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Article 29

Charges fiscales

1. Les Etats contractants n'assujettiront pas les réfugiés à des droits, taxes, impôts, sous quelque dénomination que ce soit, autres ou plus élevés que ceux qui sont ou qui seront perçus sur leurs nationaux dans des situations analogues.
2. Les dispositions du paragraphe précédent ne s'opposent pas à l'application aux réfugiés des dispositions des lois et règlements concernant les taxes afférentes à la délivrance aux étrangers de documents administratifs, pièces d'identité y comprises.

Commentaire

Auteur : Victor Guset, doctorant du CRDEI, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016

Comme certains auteurs ont pu le relever1, les règles applicables aux réfugiés en matière fiscale n’ont pas suscité beaucoup d’intérêt de la part de la doctrine. En effet, les hypothèses dans lesquelles les réfugiés se sont vus appliquer des règles fiscales spécifiques se sont révélées rares2. Le 5ème article du chapitre V de la CSR consacré aux mesures administratives de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention ») ne fait que confirmer cette absence de spécificité, en alignant le statut fiscal des réfugiés sur celui des nationaux. En effet, cette disposition reprend les termes de l’article 13 de la Convention de 1933 selon lequel « the Contracting Parties undertake not to impose upon refugees residing in their territories duties, charges or taxes, under any denomination whatsoever, other or higher than those which are or may be levied on their nationals in similar situations »3.
Toujours est-il que les règles fiscales applicables aux réfugiés pourraient éventuellement connaître un regain d’intérêt. En 1951, le statut de réfugié impliquait l’absence ou la rupture de tout lien avec l’Etat d’origine. Or, le développement des échanges économiques transfrontaliers que la société internationale a connu depuis lors peut remettre en cause une telle assertion. Il n’est plus exclu qu’une personne, malgré son statut de réfugié, garde des liens économiques avec son Etat d’origine – ce d’autant plus que le rapatriement librement consenti est une « solution durable » à la question des réfugiés envisagée par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés4. Face à un tel développement, les Etats d’accueil peuvent être tentés d’imposer des charges fiscales sur les revenus issus de ces liens.
La règle mise en place par l’article 29 de la Convention, qui conduit à assimiler le statut des réfugiés au statut des nationaux en ce qui concerne les charges fiscales, est devenue fréquente en droit international. En effet, une grande partie des traités fiscaux bilatéraux (fondés sur le modèle de traité établi par l’OCDE) assimile les étrangers (dont les réfugiés font partie) aux nationaux quand à l’imposition des charges fiscales. Cependant, certains éléments peuvent faire obstacle à l’application de ces clauses de non-discrimination en ce qui concerne les réfugiés. Par exemple, eu égard à la condition de réciprocité qui grève ce type de traité, les réfugiés pourraient ne pas en bénéficier justement en raison des actions de leur Etat d’origine. Dit autrement, les actions de leur Etat d’origine conduisant à leur départ peuvent influer sur l’appréciation de l’Etat d’accueil de la condition de réciprocité et, par conséquent, sur l’applicabilité du traité fiscal. Or, ce type de risque est contourné par la Convention de 1951 puisque son article 7, paragraphe 2 énonce qu’« après un délai de résidence de trois ans, tous les réfugiés bénéficieront, sur le territoire des Etats Contractants, de la dispense de réciprocité législative ».
De même, cette assimilation du statut des réfugiés avec le statut des nationaux semble également viser l’intégration du réfugié sur le territoire d’accueil. Cette « intégration sur place » est considérée par le Haut Commissariat des Nations Unies comme une solution durable « à leur situation dramatique et l'opportunité de démarrer une nouvelle vie »5.
Ainsi, en consacrant cette clause de non-discrimination en matière de charges fiscales, l’article 29 énonce que les Parties contractantes ne peuvent pas assujettir les réfugiés (I) à des droits, taxes, impôts, sous quelque dénomination que ce soit (II) différents de ceux auxquels les nationaux sont assujettis.

