Articles 1-A, 1-B et commentaire
Article 1-A
Définition du terme "réfugié "
A. Aux fins de la présente Convention, le terme "réfugié" s'appliquera à toute personne:
(1) Qui a été considérée comme réfugiée en application des Arrangements du 12 mai 1926 et du 30 juin 1928, ou en application des Conventions du 28 octobre 1933 et du 10 février 1938 et du Protocole du 14 septembre 1939, ou encore en application de la Constitution de l'Organisation Internationale pour les Réfugiés;
Les décisions de non-éligibilité prises par l'Organisation Internationale pour les Réfugiés pendant la durée de son mandat ne font pas obstacle à ce que la qualité de réfugié soit accordée à des personnes qui remplissent les conditions prévues au paragraphe 2 de la présente section;
(2) Qui, par suite d'événements survenus avant le 1er janvier 1951 et craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.
Dans le cas d'une personne qui a plus d'une nationalité, l'expression "du pays dont elle a la nationalité" vise chacun des pays dont cette personne a la nationalité. Ne sera pas considérée comme privée de la protection du pays dont elle a la nationalité, toute personne qui, sans raison valable fondée sur une crainte justifiée, ne s'est pas réclamée de la protection de l'un des pays dont elle a la nationalité.
Article 1-B
B. (1) Aux fins de la présente Convention les mots "événements survenus avant le 1er janvier 1951" figurant à l'article 1, section A, pourront être compris dans le sens de soit
a)"événements survenus avant le 1er janvier 1951 en Europe"; soit b) "événements survenus avant le 1er janvier 1951 en Europe ou ailleurs";et chaque Etat contractant fera, au moment de la signature, de la ratification ou de l'adhésion, une déclaration précisant la portée qu'il entend donner à cette expression au point de vue des obligations assumées par lui en vertu de la présente Convention.
(2) Tout Etat contractant qui a adopté la formule a) pourra à tout moment étendre ses obligations en adoptant la formule b) par notification adressée au Secrétaire général des Nations Unies.
Commentaire
Auteur : Anne-Marie Tournepiche, Professeur, CRDEI, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016
Le premier article de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés est fondamental en ce qu’il propose une définition internationale du réfugié.
L’article 1 A se décompose en 2 points qui concernent respectivement deux catégories de réfugiés.
Le point 1) concerne les réfugiés statutaires, c’est à dire les personnes considérées comme des réfugiées en application de textes internationaux en vigueur avant la signature de la Convention du 28 juillet 1951. Sont spécifiquement visés par cette disposition : l’Arrangement du 12 mai 1926 relatif à la délivrance des certificats d’identité aux réfugiés russes et arméniens ; celui du 30 juin 1928 relatif à l’extension à d’autres catégories de réfugiés de certains mesures prises en faveur des réfugiés russes et arméniens ; la Convention du 28 octobre 1933 relative au statut des réfugiés russes, arméniens, assyriens, assyro-chaldéens et turcs ; celle du 10 février 1938 relative au statut des réfugiés provenant d’Allemagne ; le Protocole du 14 septembre 1939 qui couvre les réfugiés russes, arméniens, assyriens, sarrois, allemands, autrichiens, espagnols et enfin la Constitution de l’Organisation internationale pour les réfugiés.
Le point 2) de l’article 1 A définit les réfugiés conventionnels en posant les conditions devant être remplies par une personne pour pouvoir prétendre au statut de réfugié au sens de la Convention de 1951.
Ces éléments d’inclusion du statut de réfugié se lisent ainsi « …le terme « réfugié » s’appliquera à toute personne : (…) qui (…) craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) ». Cette définition est déterminante, car elle est reprise aussi bien dans les sources internes1 qu’européennes du droit des réfugiés2.
La source d’inspiration essentielle lors des négociations de la Convention de 1951 a été la définition du réfugié retenue par l’Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) qui concernait les personnes exprimant des objections valables au retour en raison d’une crainte de persécution de fait « de la race, la religion, la nationalité ou les opinions politiques ». Le cinquième motif retenu par la Convention de 1951, relatif à l’appartenance à un certain groupe social, est directement issu des négociations préalables à la Convention de 19513.
La question centrale que se pose le praticien confronté à la définition du réfugié tient logiquement à l’existence d’un risque de persécution4, à l’identification des motifs de la persécution, et enfin à l’examen des liens de la personne avec son Etat de nationalité ou de résidence habituelle.
I- La crainte de la persécution
La pratique et la jurisprudence montrent que l’analyse de la crainte de la persécution peut se faire en deux temps : en évaluant la crainte fondée d’être persécuté puis en définissant ce qui peut constituer une persécution.
1) La crainte fondée de persécution
La personne qui demande à bénéficier du statut de réfugié doit craindre « avec raison d’être persécutée ». Il y a ici des éléments à la fois subjectifs (« craindre ») et objectifs (« avec raison »). La place et la portée respectives de ces éléments ne sont pas toujours aisées à déterminer. En effet, si le demandeur exprime sa crainte d’être menacé, ce sentiment doit être corroboré par des éléments objectifs, ce à quoi le juge est en général très attentif.
La Convention de 1951 n’exige l’existence que de la crainte d’être persécuté, et non la réalisation de la persécution. Il faut donc que soit identifiable un risque de persécution, et que ce risque atteigne un certain degré. En effet, la seule pénalisation d’un comportement ne peut par exemple pas justifier à elle seule la reconnaissance du statut de réfugié. Encore faut-il que les sanctions inscrites dans le code pénal soit effectivement appliquées et donc que le risque de condamnation soit réel. La jurisprudence se penche peu sur cette question du degré de risque. Elle se contente le plus souvent d’analyser au regard des faits si la personne risque certainement ou très probablement de faire l’objet de persécutions en cas de retour dans son Etat. Cette analyse est bien entendu déterminante, et elle implique une appréciation des éléments tenant au demandeur, mais également à la situation dans son Etat d’origine.
De plus, une crainte généralisée n’est en principe pas suffisante, elle doit être accompagnée d’éléments démontrant que le demandeur risque d’être personnellement persécuté. L’article 1 donne en effet une définition individuelle du réfugié dans le sens où le requérant doit apporter la preuve qu’il risque d’être ciblé personnellement par les persécutions. Mais c’est la crainte qui doit être personnelle, et non la persécution. La personne peut donc craindre d’être personnellement victime de persécutions visant tout un groupe. Toutefois, la pratique jurisprudentielle montre que les juges exigent souvent des preuves de persécutions individuelles.
2) La persécution
La Convention de 1951 ne définit pas la notion de persécution, ce qui permet d’en donner une interprétation non figée, susceptible d’englober toutes les formes de persécution.
James Hathaway la définit comme une « violation soutenue ou systémique des droits fondamentaux de la personne démontrant l’absence de protection de l’Etat »5.
Selon le guide des procédures du HCR, la persécution couvre les violations des droits de l’homme ou les atteintes graves aux droits fondamentaux de la personne. Elle peut être de nature physique ou psychologique, et elle doit revêtir une intensité particulière.
Cet élément est confirmé dans la directive 2011/956 dont l’article 9 prévoit que :
«Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la convention de Genève doivent:
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ou
b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a).»
La directive 2011/95 va beaucoup plus loin que la convention de Genève puisque dans le §2 de son article elle propose une liste non exhaustive des actes de persécution au sens du §1 : les violences physiques ou mentales, y compris les violences sexuelles, les mesures légales, administratives, de police et/ou judiciaires qui sont discriminatoires en soi, la mise en œuvre d’une manière discriminatoire ou encore les poursuites ou sanctions qui sont disproportionnées ou discriminatoires.
