d'exil. Or, les personnes victimes de catastrophes écologiques fuient en masse les lieux concernés. Enfin, la Convention de Genève conçue aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale fait la part belle à la souveraineté des Etats. Or, ici aussi, l'on assiste à un heurt de logiques. En la matière, il ne s'agit pas nécessairement de pallier une absence de protection juridique de l'Etat d'allégeance mais de pallier une souveraineté défaillante et ce d'autant plus que les migrations peuvent très bien intervenir au sein même de l'Etat d'origine. De lege ferenda, les migrants environnementaux présents sur le territoire de leur Etat mais livrés à eux-mêmes devraient pouvoir bénéficier d'une protection internationale. Si l'adoption d'un simple amendement à la Convention de Genève présente a priori l'avantage de la simplicité (?) et de la célérité (?), il serait certainement mieux venu d'élaborer un texte autonome et spécifique : mieux venu et plus conforme à l'esprit de l'Acte final que de malmener la lettre de la Convention de Genève.

II- Une nouvelle étape inéluctable

Un nouveau texte pourrait prendre la forme d'un protocole à la Convention. Cependant, une telle initiative a priori séduisante pourrait aboutir in fine à ruiner l'édifice conventionnel déjà fragilisé aujourd'hui par les approches restrictives retenues par de nombreux Etats d'accueil. Dans ce contexte, l'adoption d'un traité autonome et spécifique se justifierait à deux égards4.
Ratione personae : un tel instrument conventionnel permettrait de protéger également les personnes déplacées au sein de leur Etat. Ratione temporis, cet instrument devrait prévoir une protection à durée variable : temporaire pour les catastrophes générant des dégâts de court terme, mais sans limite de temps dans des hypothèses plus « structurelles » (changement climatique, accident nucléaire). Dans ce cas de figure, il serait nécessaire de prévoir une passerelle vers le droit commun des étrangers ( réfugiés) avec les obligations y afférentes ( carte de séjour, droit au regroupement familial, droit à l'emploi et aux prestations sociales).
Outre ce cas de figure précis, un tel instrument conventionnel permettrait de définitr avec précision les obligations des Etats ( obligation de non-refoulement, accueil temporaire). Ce faisant, une telle convention aurait également pour mérite de dépasser les limites de la Convention de Genève tout en s'inscrivant dans le droit fil de sa ratio legis, à savoir préserver la dignité humaine. Néanmoins, l'élaboration d'un tel traité s'avère difficile pour de multiples raisons ( politiques d'asile restrictives, poids économique des obligations qui pèseraient notamment sur les pays voisins donc des Etats souvent pauvres).

Face à l'inadaptation quasiment ontologique du droit international des réfugiés et à ses probables obstacles, le droit international de l'environnement pourrait constituer une alternative. A cet égard, la COP 21 pourrait donner une nouvelle impulsion à cette question lancinante du réfugié environnemental. Des prémisses propices à l'introduction de la migration dans le régime international relatif au changement climatique existent déjà depuis 20105. Après tout, en l'absence (?) d'une action multilatérale ambitieuse notamment en matière climatique, il y a fort à parier que les flux migratoires environnementaux vont s'accroître. L'histoire a montré que les « lignes Maginot juridiques » sont illusoires. Autrement dit, des digues dérisoires face au flux, au flot de réfugiés6 .

 

1 TIBERGHIEN F., Réfugié, Répertoire Dalloz Droit international, point 60.

2 Directive 2001/55 du Conseil du 20 juillet 2001 sur les normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et sur les mesures visant à promouvoir un effort équilibré entre les Etats membres sur l'accueil de ces personnes et sur le poids des conséquences, Journal Officiel de l'Union européenne n° L 212, 7 août 2001, p. 12. Directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, Journal Officiel de l'Union européenne n° L 304, 30 septembre 2004,  p. 12.

3 El-Hinnawi, E., Environmental refugees, PNUE, 1985, Nairobi.

4 L’idée de créer une nouvelle Convention internationale a notamment fait l'objet d'une proposition fort détaillée sous l'impulsion du Doyen Prieur : Michel Prieur, Jean-Pierre Marguenaud, Gérard Monédiaire, Julien Bétaille, Bernard Drobenko, et al.. Projet de Convention relative au statut international des déplacés environnementaux, Revue européenne de Droit de l’environnement, 2008 (4), p. 381.

5 Ainsi, la migration climatique a été mentionnée pour la première fois à l'issue de la COP 16 à Cancun en décembre 2010. en vertu de l'alinéa 14 (f) : « mesures visant à améliorer la compréhension, la coordination et la coopération en matière de déplacement, migration et réinstallation planifiée induits par le changement climatique, le cas échéant, aux niveaux national, régional et international ». 

6 A cet égard, il convient de souligner l'écart flagrant existant entre sciences naturelles et sciences sociales. Les uns ont une vision alarmiste tandis que les autres sont plus sceptiques.

 

 


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