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Article 3

Non-discrimination

Les Etats contractants appliqueront les dispositions de cette Convention aux réfugiés sans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d'origine.

Commentaire

Auteur : Olivier Dubos, Professeur, CRDEI, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016

 

Cet article 3 est l’expression du principe de non-contradiction dans le dispositif de la Convention de Genève. Alors que les individus susceptibles de bénéficier du statut de réfugiés ont bien souvent été victimes de discrimination, il serait paradoxal que les Etats qui accordent protection puissent opérer des distinctions discriminatoires entre ces mêmes personnes. Selon l’article 42, paragraphe 1 de la Convention, il s’agit d’une disposition à l’égard de laquelle les Etats ne  peuvent pas formuler de réserves. La portée de cet article est toutefois limitée puisqu’il ne concerne que les discriminations entre les réfugiés et ne concerne pas les discriminations entre réfugiés et nationaux. Cette disposition est ainsi conçue à l’identique de la clause de la nation la plus favorisée dans les traités relatifs au commerce international. Dès lors, s’il s’agit d’une disposition inhérente à la logique de la Convention de Genève (I), elle n’en demeure pas moins minimale au regard de l’évolution du droit international et des droits constitutionnels (II).

I.    Une disposition inhérente à la logique de la Convention de Genève


L’article 3 prohibe les discriminations entre les réfugiés sur le fondement de la race, de la religion ou du pays d’origine. Il n’est dès lors pas possible d’opérer une distinction entre les réfugiés fondée sur l’un de ces trois critères.
L’interprétation de la notion de discrimination ne semble pas poser ici de grandes difficultés. Elle peut être définie à la lumière des traités internationaux relatifs à la lutte contre les discriminations. Ainsi l’article premier de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes définit la discrimination comme « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine ».
L’interdiction concerne, la race, la religion et le pays d’origine. Si la définition du pays d’origine ne pose pas de difficultés particulières, la définition de la race comme de la religion est toujours pour le Droit particulièrement délicate. Pour ce qui concerne la race, le Droit se trouve toujours face à un paradoxe, il s’agit d’une notion en elle-même raciste que le droit doit utiliser pour combattre le racisme. La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale n’en donne pas de définition, mais son article premier définit la discrimination raciale comme « toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique ». L’on peut donc constater qu’elle inclut la discrimination en raison du pays d’origine. La définition de la religion est elle-même délicate et les juridictions internationales comme les juridictions nationales se gardent bien d’en donner une définition. Jean Carbonnier, réfléchissant sur la distinction entre les sectes et les religions écrivait ainsi, « une fois exclue la secte-escroquerie, celles dont les organisateurs sont d’une mauvaise foi démontrée, et la secte-sorcellerie (…) ce qui subsiste des sectes n’est pas d’une autre substance que ce que l’on appelle religion : il s’agit toujours de relier les hommes à Dieu par des croyances et par des cultes »1. Il y a ainsi un élément subjectif et individuel d’ordre métaphysique (la croyance) et un élément objectif et collectif d’ordre matériel (le culte). La religion relève ainsi à la fois de la liberté de pensée et de la liberté d’expression.
Il faut enfin noter que l’article 3 ne mentionne ni l’appartenance à un groupe social, ni les opinions politiques alors qu’il s’agit d’éléments pris en compte dans l’octroi du statut de réfugiés2. L’article 3 ne va donc pas au terme de sa propre logique. Surtout il s’agit d’une disposition particulièrement minimale.

II.    Une disposition minimale au regard de l’évolution du droit international et des droits constitutionnels

L’article 3 ne prohibe les discriminations qu’entre les réfugiés. D’autres dispositions prohibent toutefois les discriminations entre réfugiés et nationaux, il en va ainsi en matière de liberté de religion avec l’article 4 de la Convention, de propriété intellectuelle et industrielle (article 14), du droit d’ester en justice (article 16), l’accès à l’enseignement primaire (article 22), l’assistance publique (article 23), la législation du travail pour ce qui concerne la rémunération et la protection sociale (article 24), les charges fiscales (article 29). Pour les autres droits, l’article 7, paragraphe 1 de la Convention dispose que « sous réserve des dispositions plus favorables prévues par cette Convention, tout Etat Contractant accordera aux réfugiés le régime qu’il accorde aux étrangers en général ».
L’article 5 de la Convention permet d’aller au-delà de ces garanties minimales dans la mesure où il prévoit qu’« aucune disposition de cette Convention ne porte atteinte aux autres droits et avantages accordés, indépendamment de cette Convention, aux réfugiés ». Depuis 1951, tous les droits de l’Homme, mis à part évidemment les droits politiques qui sont réservés aux citoyens et les droits liés aux activités professionnelles s’exercent sans discrimination selon la nationalité. Cette évolution du champ du principe de non-discrimination bénéficie évidemment aux réfugiés.
Ainsi, l’article 2, paragraphe 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose que « Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ». L’article 2, paragraphe 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels est formulé de manière identique. Par ailleurs, l’évolution des droits constitutionnels va dans le même sens. Ainsi le Conseil constitutionnel français a estimé que « le législateur peut prendre à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques à la condition de respecter les engagements internationaux souscrits par la France et les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République »3.
L’article 3 témoigne du caractère dépassé de certaines dispositions de la Convention de Genève, mais le moment n’est assurément pas propice à sa révision.

1 CARBONNIER, J., Note sous Cour d’appel de Nîmes, 10 juin 1967, D. 1969, jur., p. 369.

2 V. article premier, A, II de la Convention.

3 Cons. const., 22 janvier 1990, n° 89-269 DC, spéc. n° 33.

 


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