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Article 2

Obligations générales


Tout réfugié a, à l'égard du pays où il se trouve, des devoirs qui comportent notamment l'obligation de se conformer aux lois et règlements ainsi qu'aux mesures prises pour le maintien de l'ordre public.

Commentaire

Auteur : Jean-Felix Delile, Maître de Conférences, IRENEE, Université de Lorraine
Date de publication : Mars 2016

Depuis l’avis sur la « compétence des Tribunaux de Dantzig », il est admis en droit international que « l’objet même d’un accord international, dans l’intention des Parties contractantes, puisse être l’adoption, par les Parties, de règles déterminées, créant des droits et obligations pour des individus »1. Une stipulation qui, tel l’article 2 de la Convention de Genève, impose des obligations à des personnes privées, est néanmoins sans précédent en droit conventionnel des réfugiés. La détermination de l’ampleur de ces obligations a soulevé certaines difficultés. La version préliminaire de l’article 2 imposait aux réfugiés d’obéir aux lois, de payer les impôts et d’accomplir leur service militaire dans leur État d’accueil. Toutefois, dès lors que les étrangers sont – comme les ressortissants de l’État dans lequel ils résident – assujettis aux lois qui s’appliquent sur son territoire, certaines Parties contractantes, tels les États-Unis, ont considéré dispensable toute référence spécifique à certaines obligations particulières. Il n’en reste pas moins que certains États, comme la France, jugeaient nécessaire d’accompagner les privilèges retirés du statut de réfugié de l’obligation d’adopter un certain comportement qui leur permet de prétendre auxdits privilèges. Le compromis sur lequel les Parties contractantes se sont accordées pour concilier leurs positions discordantes fut de codifier la sujétion des étrangers aux lois de leur État de résidence, tout en précisant qu’ils ne seraient pas titulaires d’obligations spécifiques au titre de leur qualité de réfugié.

I- Fonctions de l’article 2

La version finale de l’article 2 synthétise en réalité les termes du paragraphe 2 de l’article 29 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule que « [d]ans l’exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n’est soumis qu’aux limitations établies par la loi […] afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique ». Deux motifs ont été évoqués au cours des négociations pour justifier l’introduction de cet article dans la Convention de Genève. Le premier tenait en l’idée que la prohibition des comportements illicites dissuaderait les personnes réfugiées de commettre des infractions, ce qui aurait pour effet d’éviter que ne se propagent les sentiments xénophobes dans les États d’accueil. Cette fonction – que l’on pourrait qualifier de politique – de l’article 2 aurait été encore plus manifeste si la proposition de la France tendant à déchoir les étrangers qui auraient commis des crimes particulièrement graves de leur statut de réfugié avait été adoptée. Mais cette proposition – qui visait précisément selon les négociateurs français à ce que la majorité des réfugiés ne soit pas stigmatisée en raison des agissements d’une minorité délinquante – ne fut pas acceptée par les Parties contractantes. Le second motif de la codification de l’article 2 est la recherche d’un équilibre lorsque les réfugiés consultent cet accord. L’intention était de ce point de vue que ces personnes y trouvent autant les droits qu’elles en retirent que les obligations qu’il leur impose.


II- Champ d’application de l’article 2


Les obligations posées par l’article 2 de la Convention de Genève s’imposent à tous les étrangers visés à son article 1. Concrètement, il s’agit de toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité ». Concernant le champ d’application spatial de l’article 2, qui est délimité comme correspondant au pays « dans lequel [le réfugié] se trouve », il ne désigne pas l’État dans lequel la personne se situe physiquement, mais celui dans lequel elle séjourne régulièrement.


III- Identification de l’obligation portée par l’article 2


Les réfugiés sont titulaires « des devoirs qui comportent notamment l’obligation de se conformer aux lois et règlements ainsi qu’aux mesures prises pour le maintien de l’ordre public ». Le « notamment » semble indiquer que la liste de devoirs n’est pas exhaustive, mais on ne trouve pas dans les travaux préparatoires de références à des obligations autres que celles définies par l’article 2. En toute hypothèse, les lois, règlements et mesures d’ordre public auxquels sont assujettis les réfugiés ne peuvent pas valablement compromettre la réalisation des droits garantis par la Convention de Genève. Par exemple, une mesure interdisant aux réfugiés de pratiquer leur religion ne pourrait pas être justifiée sur le fondement de l’article 2 de ladite Convention dès lors qu’elle porterait atteinte à son article 4.


IV- Régime de l’obligation portée par l’article 2


Le terme « devoirs », choisi pour désigner les prescriptions de l’article 2 de la Convention sur le Statut des réfugiés, a permis d’établir que celui-ci n’avait pas de valeur contraignante. Il s’agit d’une règle morale, d’une sorte d’obligation imparfaite. La violation de cette obligation n’emporte aucune conséquence en droit international (tandis qu’elle en a en droit interne) ; elle n’implique pas la perte du statut de réfugié ou des droits qui sont attachés à cette qualité au terme de la Convention de Genève.
Une proposition de la Belgique tendant à soumettre l’éligibilité au titre de réfugié au respect de l’article 2 a d’ailleurs été déclinée par la Conférence des Parties contractantes qui a considéré qu’une telle stipulation confierait aux États d’accueil le pouvoir de priver la Convention de toute effectivité. Par conséquent, un réfugié ne peut pas être dessaisi des droits qui lui sont conférés par la Convention de Genève s’il viole une des mesures dont le respect est prescrit par l’article 2. Il n’y a pas de réciprocité des droits et obligations de la Convention de Genève, et le bénéfice des droits qu’elle garantit aux réfugiés ne peut en principe leur être soustrait s’ils n’obéissent pas à leurs devoirs. Les droits de la Convention doivent être respectés tant que le titre de réfugié de l’étranger est valide, que le statut de réfugié n’est pas retiré sur le fondement de l’article 1, et qu’une ordonnance d’expulsion ne peut être valablement prononcée en conformité avec les exigences des articles 32 et 33. En définitive, le respect de l’article 2 est un devoir général qui ne constitue pourtant pas une condition du bénéfice des droits garantis par la Convention de Genève.

1 CPJI, 3 mars 1928, Compétence des Tribunaux de Dantzig, Série B, n° 15.


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