I.    Le champ d’application personnel

Les règles relatives aux charges fiscales consacrées par la Convention sont applicables aux personnes bénéficiant du statut de réfugié. Dès lors, l’applicabilité de cet article dépend de la qualification d’une personne en tant que réfugié, déterminée par l’article premier de la Convention.
De même, l’applicabilité de l’article 29 n’est pas conditionnée par la résidence du réfugié dans l’Etat d’accueil. En d’autres termes, si le réfugié ne réside pas dans l’Etat d’accueil, celui-ci peut néanmoins se voir imposer des charges dans cet Etat pour autant qu’il y ait un lien de rattachement avec ledit Etat (une activité économique sur son territoire par exemple). En effet, « the 1951 Refugee Convention, unlike its predecessors, does not limit the duty of tax equality only to resident refugees. Every person who is in fact a refugee, even if his or her presence in a state party is only transient, must be equated to citizens for purposes of the imposition of taxes and related charges »6. A l’inverse, bien que le réfugié réside dans l’Etat d’accueil, celui-ci peut se voir imposer des charges fiscales par ce dernier s’il exerce des activités dans un autre Etat7. Que ce soit dans un cas comme dans l’autre, les charges fiscales imposées par l’Etat doivent être les mêmes que celles imposées aux nationaux (qu’ils soient eux-mêmes non-résidents ou résidents).
Or, l’existence de ces deux hypothèses peut faire naître un risque de double imposition – on peut imaginer qu’un Etat impose des charges fiscales sur la base de la résidence de la personne alors qu’un autre Etat le fait sur la base du centre des activités de cette même personne. Ce risque semble être néanmoins limité lorsque lesdits Etats ont conclu un traité fiscal international puisque le bénéfice des dispositions de ce type de traité est plus souvent conditionné par la résidence du contribuable que par sa nationalité8.
L’applicabilité personnelle de l’article 29 dépend dès lors de la qualification de la personne en tant que réfugié sur la base de l’article premier de la Convention, sa résidence n’ayant pas une influence dans ce cadre. Encore faut-il déterminer ce à quoi cette disposition s’applique.

II.    Le champ d’application matériel

L’article 29 de la Convention interdit aux Etats d’assujettir les réfugiés à des charges différentes ou plus élevées que celles imposées aux nationaux. Cette interdiction, telle que consacrée par la Convention, s’applique à tous les « droits, taxes, impôts, sous quelque dénomination que ce soit ». Pour définir ces éléments, un commentateur9 de la Convention s’est appuyé sur l’article 2, paragraphe 2 du Modèle OCDE de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune qui établit une énumération d’impôts susceptibles de rentrer dans son champ d’application10. Eu égard à la formulation particulièrement large de l’article 29, on peut estimer que celui-ci englobe au moins ces charges.
Dès lors, qu’il s’agisse de l’assiette fiscale, de la méthode de calcul ou encore des formalités liées à l’imposition, les Parties contractantes ne peuvent pas assujettir les réfugiés à des charges supplémentaires ou encore imposer un taux d’imposition supérieur à celui appliqué aux nationaux. Toutefois, il est également nécessaire que le réfugié et le national soient placés dans des situations analogues.
Enfin, il faut préciser que l’article 29 laisse la possibilité aux Etats contractants d’appliquer aux réfugiés « des dispositions des lois et règlements concernant les taxes afférentes à la délivrance aux étrangers de documents administratifs, pièces d’identité y comprises ». L’utilisation de cette possibilité permet de calquer le statut des réfugiés sur celui des étrangers.

1 NAGY B., « Article 29. Fiscal Charges/Charges Fiscales », in ZIMMERMANN, Andreas (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, p. 1225.

2 Pour des exemples, voir HATHAWAY J. C., The rights of refugees under international law, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2005, pp. 527-528.

3 Article 13, paragraphe 1 de la Convention de Nansen du 28/10/1933.

4 www.unhcr.fr/pages/4aae621d35c.html et l’article 8, paragraphe c, du Statut de l’Office du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés de 1950 selon lequel « Le Haut Commissaire assurera la protection des réfugiés qui relèvent du Haut Commissariat (…) En secondant les initiatives des pouvoirs publics et les initiatives privées en ce qui concerne le rapatriement librement consenti des réfugiés ou leur assimilation dans de nouvelles communautés nationales ». 

5 www.unhcr.fr/pages/4aae621e44e.html.

6 HATHAWAY J. C., The rights of refugees under international law, op. cit., p. 532.

7 Dans ce sens, voir NAGY B., « Article 29. Fiscal Charges/Charges Fiscales », op. cit., p. 1222 : « In other words, to the extent that the State exercises extraterritorial tax (or other fiscal) jurisdiction, this must not be exercised in respect of refugees in a more cumbersome way than in respect of its own nationals, at least as regards the rate of the duty, charge, or tax ».

8 Voir, par exemple, l’article premier du Modèle OCDE de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune : « La présente Convention s’applique aux personnes qui sont des résidents d’un Etat contractant ou des deux Etats contractants ».

9 HATHAWAY J. C., The rights of refugees under international law, op. cit., p. 530.

10 Article 2, paragraphe 2 du Modèle OCDE de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune : « Sont considérés comme impôts sur le revenu et la fortune les impôts perçus sur le revenu total, sur la fortune totale, ou sur des éléments du revenu ou de la fortune, y compris les impôts sur les gains provenant de l’aliénation de biens mobiliers ou immobiliers, les impôts sur le montant global des salaires payés par les entreprises, ainsi que les impôts sur les plus-values ».


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