Il en résulte que toute atteinte à un droit ne constitue pas nécessairement un acte de persécution, car la violation du droit doit atteindre un certain niveau de gravité. S’agissant par exemple de la liberté de religion, le juge de l’Union européenne a considéré que pour que les actes concernés puissent être considérés comme une persécution, il doit exister une « violation grave de cette liberté, affectant la personne d’une manière significative»7. Appliquant cette logique, la CJUE a estimé que la seule existence d’une législation pénalisant les actes homosexuels n’est pas considérée comme une atteinte à ce point grave pour considérer qu’elle constitue une persécution8.
La détermination du degré de gravité que la violation d’un droit doit atteindre est délicate, et peut se faire par plusieurs approches. On peut ainsi relever que la doctrine a considérablement contribué à la clarifier. Ainsi, James Hathaway a développé une théorie fondée sur la catégorisation des droits concernés. Il en déduit que plus le droit violé est important, moins le degré de gravité de la violation devra l’être pour pouvoir identifier un risque de persécution9.
La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a fixé dans sa jurisprudence des critères permettant de déterminer ce qu’est une persécution10:
- la demande doit se fonder sur l’un des cinq motifs mentionnés dans l’article 1, A° 2.
- La persécution doit revêtir un certain caractère de gravité
- La persécution doit avoir un caractère personnel
- La personne doit avoir quitté son pays et ne pas vouloir ou pouvoir se réclamer de sa protection, du fait de cette crainte de persécution.
L’article 1.A (2) est silencieux, comme le reste de la Convention de 1951, sur l’auteur de la persécution. Si, à l’origine, seuls les agents étatiques étaient considérés comme les auteurs de la persécution, le Conseil d’Etat considère en 1983 dans sa jurisprudence Dankha que : « des persécutions exercées par des particuliers, organisés ou non, peuvent être retenues, dès lors qu’elles sont en fait encouragées ou tolérées volontairement par l’autorité publique »11.
Globalement, il semble qu’il suffise que le demandeur ne puisse ou ne veuille se réclamer des autorités du pays du fait du risque de persécution. C’est parce qu’il n’y a pas de protection nationale possible que le persécuté peut demander une protection internationale12.
II- Les motifs de persécution
Le demandeur d’asile doit craindre avec raison d’être persécuté du fait de l’un des cinq motifs prévus à l’article 1.A.2°, à savoir la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un certain groupe social ou les opinions politiques.
1) La race
Selon le guide du HCR, « la notion de race doit être prise dans son sens le plus large et inclure l’appartenance aux différents types de groupes ethniques qui, dans le langage courant, sont qualifiés de « race »13. La directive 2011/95 dans son article 10. 1. a) précise que la notion de race « recouvre, en particulier, des considérations de couleur, d’ascendance ou d’appartenance à un certain groupe ethnique ».
Pour que ce motif de persécution soit retenu, le demandeur doit faire état de risques de persécution liés directement à son origine ethnique, notion dont le juge retient en général une acception large. Il ne suffit pas d’invoquer l’appartenance à une minorité, il faut que la crainte de persécution soit personnelle et atteigne un certain niveau de gravité.
2) La religion
Il n’existe pas de définition de la religion reconnue au plan international. Pour le HCR, les demandes fondées sur la religion peuvent être déclinées en trois éléments : la religion en tant que croyance (y compris la non croyance), la religion en tant qu’identité et la religion en tant que manière de vivre14 .
Dans le cadre européen, la directive 2011/95 donne des précisions sur la notion de religion qui est définie dans son article 10.1.b) comme « le fait d’avoir des convictions théistes, non théistes ou athées, la participation à des cérémonies de culte privées ou publiques, seul ou en communauté, ou le fait de ne pas y participer, les autres actes religieux ou expressions d’opinions religieuses, et les formes de comportement personnel ou communautaire fondées sur des croyances religieuses ou imposées par ces croyances ».
Dans la même logique que précédemment, la simple appartenance à une religion ne suffit pas à fonder une crainte de persécution. Le demandeur doit être exposé à des persécutions, discriminations ou encore à des mauvais traitements du fait de l’appartenance à une minorité religieuse.
Les limitations à l’exercice de la pratique religieuse ne sont en principe pas considérées comme des persécutions. Ainsi, l’interdiction de manifester publiquement sa religion peut ne pas être considéré comme une persécution au sens de l’article 1er, A, 2 de la Convention de Genève15. Mais le juge de l’Union européenne a consacré une approche différente, en considérant dans l’arrêt Y. et Z du 6 septembre 2012 que « la circonstance subjective que l’observation d’une certaine pratique religieuse en public (…) est particulièrement importante pour l’intéressé aux fins de la conservation de son identité religieuse est un élément pertinent dans l’appréciation du niveau de risque auquel le demandeur serait exposé dans son pays d’origine du fait de sa religion »16. Il ressort également de cet arrêt que les autorités compétentes « ne peuvent pas raisonnablement attendre du demandeur qu’il renonce à ces actes religieux »17.
Dans la pratique, le motif de l’appartenance à une communauté religieuse recoupe souvent le motif d’appartenance à une communauté ethnique.
3) La nationalité
Cette notion ne doit pas être entendue seulement au sens de la citoyenneté, mais peut désigner plus largement l’appartenance à un groupe ethnique ou linguistique. Dans la directive 2011/95, cette notion renvoie également à l’appartenance « à un groupe soudé par son identité culturelle, ses origines géographiques ou politiques communes, ou sa relation avec la population d’un autre Etat ».
Le risque d’être persécuté du fait d’une origine déterminée, ou du fait d’avoir renoncé à sa nationalité est donc susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié.
4) L’appartenance à un certain groupe social
Ce motif de persécution tient une place à part dans les motifs prévus à l’article 1 A 2. En effet, c’est certainement le moins clair, et par conséquent celui qui a fait l’objet de plus d’interprétations. Du fait de son caractère général et en fonction des circonstances, il a en effet permis l’identification de plusieurs groupes sociaux.
De façon générale, un groupe social se caractérise par des caractéristiques communes qui unissent les membres du groupe. Le HCR a défini cette notion de « certain groupe social » comme « un groupe de personnes qui partagent une caractéristique commune autre que le risque d’être persécutées, ou qui sont perçues comme un groupe par la société. Cette caractéristique sera souvent innée, immuable ou par ailleurs fondamentale pour l’identité, la conscience ou l’exercice des droits humains»18. En 1997, le Conseil d’ Etat considérait dans l’affaire Ourbhi qu’un groupe est constitué de membres qui sont « en raisons des caractéristiques communes qui les définissent aux yeux des autorités et de la société (…), susceptibles d’être exposés à des persécutions»19.
La directive 2011/95 définit longuement ce motif et pose le principe qu’« groupe est considéré comme un certain groupe social lorsque :
- ses membres partagent une caractéristiques innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée, ou encore une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce, et,
- ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante.
Ces critères, renvoyant d’une part aux caractéristiques internes du groupe visé et à la perception sociale extérieure de celui-ci, sont cumulatifs.
En fonction des conditions qui prévalent dans le pays d’origine, un groupe social spécifique peut être un groupe dont les membres ont pour caractéristique commune une orientation sexuelle. L’orientation sexuelle ne peut pas s’entendre comme comprenant des actes réputés délictueux d’après la législation nationale des Etats membres. Il convient de prendre dument en considération les aspects liés au genre, y compris l’identité de genre, aux fins de la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe ».
