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Article 23

Assistance publique

Les Etats contractants accorderont aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire le même traitement en matière d'assistance et de secours publics qu'à leurs nationaux.

Auteur : Audrey Lebret, Doctorante, CRDEI, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016

 

 L’article 23, remarquable par sa simplicité, confère une protection particulièrement étendue en matière de secours et d’assistance publique aux réfugiés. En effet, aucun instrument international relatif aux droits de l’homme n’est allé plus loin dans cette protection que la Convention de Genève.
Contrairement à ce que réclamait la France, un article spécifique a été consacré à l’assistance publique, et n’englobe pas la sécurité sociale (qui fait l’objet de l’article 24 de la convention).
L’article 23 a fait l’objet d’une seule abstention (l’Italie) et d’aucun vote contre.

I- Les personnes protégées : les réfugiés « résidant régulièrement sur le territoire»

Alors que les conventions de 1933 et 1938 introduisaient une distinction parmi les réfugiés résidant sur le territoire, l’article 23 reconnaît pour la première fois une protection à l’ensemble de ceux-ci1.
Néanmoins, comme plusieurs articles de la Convention - notamment l’article 21 relatif au logement - les Etats contractants ont restreint le champ d’application de la protection en ciblant une partie des réfugiés : ceux « résidant régulièrement » sur le territoire de l’Etat concerné.  Si les réfugiés présents sur le territoire de l’Etat de manière temporaire ne sont pas automatiquement exclus de la protection de l’article 23, c’est sous réserve d’une certaine durée de séjour.  Ainsi, les réfugiés simplement de passage ne peuvent prétendre à la même protection au titre de cet article que ceux qui résident régulièrement dans l’Etat contractant.

II- L’étendue de la protection : la même protection que les ressortissants nationaux

Cette disposition de l’article 23 lui confère toute son importance. L’article 23 se démarque des projets consistant à accorder une protection équivalente à celle offerte aux étrangers. C’est ce qu’avaient notamment retenu les Etats contractants s’agissant de l’article 21. Les réfugiés résidant régulièrement dans l’Etat ont non seulement les mêmes droits que les nationaux en matière d’assistance publique, mais les travaux préparatoires révèlent de surcroît que l’Etat qui aurait un système d’assistance fondé sur la résidence dans telle région ou localité ne saurait étendre ces conditions aux réfugiés2.
Si l’article 23 n’a fait l’objet d’aucun vote contre, l’étendue de la protection a néanmoins suscité la crainte de certains Etats qui ont en conséquence formulé des réserves. A titre d’exemple, l’Egypte considérait que les réfugiés ne pouvaient se voir reconnaitre les mêmes droits que les nationaux, privilégiant une analyse au cas par cas.  Le Canada quant à lui interprète la condition de résidence régulière comme la résidence permanente obtenue des autorités, tout en reconnaissant un droit à l’assistance aux réfugiés, mais dans les mêmes conditions que les visiteurs en général3.
Calquer la protection des réfugiés sur celle des nationaux implique que la protection accordée puisse varier d’un Etat à l’autre, en fonction de l’assistance publique garantie aux ressortissants nationaux. Autrement dit, les réfugiés ne se verront reconnaître ce droit que s’il est reconnu aux nationaux de l’Etat, ce qui n’est pas automatique. Si le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) reconnait entre autres l’assistance, le droit à la santé (article 12) et à la sécurité sociale (article 9), les Etats ne sont pas tous dotés d’un système de protection sociale, ou n’en ont pas la même définition4. En outre, si le Pacte a fait l’objet de nombreuses ratifications5, quelques Etats signataires de la Convention de Genève n’en sont pas parties6.
Par ailleurs s’agissant du PIDESC, certains commentateurs ont pointé le risque lié à l’application aux réfugiés de l’article 2 paragraphe 3, qui tient compte du stade de développement du pays pour analyser la teneur des obligations des Etats. Face à cela, il semble impératif d’interpréter les deux conventions de manière à ne pas les dénaturer. L’interprétation du PIDESC au regard des principes de Limburg7 permet ainsi d’exclure la lecture dudit Pacte comme autorisant à introduire une « discrimination » dans l’accès à l’assistance publique en raison des ressources de l’Etat8.

