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Article 4

Religion

Les Etats Contractants accorderont aux réfugiés sur leur territoire un traitement au moins aussi favorable que celui accordé aux nationaux en ce qui concerne la liberté de pratiquer leur religion et en ce qui concerne la liberté d’instruction religieuse de leurs enfants.

Commentaire

Auteur : Emilie charpenet, doctorante, CRDEI, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016

 

Principal cadre juridique définissant les droits des réfugiés, la Convention relative au statut des réfugiés adoptée le 28 juillet 1951 consacre une série de droits en faveur des réfugiés que les Etats contractants doivent reconnaître et assurer le respect sur leur territoire, dont la liberté et l’instruction religieuses. Protéger les réfugiés, c’est leur reconnaître et leur assurer le respect de leurs droits et libertés fondamentaux dans un contexte où ils sont confrontés à une grande précarité. C'est la mission que ce sont fixés les rédacteurs de la Convention relative au statut des réfugiés1. Avec cette Convention, c’est véritablement la première fois que sont consacrés spécifiquement les droits des réfugiés, dont leur droit à la liberté et à l’instruction religieuses2.

Bien au-delà de la liberté religieuse énoncée dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, c’est la consécration du respect de ce droit en faveur des réfugiés installés sur le territoire d’un Etat et la mise à la charge des Etats contractants accueillant des réfugiés l’obligation contractuelle de reconnaître et d’assurer le respect de ce droit. L'article 4 a ainsi pour fonction de garantir aux réfugiés de l'Etat hôte la protection de leur liberté religieuse à un moment de leur vie où ils sont particulièrement vulnérables. La liberté religieuse bénéficie d'une place de choix dans la Convention relative au statut des réfugiés, dans un contexte où la violation de ce droit fait partie des raisons les plus fréquentes de départ des réfugiés de leur Etat d'origine3.

Ce droit est d’autant plus important qu’est introduite une condition afférente au standard de traitement des réfugiés : « un traitement au moins aussi favorable que celui accordé aux nationaux ». Ainsi, les réfugiés ne peuvent se voir refuser dans le domaine religieux des droits dont les citoyens de l’Etat bénéficient. En effet, le standard de traitement national requière que les réfugiés ne soient pas assimilés aux étrangers dans le sens où ils doivent bénéficier d'un traitement plus avantageux qu'eux, mais soient, en revanche, assimilés aux citoyens de l'Etat hôte4. Ce n’est pas une simple égalité formelle qui est exigée des Etats contractants, mais une égalité réelle5. Cependant, cette assimilation entre réfugiés et citoyens peut être compromise dans les Etats où plusieurs religions coexistent avec des formes d'organisation différentes6.

La Convention accorde ainsi aux réfugiés, non seulement une protection contre des persécutions religieuses dont ils peuvent être victimes dans leur pays, mais également une protection de leurs conditions de vie en leur reconnaissant le droit à la liberté religieuse dans l'Etat hôte. En effet, exclus de leur pays, c’est dans l'Etat hôte qu’ils vont, notamment, refaire leur vie, c'est-à-dire chercher une résidence, y installer leur famille, éduquer leurs enfants et pratiquer une religion. Victime de discriminations dans leur pays, les réfugiés doivent bénéficier d’une protection efficace dans l'Etat hôte7 . Raison pour laquelle, considéré comme inaliénable et d’une importance capitale, le droit des réfugiés à la liberté religieuse fait immédiatement suite au droit à la non-discrimination8. Le terme « sur leur territoire » fait référence aux réfugiés physiquement présents sur le territoire de l'Etat hôte9.

Reconnaître aux réfugiés accueillis dans un pays étranger le droit à la liberté religieuse est la conséquence directe des restrictions à leur liberté religieuse dont ils ont été victimes et sont encore victimes de la part de groupes religieux, hostiles à l’arrivée de réfugiés appartenant à une autre religion. Les illustrations de conversions forcées de réfugiés ou de restrictions à l’entrer sur le territoire de minorités religieuses sont nombreuses, comme en Ethiopie, au Tchad, au Nigéria, au Sénégal, ou encore en Russie10. La liberté religieuse des réfugiés est ainsi malmenée, au gré des traditions religieuses ancrées dans les Etats hôtes.

Outre les problèmes d’interprétation posés par la condition d’un traitement équivalent entre nationaux et réfugiés en matière de liberté religieuse, cet article demeure lacunaire quant à la définition de la liberté des réfugiés de pratiquer leur religion. Source de divergences au sein des instances internationales, la liberté de pratiquer une religion a fait l’objet d’une interprétation de la part du Comité des droits de l’homme dans le cadre de l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, consacrant ce droit au profit des citoyens et des réfugiés11. « The observance and practice of religion or belief may include not only ceremonial acts but also such customs as the observance of dietary regulations, the wearing of distinctive clothing or headcoverings, participation in rituals associated with certain stages of life, and the use of a particular language customarily spoken by a group. In addition, the practice and teaching of religion or belief includes acts integral to the conduct by religious groups of their basic affairs, such as the freedom to choose their religious leaders, priests and teachers, the freedom to establish seminaries or religious schools and the freedom to prepare and distribute religious texts or publications. »12. L'article 4 de la Convention relative au statut des réfugiés permet également à tout réfugié de continuer à pratiquer et manifester  son appartenance à une religion, en toute liberté, individuellement ou en commun, en public ou en privé13.