L’interprétation de cette notion d’appartenance à un certain groupe social a ainsi permis de considérer que des personnes appartenant à une catégorie sociale pourchassée20, à un groupe considéré comme contre-révolutionnaire ou encore à l’armée sous l’ancien régime pouvaient sur ce motif se voir reconnaître le statut de réfugiés.
La jurisprudence fondée sur ce motif est particulièrement importante s’agissant des femmes refusant les mutilations génitales. Ainsi, la Commission de recours des réfugiés a considéré dès le début des années 1990 que des femmes refusant les mutilations génitales étaient fondées à obtenir le statut de réfugié. En 2012, le Conseil d’Etat a considéré que « dans les pays où l’excision est considérée comme norme sociale, les enfants non mutilés constituent un groupe social au sens de la Convention de Genève »21.
En 2013, la CJUE a précisé la notion de persécution pour motif du fait de l’appartenance à un groupe social spécifique dans son arrêt X, Y et Z22, en l’occurrence les homosexuels. Elle a considéré que à partir du moment où il existe une législation pénale qui vise spécifiquement les personnes homosexuelles, on pouvait en déduire que ces personnes constituent un groupe à part, perçu par la société environnante comme étant différent. Néanmoins, la seule existence d’une législation pénalisant les actes homosexuels n’est pas considérée par la Cour comme une atteinte à ce point grave pour considérer qu’elle constitue une persécution au sens de la directive. On peut relever que cette position est plus restrictive que celle du Conseil d’Etat français, qui considère dans son arrêt du 27 juillet 2012 que « la circonstance que l’appartenance au groupe social ne fasse l’objet d’aucune disposition pénale répressive spécifique est sans incidence sur l’appréciation de la réalité des persécutions à raison de cette appartenance qui peut, en l’absence de toute disposition pénale spécifique, reposer soit sur des dispositions de droit commun abusivement appliquées au groupe social considéré, soit sur des comportements émanant des autorités, encouragés ou favorisés par ces autorités ou même simplement tolérés par elles »23.
Par ailleurs, dès la fin des années 1990 le Conseil d’Etat et la CRR considéraient dans l’affaire Ourbhi que les transsexuels pouvaient constituer un groupe social particulier du fait des caractéristiques qui leur sont propres, qui les distinguent du reste de la société et les exposent à des persécutions délibérément tolérées par les autorités en Algérie.
Il faut enfin préciser que l’on ne peut pas attendre du demandeur qu’il renonce à son identité en dissimulant son orientation sexuelle. En effet, comme la CJUE a eu plusieurs fois l’occasion de le rappeler, dissimuler son orientation sexuelle est contraire à la reconnaissance d’une caractéristique essentielle pour l’identité24.
5) Les opinions politiques
Le motif lié aux opinions politiques implique de façon générale l’existence d’une activité pouvant être perçue comme manifestant l’opinion du demandeur sur l’action du gouvernement. Ce motif est entendu largement renvoyant par exemple aux dénonciations de corruption, de pratiques criminelles ou encore de fraudes électorales. De plus, le support de l’expression des motifs politiques est également interprété largement : il peut en effet s’agir d’activités journalistiques, intellectuelles ou encore artistiques.
Néanmoins, le fait d’avoir des opinions politiques différentes de celle du gouvernement ou de les manifester ne suffit pas pour demander le statut de réfugié, le demandeur doit en effet montrer qu’il risque d’être persécuté du fait de ses opinions politiques25. Ainsi, le demandeur peut par exemple être un militant politique, ou en tous cas avoir une activité politique identifiable, mais il doit également montrer qu’il est recherché pour ce motif, voire avoir été condamné ou détenu. Néanmoins, les crimes commis dans le cadre d’une lutte indépendantiste armée, relèvent, du fait de leur gravité, du champ d’application de l’article 1er F de la Convention de Genève26.
Ainsi, la seule participation à une manifestation, voire les conséquences d’une telle participation, ne peuvent fonder une demande de reconnaissance du statut de réfugié27. De même, si le demandeur fait l’objet d’une surveillance qui lui permet néanmoins d’exprimer librement ses opinions, la persécution ne sera alors pas reconnue28. Enfin, dans la même logique, si le demandeur quitte son pays car il est simplement en désaccord avec la politique gouvernementale, il ne pourra pas non plus se voir reconnaître la qualité de réfugié.
III- Les liens entre le demandeur et son Etat de nationalité
Ces liens sont mentionnés à la fin de l’article 1 A et renvoient d’une part au fait que le demandeur doit se trouver hors de son pays de nationalité ou de résidence et d’autre part au fait qu’il ne peut ou ne veut se réclamer de la protection de son Etat.
1) le demandeur doit se trouver hors du pays dont il a la nationalité
Cette condition est relativement facile à établir sans contestation dans la mesure où elle relève d’une simple considération factuelle.
Deux hypothèses sont possibles : soit, et c’est le cas le plus fréquent, le demandeur quitte son pays parce qu’il craint d’être persécuté, soit il se trouve déjà hors de son pays (en tant que touriste ou étudiant, par exemple) lorsque se produit un événement qui lui fait craindre d’être persécuté s’il y retourne. On parle dans cette dernière hypothèse de « réfugié sur place »29. La crainte de la persécution peut alors découler d’un événement extérieur au demandeur (comme par exemple un coup d’Etat) ou peut être rattachée directement à son comportement (dans l’hypothèse de déclarations publiques en opposition au gouvernement en place dans son Etat). Dans ce dernier cas, il sera logiquement portée une attention particulière à la demande, afin d’établir qu’elle n’a pas pour seul objet le maintien dans le pays et qu’elle se fonde bien sur des risques réels de persécution en cas de retour dans l’Etat de nationalité.
La situation particulière des apatrides est envisagée par cet article 1, qui fait référence dans cette hypothèse à l’Etat dans lequel le demandeur avait « sa résidence habituelle ». De même, la situation des plurinationaux est également prise en compte puisque la fin de l’article 1 A prévoit que dans cette hypothèse, l’expression « du pays dont elle a la nationalité » vise chacun des pays dont cette personne a la nationalité.
2) Le demandeur ne peut ou ne veut se réclamer de la protection de son Etat
Ce dernier élément de la définition du réfugié renvoie à la protection consulaire ou diplomatique susceptible d’être reconnue aux nationaux se trouvant à l’étranger. Le demandeur ne souhaite (ou ne peux) en effet pas demander la protection de son Etat, car il refuse de retourner dans le pays dans lequel il risque d’être persécuté. Une autre façon d’interpréter cette disposition pourrait consister à dire que si l’Etat de nationalité n’est pas capable d’assurer la protection de son ressortissant (en le protégeant des persécutions), alors ce dernier à des raisons fondées de craindre effectivement d’âtre persécuté s’il retourne dans son pays. Le requérant doit apporter la preuve qu’il a sollicité la protection des autorités étatiques (sauf dans l’hypothèse où cette demande était vaine ou illusoire, c’est à dire lorsque l’agent de persécution est l’Etat lui-même) mais que celle-ci n’est pas effective. Pour évaluer ce caractère effectif de la protection étatique, les juges se fondent sur les critères dégagés en droit international des droits de l’homme dans le cadre du principe de due diligence. Cela signifie que le réfugié peut être une personne menacée par des personnes privées, y compris des membres de sa famille. Ce point est essentiel s’agissant des persécutions liées au genre, et notamment pour celles à l’encontre des femmes.
