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Article 30

Transfert des avoirs

1. Tout Etat contractant permettra aux réfugiés, conformément aux lois et règlements de leur pays, de transférer les avoirs qu'ils ont fait entrer sur son territoire, dans le territoire d'un autre pays où ils ont été admis afin de s'y réinstaller.
2. Tout Etat contractant accordera sa bienveillante attention aux demandes présentées par des réfugiés qui désirent obtenir l'autorisation de transférer tous autres avoirs nécessaires à leur réinstallation dans un autre pays où ils ont été admis afin de s'y réinstaller.

Commentaire

Auteur : Victor Guset, doctorant, CRDEI, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016

La disposition relative au transfert des avoirs des réfugiés présente dans la Convention de Genève relative au statut de réfugiés (ci-après « la Convention ») peut être qualifiée de novatrice, cette question n’ayant pas été traitée par les conventions antérieures portant sur la protection des réfugiés. Cette disposition peut être également qualifiée d’« originale ». En effet, alors que la plupart des dispositions de la Convention s’intéressent aux garanties apportées au réfugié dans le premier Etat d’accueil, l’article 30 porte sur les conditions dans lesquelles le réfugié peut relocaliser ses avoirs dans un Etat autre que le premier Etat d’accueil.

Cette disposition est susceptible de s’appliquer dans les hypothèses de réinstallation des réfugiés. Celle-ci peut se définir comme « la sélection et le transfert de réfugiés d’un Etat dans lequel ils ont cherché une protection vers un autre Etat qui accepte de les accueillir comme réfugiés avec un statut de résident permanent. Ce statut garantit une protection contre le refoulement et confère au réfugié réinstallé, à sa famille et autres personnes à sa charge, les mêmes droits que ceux dont bénéficient les ressortissants nationaux. La réinstallation offre également l’opportunité d’accéder ultérieurement à la naturalisation dans le pays de réinstallation»1. Elle constitue une des « solutions durables » à la question des réfugiés par le Haut Commissariat des Nations Unies2. Toutefois, l’utilisation de cette technique de réinstallation ayant baissé depuis les années 1980, la question du transfert des avoirs des réfugiés a également vu son importance décroître.

L’article 30 de la Convention établit deux règles distinctes correspondant à chacun des deux paragraphes. D’une part, le premier paragraphe autorise le réfugié à transférer les avoirs qu’il possédait lorsqu’il est entré sur le territoire du premier Etat d’accueil, Etat susceptible d’autoriser le transfert. Ainsi, la situation du réfugié ne devrait pas être moins favorable au moment de sa réinstallation par rapport au moment de son arrivée dans le premier Etat d’accueil3. Cette possibilité offerte au réfugié peut cependant être encadrée par les « lois et règlements » du premier Etat d’accueil. La question de l’étendue de cet encadrement s’est posée. Si pour certains l’Etat ne saurait refuser le transfert4, pour d’autres5, l’Etat peut imposer certaines conditions pouvant éventuellement aller jusqu’à un refus du transfert.

D’autre part, le second paragraphe vise le transfert de deux types d’avoirs : soit les avoirs acquis par le réfugié dans le premier Etat d’accueil, soit des avoirs localisés dans une Partie contractante tierce. Cependant, l’intensité de l’obligation contenue dans ce paragraphe est plus faible que celle du premier paragraphe. En effet, dans cette hypothèse, l’obligation de l’Etat se limite à accorder « sa bienveillante attention aux demandes présentées par » les réfugiés.

Que ce soit dans un cas comme dans l’autre, l’étude de cette disposition doit se focaliser tant sur son champ d’application personnel (I) que sur son champ d’application matériel (II).

I.    Le champ d’application personnel

Les règles relatives au transfert des avoirs consacrées par la Convention sont applicables aux personnes bénéficiant du statut de réfugié. Dès lors, l’applicabilité de cet article dépend de la qualification d’une personne en tant que réfugié, déterminée par l’article premier de la Convention.

L’article 30, paragraphe 1 s’adresse aux Etats contractants. La question qui a pu se poser était celle de savoir si la présence du réfugié sur le territoire de l’Etat conditionnait l’application de cette disposition. On peut imaginer qu’un réfugié entende opérer un tel transfert alors qu’il n’est pas présent sur le territoire, tout en ayant des avoirs localisés sur ledit territoire. La doctrine n’a pas réussi à trancher ce débat, certains auteurs estimant que l’article 30, paragraphe 1 est susceptible de s’appliquer nonobstant l’absence du réfugié du territoire de l’Etat6 alors que d’autres sont opposés à une telle application7. Quant au second paragraphe de cette disposition, il est admis8  que le réfugié ne doit pas être présent sur le territoire de l’Etat qui est susceptible d’accorder l’autorisation de transfert.