Cependant, la liberté de pratiquer une religion, consacrée par l'article 4, connaît des limitations prévues par l'article 2 de cette même convention. En effet, cet article prévoit des obligations à la charge des réfugiés, dont l'obligation de se conformer aux lois et règlements de l'Etat hôte afin que soit maintenu l'ordre public. Cet article, applicable à tous les droits et libertés consacrés dans la Convention, s'applique au droit des réfugiés de pratiquer une religion. Cependant, pour que les autorités étatiques puissent restreindre la liberté religieuse des réfugiés, il est nécessaire que l'ordre public soit menacé et que la preuve en soit apportée14.

Cependant, la liberté religieuse va au-delà de la pratique de la religion, et s’étend également à l’instruction religieuse des enfants. C’est un droit spécifique reconnu par la Convention permettant aux parents de s’assurer que leurs enfants soient éduqués en conformité avec leur religion15. Le standard de traitement national s'applique aussi au droit à l'instruction religieuse : les enfants des réfugiés doivent avoir les mêmes droits que les enfants de l'Etat hôte quant à l'accès à une éducation religieuse conforme à leurs convictions personnelles. L'Etat hôte a ainsi l'interdiction de prendre des mesures allant à l'encontre d'un traitement égal des enfants ou de s'abstenir d'agir pour placer les enfants dans des situations égales, qui conduiraient à un possible endoctrinement des enfants réfugiés16. Cependant, l’instruction religieuse des enfants réfugiés subit également des limitations imposées par les enseignements scolaires. En effet, le lien entre école et religion étant important dans de nombreux pays, les programmes scolaires, mais aussi les rythmes scolaires, sont souvent empreints de religion, celle-ci pouvant différer de celle pratiquée et enseignée aux enfants réfugiés par leurs parents17.

L’article 4 de la Convention relative au statut des réfugiés, pour lequel aucune réserve n'est possible pour les Etats signataires, bénéficie d'une portée d'autant plus importante qu'il a inspiré les instances internationales pour l’élaboration d’autres instruments normatifs. En effet, l'article 6 de la Déclaration relative à l'élimination de toutes formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion, du 25 novembre 1981, consacre également le droit à la liberté religieuse. Quant à l’article 14 de la Convention relative au droit de l’enfant, adoptée le 20 novembre 1989, il consacre le droit de l’enfant à la liberté de religion et le non-empiètement de l’Etat dans cette fonction qui demeure de la compétence des parents18.

1 ROBINSON, Nehemiah, Convention relating to the status of refugees: its history, significance and interpretation:  a commentary, New York, Institute of Jewish Affairs, 1952, p. 8.

2 HATHAWAY, James, C., The rights of refugees under international law, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2005, p. 570.

3 ZIMMERMANN, Andreas (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, p.658.

4 ZIMMERMANN, Andreas (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, pp.661-662.

5 HATHAWAY, James, C., The rights of refugees under international law, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2005, pp.570-574. ROBINSON, Nehemiah, Convention relating to the status of refugees: its history, significance and interpretation:  a commentary, New York, Institute of Jewish Affairs, 1952. p.18. WOLLENSCHLAGER, Michael (dir.), Asylum and integration in member states of the EU : integration of recognized refugee families as defined by the Geneva Convention considering their status with respect to the law of residence, Berlin, BWV : Berliner Wissenschafts-Verlag, 2003, pp.72-74.

6 ZIMMERMANN, Andreas (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, p.662.

7 ROBINSON, Nehemiah, Convention relating to the status of refugees: its history, significance and interpretation:  a commentary, New York, Institute of Jewish Affairs, 1952. p.16.

8 HATHAWAY, James, C., The rights of refugees under international law, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2005, pp.570-572.

9 ZIMMERMANN, Andreas (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, p.663.

10 HATHAWAY, James, C., The rights of refugees under international law, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2005, pp.560-568.

11 HATHAWAY, James, C., The rights of refugees under international law, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2005, p.574.

12 UN Human Rights Committee, “General Comment No 22: Article 18 Freedom of thought, conscience or religion” (1993), U.N. Doc. HRI/GEN/1/Rev.7, May 12, 2004, at 155, §4.

13 ZIMMERMANN, Andreas (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, pp.664-665.

14 ZIMMERMANN, Andreas (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, p.665.

15 HATHAWAY, James, C., The rights of refugees under international law, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2005, pp.582-583.

16 ZIMMERMANN, Andreas (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, pp.666-667.

17 HATHAWAY, James, C., The rights of refugees under international law, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2005, pp.568-569. ZIMMERMANN, Andreas (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, p. 666-667.

18 WOLLENSCHLAGER, Michael (dir.), Asylum and integration in member states of the EU : integration of recognized refugee families as defined by the Geneva Convention considering their status with respect to the law of residence, Berlin, BWV : Berliner Wissenschafts-Verlag, 2003, p. 72-74.

 


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