S’agissant des apatrides, la formulation est différente puisqu’il n’est pas fait mention de la protection du pays, mais seulement du fait que le demandeur ne puisse, ou ne veuille retourner dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle. La situation des plurinationaux est également envisagée dans cet article et dans cette hypothèse, le demandeur doit « pour une raison valable fondée sur une crainte justifiée » ne pas pouvoir se réclamer de la protection d’un des pays dont elle a la nationalité pour pouvoir être considérée comme privée de la protection de son pays de nationalité, et par conséquent, pouvoir prétendre à la protection internationale.
En conclusion, l’analyse des éléments d’inclusion fait apparaître que les différents motifs peuvent faire l’objet d’interprétations différentes : si les motifs liés à la race, la religion ou la nationalité font l’objet d’applications classiques, ceux liés à l’appartenance à un certain groupe social et à l’opinion politique sont susceptibles d’interprétations plus ou moins larges. De plus, il arrive fréquemment que ces différents motifs se recoupent. Mais un aspect essentiel de la définition du réfugié tient à question centrale de savoir s’il existe un risque de persécution en cas de retour dans le pays d’origine. La théorie des trois échelles développées par Jean-Yves Carlier30est à cet égard très éclairante, car il propose de répondre à cette question en ayant recours à trois échelles, à la fois indépendantes et interdépendantes qui renvoient aux degrés de risque, de persécution et de preuve. Il apparaît ainsi qu’un degré de risque minime suffit, alors que le degré d’atteinte aux droits de l’homme doit être sérieux et que le degré de preuve doit être raisonnable31. Ainsi, ces échelles s’ajoutent pour permettre d’identifier le seuil pour reconnaître la qualité de réfugié. Cette volonté de mesurer cette question du risque de persécution confirme que, quel que soit le motif de persécution allégué, la notion de crainte avec raison de persécution est déterminante et constitue l’élément central de la définition du réfugié32.
1 CESEDA, Article L711-1 : « La qualité de réfugié est reconnue à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ainsi qu'à toute personne sur laquelle le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut tel qu'adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1950 ou qui répond aux définitions de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux réfugiés en vertu de la convention de Genève susmentionnée ».
2 Au sens de la Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, dite « Directive Qualification », un réfugié est défini comme : « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 12 »
3 Principes directeurs sur la protection internationale : demandes d’asile fondées sur la religion au sens de l’article 1A2) de la Convention de 1951 relative au statut de réfugié, p. 3. (en ligne)
4 Voir HCR, Guide et principes directeurs sur les procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés, Genève, § 37 à 50.Voir également CARLIER, J.-Y., Qu’est-ce qu’un réfugié?, Bruylant, Bruxelles, spéc. 729.
5 HATHAWAY, J. C., The law of refugee status, Toronto, Butterworths, 1991, p. 104.
6 Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, JOUE, n° L 337/9 du 20 décembre 2011.
7 CJUE, 5 septembre 2012, Aff C-71/11, Y et Z.
8 CJUE, 7 novembre 2013, Aff. C-199/12 , X, Y et Z.
9 CJUE, 5 septembre 2012, Aff C-71/11, Y et Z.
10 Voir le site internet de la CNDA : www.cnda.fr/Demarches-et-procédures/
11 CE, 27 mai 1983, Dankha, Rec. Leb., p. 220.
12 Voir également l’article 6 de la directive 2011/95 précitée selon lequel les acteurs des persécutions « peuvent être l’Etat ; des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ; des acteurs non étatiques s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions (…) »
13 HCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, op. cit., § 68.
14 HCR, Principes directeurs sur la protection internationale : demandes d’asile fondées sur la religion au sens de l’article 1A2) de la Convention de 1951 relative au statut de réfugié, p. 3. (en ligne)
15 Voir par exemple C.R.R, 9 juillet 1984, 19.469.
16 Aff. C-71/11 et C-99/11 préc. pt 70
17 Aff. C-71/11 et C-99/11 préc. pt 80.
18 HCR , Principes directeurs sur la protection internationale : « Appartenance à un certain groupe social » dans le cadre de l’article 1 A 2 de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, HCR/GIP/02/02, 7 mai 2002.
19 CE, 23 juin 1997, Ourbhi, n° 171858.
20 Comme par exemple des demandeurs d’asile cambodgiens appartenant à la bourgeoisie commerçante fuyant les persécutions des Khmers rouges
21 CE Ass. 21 décembre 2012, Mme B., n° 332491, pt 3.
22 CJUE, 7 novembre 2013, X, Y et Z, Aff. C-199/12 à C-201/12
23 CE, 27 juillet 2012, req. n° 348824
24 Voir par exemple CJUE, 7 novembre 2013, X, Y et Z, Aff. C-199/12 à C-201/12
25 HCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, op. cit., § 80.
26 Voir Justine Castillo, Article 1, D, E et F.
27 J.-Y. Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié?, Bruylant, Bruxelles, p. 446.
28 Voir CE, 27 septembre 1985, Req. n° 54090.
29 HCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, op. cit., § 94.
30 CARLIER J.-Y., Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, Bruxelles, p. 758 s.
31 CARLIER J.-Y., Qu’est-ce qu’un réfugié ?, op. cit., p. 759.
32 CARLIER J.-Y., Qu’est-ce qu’un réfugié ?, op. cit. , p. 741.
Article 1-C et commentaire
Article 1-C
C. Cette Convention cessera, dans les cas ci-après, d'être applicable à toute personne visée par les dispositions de la section A ci-dessus:
(1) Si elle s'est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité; ou
(2) Si, ayant perdu sa nationalité, elle l'a volontairement recouvrée; ou
(3) Si elle a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont elle a acquis la nationalité; ou
(4) Si elle est retournée volontairement s'établir dans le pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d'être persécutée; ou
(5) Si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d'exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité;
Etant entendu, toutefois, que les dispositions du présent paragraphe ne s'appliqueront pas à tout réfugié visé au paragraphe 1 de la section A du présent article qui peut invoquer, pour refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité, des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures;
(6) S'agissant d'une personne qui n'a pas de nationalité, si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d'exister, elle est en mesure de retourner dans le pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle; Etant entendu, toutefois, que les dispositions du présent paragraphe ne s'appliqueront pas à tout réfugié visé au paragraphe 1 de la section A du présent article qui peut invoquer, pour refuser de retourner dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures.
Commentaire
Auteur : Mohammad Sharififard, doctorant, CRDEI, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016
Introduction
A- Contexte et fonction de l’article 1 C
Le statut de réfugié est envisagé en droit international comme transitoire et doit permettre à son bénéficiaire de retourner dans son Etat lorsque les risques de persécutions qui l’en ont éloigné ont disparus1. Ainsi, l’article 1 C de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 prévoit les hypothèses dans lesquelles le statut de réfugié pourrait prendre fin c’est à dire détermine ce que l’on appelle les clauses de cessation.
