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Article 13

Propriété mobilière et immobilière

Les Etats contractants accorderont à tout réfugié un traitement aussi favorable que possible et de toute façon un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qui est accordé, dans les mêmes circonstances, aux étrangers en général en ce qui concerne l'acquisition de la propriété mobilière et immobilière et autres droits s'y rapportant, le louage et les autres contrats relatifs à la propriété mobilière et immobilière.

Commentaire

Auteur : Antoine Mars, doctorant, CRDEI, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016

Depuis l’adoption de la convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés, le phénomène de mondialisation a rendu les frontières poreuses, gommant petit à petit la différence entre nationaux et étrangers dans la jouissance des droits subjectifs. Pour autant, l’accroissement du nombre de réfugiés dans le monde1 rend leur protection toujours plus nécessaire. Concernant la protection des biens, l’article 13 de la convention met en place une protection de la propriété qui se veut efficace et proportionnée. En effet, l’idée qui a guidé les rédacteurs de la convention a été de garantir « à tout réfugié » un seuil de protection correspondant au minimum à celui « des étrangers en général ». Cela se traduit par un champ d’application maximum de l’article 13 (I) permettant d’assurer un standard minimum de protection de la propriété du réfugié (II).

I- L’applicabilité de la protection de la propriété

L’article 13 de la convention de 1951 a été doté d’un large champ d’application tant personnel (A) que matériel (B) au sein des États parties.

A/ L’applicabilité personnelle de la protection de la propriété

L’article 13 est applicable à « tout réfugié ». Aucune condition autre que celle tenant à la qualité de réfugié, au sens de l’article 1er de la convention, ne doit être remplie pour que la disposition soit applicable ratione personae. Ainsi, à la différence des travaux préparatoires qui prévoyaient une condition de résidence au sein de l’État partie2, le texte définitif ne retient pas cette condition supplémentaire. Le sens de ce choix est en effet de garantir une applicabilité maximum, sur le plan des personnes concernées, à la protection. À cette fin, la seule présence sur le territoire du réfugié suffit.

Mais cela s’explique également par l’objet de l’article 13. En effet, il vise notamment à protéger le réfugié dans l’acquisition d’une résidence, par l’accès à la propriété immobilière ou la conclusion d’un bail3. Dès lors, une condition de résidence préexistante pour déclencher l’applicabilité de la disposition reviendrait à l’amputer d’une partie conséquente de son objet.

B/ L’applicabilité matérielle de la protection de la propriété

Du point de vue de l’applicabilité matérielle, la volonté des rédacteurs a également été de doter la disposition du champ d’application le plus large possible. En effet, l’article 13 vise « l’acquisition de la propriété mobilière et immobilière et autres droits s’y rapportant » mais également « le louage et les autres contrats relatifs à la propriété mobilière et immobilière ».

Ainsi, l’article 13 de la convention porte en premier lieu sur la protection des droits réels. Le droit réel est « le pouvoir juridique reconnu à une personne et qui porte directement sur une chose »4. Il s’oppose au droit de créance qui, détenu un créancier, s’exerce à l’encontre de son débiteur. Le droit réel, quant à lui, porte immédiatement sur une chose. L’acquisition du droit de propriété est expressément visée. Pour autant, la convention de 1951 ne définit pas spécifiquement la propriété.

En deuxième lieu, c’est le contrat de bail – le louage – qui entre dans le champ d’application de la disposition. Au-delà des droits réels, un droit de créance spécifique, ayant pour objet la jouissance d’un bien meuble ou immeuble, est donc visé. Le titre de l’article 13 est donc trompeur car son champ d’application s’étend au-delà de la question de la propriété pour englober le contrat de bail.

En dernier lieu, l’énumération des droits protégés et notamment la mention des « autres contrats relatifs à la propriété mobilière et immobilière » conduit à penser que la volonté des rédacteurs a été de couvrir dans cette disposition la totalité des droits réels et pas seulement les droits réels principaux – la propriété et ses démembrements. Si l’acquisition de la propriété est expressément mentionnée, c’est parce qu’elle revêt une importance prépondérante. Mais il n’est pas exclu de penser que les droits réels accessoires – les sûretés – entrent également dans le champ d’application matériel de la disposition. Ainsi, sans aliéner directement le bien grevé, le gage ou l’hypothèque portent tout de même sur la propriété du bien mobilier ou immobilier qui en est l’objet. Sont en revanche exclues les questions relatives aux propriétés incorporelles qui relèvent de l’article 14 de la convention.

Ainsi, le champ d’application de l’article 13 lui confère un périmètre de protection maximum dont il faut examiner l’intensité.