Enfin, le réfugié doit avoir été admis aux fins de sa réinstallation dans l’Etat dans lequel il entend transférer ses avoirs pour pouvoir bénéficier de l’article 30. Deux questions restent en suspens pour ce qui est de cette exigence. D’une part, le premier Etat d’accueil peut-il exiger un type de document spécifique attestant de cette réinstallation ? Un des commentateurs de la Convention estime que cette exigence doit être entendue d’une manière flexible, l’Etat autorisant le transfert devant se contenter de n’importe quel document prouvant la réinstallation9. D’autre part, le réfugié engagé dans une procédure de réinstallation mais dont la demande n’a pas encore été satisfaite peut-il bénéficier de cette disposition ? Même si la pratique ne fait pas état d’une telle hypothèse, une interprétation littérale de l’article 30, paragraphe 1 semble suggérer une réponse négative.

L’applicabilité personnelle de l’article 30 dépend dès lors de la qualification de la personne en tant que réfugié sur la base de l’article premier de la Convention, sa présence sur le territoire du premier Etat d’accueil pouvant avoir une influence selon que l’on se place dans le cadre du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 de cette disposition. Encore faut-il déterminer ce à quoi cette disposition s’applique.

II.    Le champ d’application matériel

Que l’on se place dans le cadre du paragraphe 1 ou 2 de l’article 30, ce dernier entend régir le transfert des avoirs des réfugiés. Quand à la définition de cette opération, le terme « avoirs » devrait être compris d’une manière englobante, il s’agirait de « l’ensemble des biens d’une personne »10. S’agissant du « transfert », celui-ci est susceptible d’englober tant des opérations « physiques » de déplacement des avoirs que des opérations que l’on pourrait qualifier de « virtuelles » (des transferts bancaires par exemple). Toujours est-il que le réfugié n’est pas obligé de procéder au transfert concomitamment à son déplacement dans l’Etat de réinstallation. De même, il convient de préciser que les réfugiés ne sont pas dans l’obligation de procéder à un tel transfert, il s’agit seulement d’une possibilité qui leur est offerte.

L’article 30, paragraphe 1 mentionne d’autres conditions. Ainsi, le transfert susceptible d’être demandé par le réfugié doit concerner des avoirs qu’il a fait entrer sur le territoire du premier Etat d’accueil. Or, si l’on admet que la personne peut avoir fait entrer ces avoirs sur le territoire du premier Etat d’accueil avant même qu’elle soit arrivée physiquement sur ledit territoire, la question de la qualification de cette personne en tant que réfugié peut avoir une influence sur la possibilité du transfert. Autrement dit, est-ce que les avoirs transférés par une personne avant qu’elle soit qualifiée de réfugié entrent dans le champ d’application de l’article 30, paragraphe 1 ? Pour certains auteurs11, la qualité de réfugié au moment du transfert ne saurait avoir une influence sur les avoirs entrant dans le champ d’application de cette disposition.  Une autre condition tient à la destination du transfert qui est limitée à l’Etat de réinstallation du réfugié.

Quant au second paragraphe de cette disposition, il concerne soit les avoirs acquis par le réfugié dans le premier Etat d’accueil après son arrivée soit des avoirs localisés dans un Etat autre que le premier Etat d’accueil. Ces avoirs doivent être « nécessaires » à la réinstallation des réfugiés dans un autre pays. A cet égard, un commentateur de la Convention a déjà souligné12 que l’interprétation de cette condition doit tenir compte de la définition particulièrement large de la technique de réinstallation. Autrement dit, vu que la technique de réinstallation vise l’intégration du réfugié dans l’Etat, et qu’elle est susceptible d’ouvrir la voie à la naturalisation de celui-ci, le caractère « nécessaire » des avoirs à transférer devrait être lui-même apprécié d’une manière large.

1 UNHCR, Manuel de réinstallation, 8 avril 2013, p. 3, disponible en ligne : www.unhcr.fr/5162d20b6.html.

2 www.unhcr.fr/pages/4aae621e454.html.

3 Dans le même sens, voir NAGY B., « Article 30. Transfer of Assets/Transfert des Avoirs», in ZIMMERMANN A. (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, p.1229.

4 ROBINSON N., Convention relating to the status of refugees : its history, contents and interpretation : a commentary, UNCHR, 1997, p. 127 ; voir NAGY B., « Article 30. Transfer of Assets/Transfert des Avoirs», in ZIMMERMANN A. (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, p. 1234.

5 HATHAWAY J. C., The rights of refugees under international law, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2005, p. 970.

6 GRAHL-MADSEN, A., « Art.30 » in Commentary on the Refugee Convention 1951 : Articles 2-11, 13-37, UN High Commissioner for Refugees (UNHCR), 1997, disponible en ligne : www.refworld.org/docid/4785ee9d2.html.

7 HATHAWAY J. C., The rights of refugees under international law, op. cit., pp. 971-972, note 249.

8 NAGY B., « Article 30. Transfer of Assets/Transfert des Avoirs», op. cit., p. 1234.

9 Ibidem, p.1238.

10 CORNU G. (dir.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Quadrige/PUF, 9ème édition, 2011, p. 114.

11 Voir dans ce sens GRAHL-MADSEN A., « Art.30 », op. cit. ; NAGY B., « Article 30. Transfer of Assets/Transfert des Avoirs», op. cit., p. 1237.

12 NAGY B., « Article 30. Transfer of Assets/Transfert des Avoirs», op. cit., p. 1240.


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