À l’origine de cette disposition se trouve l’acte constitutif de l’Organisation internationale pour les réfugiés qui a prévu dans sa section D de la première partie de l’annexe I des clauses de cessation similaires à celles de §1— § 4 de l’article 1 C2. Les paragraphes 5 et 6, quant à eux, ne sont pas envisagés par cet acte constitutif de l’OIR, mais leurs racines semblent résider dans les dispositions concernant les réfugiés espagnols3. Les clauses de cessation ont été ensuite incorporées dans le Statut du HCR qui a servi de base pour la rédaction de l’article 1 C4. Les quatre premiers paragraphes ont été repris sans changement tandis que les deux derniers ont subi certaines modifications. En effet, la version du Statut stipule que la cessation s’applique si, à la suite du changement des circonstances, la personne « ne peut plus invoquer d’autres motifs que de convenance personnelle » pour refuser la protection de son pays d’origine et précise que « des raisons de caractère purement économique ne peuvent être invoquées ». Ces deux éléments ne figurent pas dans l’article 1C § 5 et §6 de la Convention. En revanche, la clause relative aux raisons impérieuses qui introduit une exception aux §5 et § 6 n’existe pas dans le Statut. Les travaux préparatoires de la Convention montrent que lesdites phrases ont été jugées par certains délégués ambiguës et elles ont été remplacées par la clause de raisons impérieuses5.
Les clauses de cessation ont été incorporées dans les instruments régionaux, mais également dans la législation interne des États parties à la Convention de façon plus ou moins identique à l’article 1 C. Les points de divergence essentiels concernent l’existence ou non de la clause de raisons impérieuses ainsi que la confusion entre la cessation et l’exclusion6.
En ce qui concerne l’Union européenne, les questions relatives aux réfugiés sont encadrées par la directive 2004/83/CE du 29 avril 2004 révisée par la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011. L’article 11 de ces directives envisage les cas de cessation en termes identiques à ceux de la convention de Genève. Il existe cependant certaines différences entre les deux instruments. Tout d’abord, l’exception des raisons impérieuses n’était pas prévue par la directive 2004, mais elle a été rajoutée dans la version révisée de 2011. Cependant, elle ne contient pas la limitation temporelle imposée dans la Convention. Deuxièmement, le §2 de l’article 11 exige un changement de circonstances significatif et durable pour l’application de clauses de cessation des circonstances. Ce qui permet d’éclairer certaines ambiguïtés et lacunes de la Convention. Enfin, la directive a également envisagé la question de la cessation avec d’autres dispositions comme la révocation ou l’exclusion7.
Pour ce qui est de la législation française, la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile a introduit de nouveaux articles au Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de tenir compte de la directive 2011/95/UE. L’article L. 711-4 reprend les clauses de cessation de la Convention de Genève dans leur intégralité, mais contient des imprécisions qui reprennent celles de la directive. Par exemple, elle prévoit que :
« … L’office peut également mettre fin… au statut de réfugié lorsque :
1° Le réfugié aurait dû être exclu du statut de réfugié en application des sections D, E ou F de l’article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951, précitée ;
2° La décision de reconnaissance de la qualité de réfugié a résulté d’une fraude… ».
Le terme « mettre fin » utilisé dans cette disposition semble problématique car les deux cas envisagés concernent les situations où la reconnaissance du statut de réfugiée a découlé d’une erreur de fait et ce statut n’aurait pas dû être accordé dès le début. Ils ne relèvent donc pas de la cessation, mais bien de la révocation ou de l’annulation8.
Deuxièmement, le §3 de cet article prévoit qu’il peut être mis fin au statut de réfugié lorsque « Le réfugié doit, compte tenu de circonstances intervenues après la reconnaissance de cette qualité, en être exclu en application des sections D, E ou F de l’article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951, précitée. ». Il y a donc ici confusion entre clauses d’exclusion et de cessation, mais également contrariété quant à la nature des clauses d’exclusion qui sont généralement conçues comme devant être appliquées au moment de la détermination du statut de réfugié et non après la reconnaissance de cette qualité . Enfin, l’article. L. 711-6 prévoit que le statut de réfugié peut être refusé ou qu’il peut y être mis fin lorsque la présence de la personne en France constitue une menace grave pour la sécurité de l’État ou lorsqu’elle est définitivement condamnée pour un crime important et constitue une menace grave pour la société.
Les clauses de cessation font partie de l’article premier de la Convention et constituent avec les clauses d’inclusion (sections A et B) et les clauses d’exclusion (sections D, E et F) la définition internationale du réfugié. Les clauses d’inclusion ont un caractère positif c’est-à-dire qu’une fois que les conditions prévues dans ces clauses sont réunies, elles confèrent le statut de réfugié, tandis que les clauses de cessation et d’exclusion ont un acception négative faisant obstacle respectivement à la continuation ou à l’établissement dudit statut .
Cependant, les clauses de cessation et d’exclusion diffèrent, notamment dans leur champ d’application ratione personae. En effet, la cessation s’applique aux personnes qui ont été déjà reconnues comme réfugiées alors que les clauses d’exclusion de la section F semblent s’appliquer lors de la détermination du statut de réfugié. Enfin, la cessation n’implique pas nécessairement le retour ou l’expulsion du réfugié vers son pays d’origine. Il peut en effet être naturalisé, recevoir une protection subsidiaire ou encore être réinstallé dans un autre pays.
Après avoir étudié le contexte de l’article 1 C, il faut souligner les principes généraux qui doivent être respectés au moment de l’interprétation des dispositions de cessation.
B- Modalités d’interprétation
Les dispositions de cessation doivent logiquement être interprétées conformément à l’objet et au but de la Convention c’est à dire dans un objectif de protection du réfugié . En effet, la Convention de Genève a été adoptée pour venir en aide aux populations contraintes de fuir et les protéger face à la persécution et non pour servir de prétexte aux États pour leur refuser cette protection. Il faut ensuite prendre en considération le principe d’interprétation holistique et équilibrée selon lequel l’article 1 C doit être interprété dans son ensemble de manière à ce que les mêmes concepts et principes s’appliquent à tous ses paragraphes .
L’une des missions principales du HCR consiste à trouver des solutions durables pour les réfugiés qu’il s’agisse du rapatriement, de l’intégration ou de la réinstallation. Il faut garder à l’esprit, lors de l’interprétation de la Convention et notamment au moment d’application des clauses de cessation, cet objectif de solutions durables afin de ne pas mettre en cause la sécurité et la stabilité des réfugiés.
Comme le HCR l’a rappelé plusieurs fois, les motifs de cessation énoncés dans l’article 1 C sont exhaustifs et doivent faire l’objet d’une interprétation stricte. Aucune cause autre que celles prévues par cet article ne peut donc entraîner la cessation du statut de réfugiés .
Comme certains l’ont remarqué, les clauses de cessation ont été formulées sur la base des clauses d’inclusion c’est-à-dire que le réfugié cesse d’être considéré comme tel lorsqu’il ne remplit plus les conditions d’inclusion prévues par l’Art. 1 A 2 soit parce qu’il bénéficie de nouveau de la protection de son pays d’origine ou de résidence s’il est apatride, soit parce qu’il ne demeure plus hors de son pays, soit encore parce qu’il n’a plus de crainte fondée de persécution . Néanmoins, la cessation est une disposition distincte ayant ses propres conditions d’application ; elle n’est pas le simple corollaire des clauses d’inclusion .
Les clauses de cessation se divisent en deux grandes catégories : les clauses de cessation personnelles (I) et les clauses de cessation des circonstances (II).
I- Les clauses de cessation personnelles
Les clauses de cessation dites personnelles regroupent les paragraphes 1-4 de l’article 1 C de la Convention de Genève en vertu desquels le statut de réfugié cesse d’exister du fait d’un changement attribuable personnellement au réfugié. Il s’agit en principe d’une cessation dont le réfugié a pris l’initiative et qui se fonde donc sur le consentement du réfugié .