II- L’intensité de la protection de la propriété

L’intensité de la protection de la propriété garantie par l’article 13 est constitutive d’un plancher minimum de protection, « un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qui est accordé, dans les mêmes circonstances, aux étrangers en général ». Pour autant, possibilité est donnée aux États parties d’accorder au réfugié « un traitement aussi favorable que possible ». En ce sens, la protection de la propriété prend à la fois la forme d’une obligation (A) et d’une simple recommandation (B).

A/ Un standard de protection minimum obligatoire

Les États contractants s’engagent à ne pas traiter les refugiés moins favorablement que les non nationaux en général. En d’autres termes, le réfugié doit être considéré comme un étranger comme les autres. Cela ne signifie aucunement qu’il ne saurait subir aucune restriction quant à la propriété mais que ces restrictions, si elles existent, ne lui sont pas spécifiques. Elles sont celles qui concernent les étrangers en général et qui relèvent de la condition des étrangers dont l’État a la maitrise sur son territoire. Et, quand bien même leurs seraient-elles spécifiques, elles ne sauraient être plus contraignantes que celles visant les étrangers en général.
Cette obligation est une obligation de non-discrimination5, déjà formulée de manière générale dans l’article 7. 1. de la convention  qui stipule6 que « tout État contractant accordera au réfugié le régime qu’il accorde aux étrangers en général ». Elle est simplement reprise et appliquée de manière spécifique aux questions relatives à la propriété. En ce sens, l’obligation prévue à l’article 13 n’est pas strictement nécessaire en présence de l’obligation générale de l’article 7. 1.

B/ Un standard de protection supérieur recommandé

L’article 7. 1. réserve l’application des « dispositions plus favorables prévues dans cette convention ». L’article 13 formule une recommandation7 en ce sens. En effet, il y est stipulé que les États « accorderont à tout réfugié un traitement aussi favorable que possible ». Cela revient à permettre à un État contractant d’accorder au réfugié un degré d’intensité de protection supérieur s’il le souhaite. L’obligation détaillée précédemment n’est qu’un plancher et l’État peut librement accorder un meilleur niveau de protection ce qui revient à protéger davantage le réfugié que l’étranger en général. C’est la possibilité d’accorder un traitement de faveur au réfugié.
Les travaux préparatoires mettent en évidence différentes propositions véhiculant l’idée d’accorder au réfugié un statut plus favorable que celui des étrangers en général : le même statut que la catégorie d’étrangers la mieux traitée et même, un statut identique à celui les nationaux. Ces propositions ont été rejetées, les négociateurs craignant notamment la création d’un traitement discriminatoire en faveur des réfugiés par rapport à leurs propres nationaux comme par rapport à certaines catégories d’étrangers8. Ces étrangers privilégiés sont aujourd’hui principalement les ressortissants de l’Union européenne qui bénéficient des libertés de circulation attachées à la citoyenneté européenne dont les étrangers en général ne jouissent pas. En définitive, il est possible aux États d’accorder un statut plus favorable au réfugié et ils y sont incités, mais il ne s’agit là d’une simple recommandation et non d’une obligation.

L’article 13 est ainsi doté d’un large champ d’application et prévoit un plancher minimum de protection obligatoire de la propriété du réfugié, tout en incitant les États parties à les protéger davantage.

1 Selon le HCR, le nombre de réfugiés relevant de sa compétence est passé d’un million en 1951 à 11,7 millions en 2013. Source : www.unhcr.fr/pages/4aae621e2ab.html (consulté en janvier 2015).

2 ZIMMERMANN, A. (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, p. 885, §5.

3 Au moment de la conclusion de la convention, il était généralement impossible de satisfaire une condition de résidence sans être propriétaire ou locataire d’un immeuble. Les dispositions qui, comme l’article L. 264-1 du Code de l’action sociale et des familles français, prévoient l’élection de domicile auprès d’un organisme agréé ou d’un centre communal d’action sociale pour les personnes sans domicile stable, sont des créations législatives récentes.

4 AUBERT, J.-L., SAVAUX, E., FLOUR, J., Droit civil : les obligations, t. 1, Paris, Dalloz, 16ème éd., 2014, p. 7.

5 De manière générale, le statut du réfugié quant à la propriété est protégé par le principe de non-discrimination, largement présent tant dans les conventions internationales de protection des droits de l’homme que dans les constitutions. V. en ce sens, ZIMMERMANN, A. (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, p. 889, §22.

6 ZIMMERMANN, A. (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, p. 889, §23-24.

7 ZIMMERMANN, A. (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, p. 890, §27.

8 ZIMMERMANN, A. (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, p. 886, §9.


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