III - L’objet de la protection : l’assistance et les secours publics

L’assistance publique n’est pas définie par l’article, et doit donc s’entendre assez largement. Les travaux préparatoires révèlent ainsi les intentions des parties d’y inclure notamment l’assistance aux personnes dans le besoin en raison de leur âge, maladie, d’une déficience mentale ou physique, ou pour des raisons médicales9. Elle sera néanmoins susceptible de variations selon les capacités des Etats.
A cet égard, la référence au droit de l’Union européenne peut s’avérer utile. Celle-ci s’est en effet dotée d’instruments juridiques en la matière. La directive 2013/33 UE « Accueil»  reconnait dans son article 19 que  « Les États membres font en sorte que les demandeurs reçoivent les soins médicaux nécessaires qui comportent, au minimum, les soins urgents et le traitement essentiel des maladies » et qu’ils « […] fournissent l'assistance médicale ou autre nécessaire aux demandeurs ayant des besoins particuliers ». De plus, la directive insiste sur la nécessité de tenir compte des personnes « vulnérables» (.chapitre IV de la directive)
La directive 2011/95/UE10, fait également directement référence à la convention de Genève11, et reconnait parmi le contenu de la protection internationale dont doivent bénéficier les réfugiés (chapitre VII) le droit à la protection sociale dans son article 29 et aux soins de santé en son article 30. Dans la lignée de l’article 23 de la convention de Genève, l’article 29 (1) impose aux Etats membres qui octroient la protection d’assurer l’accès à la protection sociale dans les mêmes conditions que les ressortissants. Néanmoins, le (2) instaure une limite en prévoyant la possibilité de dérogations limitant l’accès des réfugiés aux seules « prestations essentielles » (toujours dans les mêmes conditions que les ressortissants), prestations qui ne sont pas définies par la directive12. Les conditions de ces dérogations ne sont pas non plus mentionnées13. L’article 30 relatif aux soins de santé ne prévoit pas de limite de ce type14.
A cet égard, la directive impose dans ses règles générales (article 20) d’accorder une attention toute particulière aux personnes vulnérables dont elle donne une liste non exhaustive15 ainsi qu’à l’intérêt supérieur de l’enfant16.
La Convention sur les réfugiés, qui leur est spécifiquement consacrée, reste néanmoins l’instrument le plus protecteur.

 

1 HATHAWAY J. C., The rights of refugees under international law, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2005, pp. 800-813, p. 806.

2 Ibid., p. 811.

3 LESTER E., « Article 23 », ZIMMERMANN A. (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, pp. 1043-1055, p. 1047.

4 HATHAWAY J. C., The rights of refugees under international law, op. cit., p. 808-809.

5 Parmi lesquelles celles d’Etats non parties à la convention de Genève.

6 Au 30 janvier 2015, le PIDESC a été ratifié par 163 Etats et la convention de Genève, par 145. Néanmoins, certains rares Etats (Antigua-et-Barbuda, Belize, Fidji, Mozambique, Nauru, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Siège, Samoa, São Tomé-et- Principe, Tuvalu) ont ratifié la Convention de Genève mais pas le PIDESC

7 Principes de Limburg concernant l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Maastricht, 2 au 6 juin 1986.

8 LESTER E., « Article 23 », op. cit., p. 1049.

9 Grahl-Madsen A., Commentary on the Refugee Convention 1951, Articles 2-11, 13-37, 1963, republished by UNHCR, Division of International Protection, Geneva, 1997, p. 247, see (3)., p. 89, cité par  DA COSTA R., « Rights of Refugees in the Context of Integration: Legal Standards and Recommendations », Legal and Protection Policy Research Series, 1 June 2006, n° 12, pp. 95-106. Disponible sur : www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/search accessible.

10 Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte).

11 Article 20(1) : « Le présent chapitre est sans préjudice des droits inscrits dans la convention de Genève ».

12 La Directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 « concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts » précise simplement dans son préambule que « ces prestations essentielles étant servies au niveau et selon les conditions d'accès qui sont applicables à leurs propres ressortissants ». On peut faire un parallèle avec la directive de 2003 qui prévoit dans l’article 15 (1) précité que les soins médicaux comprennent, « au minimum les soins urgents et le traitement essentiel des maladies » (nous soulignons).

13 Voir également l’article 28 de la Directive 2004/83/CE précitée qui, en matière de protection sociale, reconnait également ces dérogations au seul profit des prestations essentielles mais qui précise que « ces prestations essentielles étant servies au niveau et selon les conditions d'accès qui sont applicables à leurs propres ressortissants »

14 Voir également l’article 29 de la Directive 2004/83/CE précitéé qui envisage la dérogation en matière de soins de santé, dans les mêmes termes que s’agissant de la protection sociale : « (2) 2.   Par dérogation à la règle générale énoncée au paragraphe 1, les États membres peuvent limiter aux prestations essentielles les soins de santé dispensés aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, ces prestations essentielles étant servies au niveau et selon les conditions d'accès qui sont applicables à leurs propres ressortissants ».

15 Article 20 (3) : « […]es États membres tiennent compte de la situation spécifique des personnes vulnérables telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes handicapées, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents seuls accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle. »

16 Article 20 (5).


Ouvrages liés à l'article


  • The rights of refugees under international law
  • Asylum and integration in member states of the EU: integration of recognized refugee families as defined by the Geneva Convention considering their status with respect to the law of residence
  • Traité du droit de l'asile
  • Convention relating to the status of refugees : its history, contents and interpretation : a commentary

Articles liés à l'article


  • Article 23 1951 Convention
  • Rights of Refugees in the Context of Integration : Legal Standards and Recommendations

Jurisprudences liées à l'article


  • Kreis Warendorf c. Ibrahim Alo