A/ La réclamation de la protection nationale
Le § 1 de l’article 1 C dispose que la cessation aura lieu si la personne concernée « s’est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité ». Cette disposition est importante car c’est la clause la plus invoquée pour faire cesser le statut de réfugié . Elle s’applique logiquement à un réfugié possédant une nationalité (les apatrides ne sont pas concernés par cette clause) et qui réside en dehors du pays dont il a la nationalité . Le fait de se réclamer à nouveau de la protection de son Etat de nationalité peut recouvrir plusieurs types d’actes manifestant la volonté du réfugié de rétablir des relations normales avec son pays d’origine . Il peut s’agir de la demande et l’obtention du passeport, de l’obtention du certificat de nationalité ou encore d’une demande de rapatriement et de visite du pays d’origine . Pour que ces actes entraînent la cessation de la reconnaissance du statut de réfugié, trois conditions cumulatives sont requises : la volonté du demandeur, l’intention de demander la protection étatique et l’obtention effective de la protection.
Tout d’abord, l’acte accompli par le réfugié doit être volontaire. Si le réfugié agit afin d’obéir aux instructions d’une autorité ou en raison d’une obligation légale, son acte ne relève pas du § 1. Ensuite, cet acte volontaire doit être entrepris dans le but et avec l’intention de se réclamer de la protection nationale. Les motifs à la base de la demande doivent donc être soigneusement appréciés par l’autorité compétente car « il convient d’établir une distinction entre le fait de se réclamer à nouveau de la protection du pays considéré et des rapports occasionnels et fortuits avec les autorités de ce pays » . L’obtention par exemple d’un certificat de diplôme, de naissance ou de mariage auprès des autorités du pays d’origine n’implique pas en tant que telle la reprise de la protection nationale, contrairement à la demande d’un passeport qui peut être considérée comme telle . En effet, selon le HCR, cette demande établit une présomption en vertu de laquelle le réfugié avait l’intention de se réclamer de la protection de son pays d’origine . Néanmoins, certaines Cours rejettent l’existence d’une telle présomption et insistent sur la nécessité de l’examen des motifs sus-jacents de la demande de passeport . Pour le Conseil d’État, la demande ou le renouvèlement du passeport implique généralement l’intention de se soumettre à la protection nationale, mais il ne s’agit pas d’une présomption irréfragable . Le réfugié peut apporter des preuves qui justifient d’autres motifs pour sa demande. La Commission de recours de réfugiés a retenu la même approche en ce qui concerne l’obtention de certificat de nationalité .
La troisième condition pour l’application de cette clause de cessation tient au fait que la demande doit avoir reçu une réponse positive des autorités de l’Etat de nationalité et que le réfugié ait effectivement obtenu la protection de son Etat. Ainsi, la simple demande de passeport ou de rapatriement n’entraîne pas la cessation, mais il faut que le passeport ou l’autorisation de retour ait été délivré .
La question relative aux visites dans le pays d’origine se révèle dans la pratique délicate. Certains États considèrent que lorsque le réfugié se rend dans son pays d’origine, il se réclame implicitement de la protection dudit pays. En effet, ces visites ne sont pas couvertes par le §4 de l’article 1 C parce que, comme nous verrons, le § 4 concerne les personnes qui sont déjà retournées résider dans leur pays de nationalité, tandis qu’il s’agit ici d’un réfugié résidant dans le pays d’asile et qui effectue un voyage dans son pays d’origine. Le §1 est donc la seule clause susceptible de régir ce type de visites. Cependant, une telle interprétation semble être discutable. L’incertitude vient du fait qu’une visite ne démontre pas en tant que tel que le réfugié a obtenu une protection effective de la part de son pays d’origine ; ce qui constitue une condition nécessaire pour l’application de cette clause . L’interprétation du HCR sur ce sujet est éclairante : D’une part, il rappelle la nécessité d’une appréciation individuelle de chaque cas et souligne d’autre part qu’il faut distinguer entre un voyage pour rendre visite à des parents âgés et des voyages réguliers pour les vacances ou le commerce . Il semble en effet que ces derniers voyages, caractérisés par leur régularité peuvent révéler que le réfugié ne craint plus d’être persécuté dans son pays d’origine et qu’il bénéficie donc véritablement de sa protection. En dehors de ce contexte, des visites épisodiques ne doivent donc pas, pour le HCR, pouvoir être considérées comme pouvant faire cesser le statut de réfugié.
L’interprétation de cette disposition ne suit néanmoins pas systématiquement celle du HCR. Ainsi, s’agissant par exemple du Canada, le gouvernement considère tout contact avec le pays d’origine comme preuve de réclamation de sa protection sans tenir compte des circonstances en cause .
En ce qui concerne la charge de la preuve dans les cas d’application des clauses de cessation, il est généralement admis qu’il revient à l’autorité compétente en la matière d’apporter des preuves établissant que la personne concernée a cessé d’être considérée comme réfugié.
Enfin, si après la mise en œuvre de la cessation, le réfugié renonce à la protection ou au rapatriement, il ne recouvrera pas automatiquement son statut ; il devra effectuer de nouveau les démarches nécessaires à la détermination du statut .
B/ Le recouvrement volontaire de la nationalité
Le § 2 de l’article 1 C prévoit que la cessation peut avoir lieu si le réfugié recouvre volontairement sa nationalité perdue. Cette clause est, en réalité, un exemple explicite de « la réclamation de la protection » prévue au §1 qui, de par son importance, est mentionnée dans un paragraphe séparé. Il s’agit ici d’une personne qui, avant ou après avoir été reconnue comme réfugié, perd la nationalité de son pays d’origine pour une raison quelconque . Le recouvrement peut être initialisé par l’État d’origine ou par le réfugié, mais en tout état de cause, il doit être volontairement accepté par ce dernier de façon expresse ou tacite. Il faut par exemple qu’il existe une option pour accepter le recouvrement et que celle-ci soit retenue par le réfugié, ou que le réfugié s’abstienne de choisir une option prévoyant la répudiation de la nationalité d’origine . Par conséquent, le recouvrement de nationalité à travers l’application automatique de la loi, comme c’est le cas pour le mariage, n’entraîne pas la cessation de statut du réfugié.
La question qui se pose ensuite est celle de savoir si les deux autres conditions de l’intention et de la protection effective sont également requises pour la mise en œuvre de cette clause. Comme le HCR le remarque, il n’est normalement pas indispensable d’examiner l’intention pour cette clause parce que le recouvrement volontaire de la nationalité implique l’existence de l’intention d’obtenir la protection, mais cela n’empêche pas le réfugié de prouver le contraire dans les cas particuliers . En ce qui concerne l’effectivité, la réponse semble être positive si l’on compare cette disposition avec la clause suivante selon laquelle en plus de l’acquisition de la nationalité, la nécessité d’une protection effective est soulignée. Étant donné que les trois premières clauses de cessation ont toutes le même fondement à savoir la disponibilité de la protection nationale, il parait logique d’exiger également cette condition pour le §2. Autrement dit, le § 3 explicite ce qui est implicite dans les §1 et §2 . Néanmoins, il faut affirmer avec certains auteurs que, l’intention et l’effectivité étant généralement présentes dans la plupart des cas, le volontariat joue le rôle déterminant .
C/ L’acquisition d’une nouvelle nationalité
En vertu du §3, le réfugié peut perdre son statut s’il « a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont [il] a acquis la nationalité ». À l’instar du §2, ce paragraphe repose également sur la nationalité, mais il s’en distingue par le fait que le § 2 concerne l’obtention de la nationalité d’un pays par rapport auquel le réfugié a précédemment eu la crainte de persécution tandis qu’il s’agit ici de l’acquisition de la nationalité d’un autre pays, soit celui de refuge, soit un pays tiers. En plus, nous ne retrouvons pas dans cette clause une référence au volontariat ; en effet, elle englobe à la fois l’acquisition volontaire et l’obtention involontaire par l’application automatique de la loi . Cette clause a été appliquée historiquement à l’égard des juifs qui se sont installés en Israël et ont acquis sa nationalité .
Pour la mise en œuvre de cette clause, il faut d’abord faire en sorte que le réfugié ait déjà acquis la nouvelle nationalité de façon définitive en tenant compte de la législation en vigueur et de la pratique administrative du pays en cause. La simple possession du passeport d’un pays ne prouve pas la nationalité à moins que seuls les ressortissants de ce pays ne puissent détenir son passeport . Il faut ensuite que le réfugié bénéficie d’une protection réelle. Le HCR préconise deux critères cumulatifs afin de vérifier la jouissance de la protection : premièrement, la nouvelle nationalité doit établir un lien et une relation véritable et authentique entre le réfugié et l’État. En d’autres termes, cette nationalité doit offrir une protection effective. Deuxièmement, le réfugié doit être en mesure de et disposé à se réclamer de la protection de l’État de sa nouvelle nationalité .
La question qui se pose enfin est celle de savoir si, en cas de perte de la nouvelle nationalité, le statut de réfugié peut être recouvré. Du point de vue de la logique juridique, on peut dire que le statut a déjà pris fin à la suite de l’acquisition de la nouvelle nationalité et l’ex-réfugié doit déposer une nouvelle demande d’asile. Pourtant, la solution proposée par le HCR qui consiste à faire une distinction suivant les circonstances de la perte de la nouvelle nationalité, semble être mieux conforme à l’esprit de l’article 1 C et au principe de protection. Ainsi, lorsque la personne renonce volontairement à cette nationalité, il n’y a pas de raison d’envisager la réactivation du statut de réfugié. Par contre, si la nationalité est perdue par l’application automatique de la loi, il sera juste de revendiquer le recouvrement du statut de réfugié . Autrement dit, c’est la place de volonté dans la perte de la nationalité qui doit être prise en compte. La jurisprudence française semble également avoir pris la même position .
D/ Le rétablissement volontaire dans le pays d’origine
Le paragraphe 4 envisage la cessation lorsque la personne concernée « est retournée volontairement s’établir dans le pays qu’elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d’être persécutée ». La première remarque sur ce paragraphe concerne son champ d’application personnel. Comme le HCR l’a souligné, il couvre aussi bien des réfugiés ayant une nationalité que des réfugiés apatrides . Cette clause s’applique aux réfugiés qui sont retournés dans leur pays d’origine, mais qui n’ont pas perdu leur statut de réfugié en application des clauses citées dans les paragraphes 1 et 2 . En pratique, cette clause a été mise en œuvre à l’encontre des personnes qui, après s’être installées dans leur pays d’origine, l’ont de nouveau fui . Comme certains auteurs l’ont rappelé, cette clause est corollaire de la définition du réfugié prévue dans l’article 1 A § 2 en vertu de laquelle, il faut que le réfugié se trouve hors de son pays d’origine ou de sa résidence habituelle pour être qualifié comme tel . Lors qu’il ne demeure plus hors de son pays, on peut légitimement s’attendre à ce que son statut cesse d’exister. Comme on l’a déjà remarqué, bien que certaines situations comme les voyages dans le pays de nationalité semblent à première vue relever autant de cette clause que de la première, ce sont deux clauses distinctes avec des champs d’application différents. Si elles se rejoignent sur la nécessité du volontariat et de l’intention, elles se distinguent par l’exigence de rétablissement prévue dans le §4 .
L’application de cette clause nécessite le cumul de deux conditions : le volontariat et le rétablissement. La clause exige expressément l’action volontaire du réfugié afin d’écarter son application au rapatriement forcé. Il s’agit ici en effet d’un rapatriement librement choisi par le réfugié. Si celui-ci a été forcé de retourner ou a été maintenu de force dans son pays d’origine, la cessation ne doit pas être appliquée. Néanmoins, dans l’hypothèse particulière où le retour au pays d’origine a été involontaire, mais que le réfugié s’y installe et reprend une vie normale sans difficulté, la cessation peut être envisageable . Concernant la deuxième condition, le terme « s’établir » implique littéralement la désignation d’un lieu en tant que résidence . De ce fait, le réfugié doit se fixer son pays d’origine, et non y résider de façon passagère. Plus précisément, le rétablissement prévu dans cette clause se compose d’un élément matériel à savoir la présence physique dans son pays d’origine, et d’un élément moral c’est-à-dire l’intention d’y résider de façon permanente . C’est ce qui explique que les juges examinent les motifs de séjour du réfugié avant d’appliquer cette clause . Les facteurs pouvant servir à déterminer le rétablissement sont variés. Le plus souvent, c’est le séjour prolongé qui est déterminant, mais d’autres critères peuvent être pris en considération, comme par exemple le paiement des impôts ou encore l’adoption d’un enfant conformément aux dispositions en vigueur dans ce pays .
Enfin, cette clause prévoit le rapatriement volontaire par choix individuel contrairement aux clauses de cessation des circonstances qui, comme nous verrons par la suite, s’appliquent généralement à un groupe .
II- Les clauses de cessation des circonstances
Les paragraphes 5 et 6 de l’article 1 C, connus sous l’appellation des « clauses de cessation des circonstances », envisagent la perte du statut de réfugié consécutif à un changement survenu non pas dans les conditions personnelles du réfugié, mais dans les conditions contextuelles de son pays d’origine. La cessation a en effet lieu parce que la protection internationale ne se justifie plus. Est envisagée la cessation pour les réfugiés ayant une nationalité (A), puis celle des réfugiés apatrides (B).
A/ La cessation des circonstances dans le pays de nationalité
En vertu du paragraphe 5, le statut de réfugié peut prendre fin si les circonstances à la suite desquelles l’individu a été reconnu comme réfugié ont cessé d’exister. Pendant longtemps, cette clause a été appliquée par des déclarations générales qui font cesser le statut d’un groupe spécifique de réfugiés par exemple des réfugiés bulgares. Ces déclarations peuvent être émises par le HCR ou par l’État de refuge à la suite d’un changement dans la situation du pays d’origine éliminant ainsi les causes de persécution . Comme le HCR le confirme, il est possible d’appliquer la cessation à un sous-groupe distinct au sein des réfugiés fuyant le même pays ; comme la cessation du statut des réfugiés religieux d’un pays donné suite à un changement législatif garantissant leurs droits.
Depuis 2003, on constate une tendance à l’application individuelle de cette clause. L’Allemagne et l’Australie y ont notamment recours dans le cadre de la protection temporaire . Bien que le langage utilisé dans cette clause n’exclut pas son application aux cas individuels, une telle application doit faire l’objet d’une extrême précaution et d’une mise en œuvre compatible avec des solutions durables. C’est pour cette raison que cette disposition est rarement appliquée de manière individuelle . Par conséquent, il est important de veiller à ce qu’un examen de cessation ne donne pas en réalité lieu à un nouvel examen d’éligibilité au statut . Le réexamen fréquent de cessation est également jugé inacceptable par le HCR .
Le texte de ce paragraphe indique clairement que le changement doit survenir dans les circonstances en raison desquelles la personne a obtenu le statut de réfugié. Autrement dit, il faut prouver que le changement a éliminé la base de la crainte de persécution du réfugié . Se pose ensuite la question de savoir quel degré du changement suffit à entraîner la cessation. L’agence onusienne exige trois qualités cumulatives pour un tel changement : il doit être fondamental, durable et stable (ou effectif) . Un simple changement dans les faits ne provoque donc pas la perte du statut de réfugié . Le HCR nous donne certains exemples des situations indiquant un changement fondamental : le changement politique considérable, la fin des hostilités et le retour à la paix , les réformes légales et sociales profondes telles que la tenue des élections démocratiques, l’adoption des lois d’amnistie, l’abrogation des lois répressives et le démantèlement des forces répressives . L’existence de nombreux cas de rapatriement volontaire n’implique pas ipso facto l’application de cette clause. Il se peut que la situation soit suffisamment améliorée pour inciter au rapatriement volontaire, mais que ce changement ne soit pas d’une telle mesure qui peut être jugé fondamental . Le rapatriement massif ne peut donc qu’être un simple indicateur de changements. Pour appréciation des changements, le HCR conseille de manière générale de prendre en compte des facteurs comme le respect général et indiscriminé des droits de l’homme, la stabilité politique, l’existence des mécanismes d’application des lois et d’un système judiciaire indépendant . Nous ne devons pas toutefois négliger la cause particulière de crainte de persécution . On souligne enfin que si les circonstances en rapport avec l’obtention du statut ont cessé d’exister, mais pour être remplacées par d’autres circonstances qui peuvent à leur tour justifier le statut de réfugié, cette clause ne s’applique pas .
Ces facteurs valent aussi bien pour les déclarations générales que pour les applications individuelles. L’approche du HCR en la matière a également été retenue par la doctrine et la jurisprudence de la plupart des États . Afin de procéder à la cessation, il faut recueillir des éléments de preuve évidents et apportés par des sources diverses, y compris par le HCR, des canaux diplomatiques et des ONG. Il a largement été admis que l’application de cette clause nécessite des éléments positifs attestant des changements ; l’absence de preuve de la persécution ne peut être jugée suffisante .
La deuxième condition exigée pour un tel changement concerne sa durabilité. Le changement survenu doit être durable et non pas transitoire de façon à ce qu’on puisse légitimement penser que les causes de persécutions antérieures ne se reproduiront plus dans le futur. Aucun délai précis n’est fixé pour détermination de la durabilité du changement, mais de manière générale une attente de 12 à 18 mois est requise. Le HCR attend normalement cinq ans suite aux changements avant qu’il ne publie une déclaration générale de cessation . En cas de changements de façon violente, comme ce qui est habituellement le cas dans les conflits ethniques ou le renversement d’un régime, il faut attendre plus longtemps pour pouvoir établir des changements durables .
On entend par le caractère stable et effectif, un changement qui conduit à une protection effective du réfugié par son État d’origine. Lorsque les changements fondamentaux et durables ne sont pas accompagnés par une véritable protection, la cessation n’est pas censée être appliquée. Certaines juridictions ont contesté la pertinence de cette troisième condition ; ce qui a provoqué des incertitudes et des controverses quant à l’interprétation correcte des paragraphes 5 et 6 l’article 1 C de la Convention de Genève. Nous traitons brièvement cette question par la suite .
Dans certaines décisions relatives à la cessation, la Cour administrative fédérale de l’Allemagne s’est prononcée sur le sens qu’il convient de donner au terme de « protection » mentionné au §5 de l’article 1 C . Selon la juridiction allemande, le sens de protection dans cette clause ne diffère pas de celui dans l’article 1 A 2 ; il s’agit de la protection contre des persécutions du fait des raisons prévues dans ce dernier article. Une protection effective au sens large n’est donc pas envisagée par cette disposition. Par conséquent, la Cour s’est abstenue de prendre en compte les risques de nature générale dans le pays d’origine comme l’insécurité généralisée dans son appréciation des changements des circonstances . Nous trouvons également cette approche dans les affaires Adan et Hoxha devant the House of Lords britannique dans lesquelles il a été prétendu qu’il existe une symétrie entre l’article 1 C § 5 et l’article 1 A § 2 ; les deux dispositions réfèrent au même critère, celui de la crainte avec raison de persécution . Autrement dit, elles sont les deux faces d’une même pièce. Le risque de persécution établit la protection et son absence entraîne la cessation du statut.
La jurisprudence australienne va encore plus loin et considère l’application automatique de la cessation. En effet, dans les affaires QAAH et NBGM concernant les titulaires du visa de protection temporaire , la Cour suprême d’Australie a considéré que les termes « shall cease », « have ceased to existe » et « no longer » utilisés dans la version anglaise de cet article indiquent que le statut de réfugié évolue lorsque les circonstances dans le pays d’origine évoluent et de ce fait, la cessation a lieu automatiquement sans avoir besoin d’aucune procédure. En se basant sur les idées de la symétrie et de l’application automatique, la Cour a jugé qu’il appartient au réfugié de justifier de nouveau son éligibilité à la définition de réfugié et non pas au gouvernement en prouvant des changements. En d’autres termes, la qualification des changements n’est pas requise et les preuves ne sont pas à la charge de l’État .
L’approche retenue par ces juridictions a été fortement critiquée non seulement par le HCR, mais aussi par des juristes et des juges . En effet, l’article 1 C § 5 est basé sur des changements fondamentaux, stables et durables des circonstances et non pas sur l’absence de risque de persécution. Comme le HCR le souligne, l’application des clauses générales de cessation nécessite l’examen de deux éléments : la nature et le degré de changements survenus d’une part, et le rétablissement d’une protection effective d’autre part. Il s’agit donc d’un critère à part et au-delà du critère prévu pour la reconnaissance du statut de réfugié . La symétrie et l’application automatique sont contraires au but et à la fonction de l’article 1 C tout simplement parce que la détermination du statut et la cessation sont deux procès distincts avec les conditions d’application différentes . Les termes impératifs employés dans l’article 1 C, plus précisément « shall » au lieu de « may » dans la version anglaise, n’implique pas son application systématique. Ces termes sont également utilisés dans l’article 1 A, mais personne n’a aucun doute sur la nécessité d’une procédure de détermination de la qualité de réfugié . En outre, comme nous avons déjà vu, la mise en œuvre des paragraphes 1-4 nécessite plus de conditions qu’une simple absence du risque de persécution notamment le bénéfice d’une protection effective. Une interprétation holistique de l’article 1 C exige que le même sens soit donné au terme de protection dans les paragraphes 5 et 6, faute de quoi nous serons face à une discrimination entre les deux catégories de réfugiés à savoir ceux ayant perdu leur statut conformément aux clauses personnelles et d’autres en vertu des clauses générales . Toutes les modalités d’interprétation, évoquées dans l’introduction, confirment également la nécessité de retenir cette approche .
Le HCR insiste sur le fait que l’absence de risque de persécution est une condition nécessaire, mais non suffisante pour engendrer la cessation ; il faut en plus une protection effective et disponible. Cette protection comprend des éléments comme l’existence d’un gouvernement et des structures administratives opérationnelles, de l’état de droit et d’une situation sécuritaire stable ainsi que des ressources suffisantes permettant aux habitants d’exercer leurs droits fondamentaux notamment le droit à des conditions de vie décentes . La position du HCR en la matière a unanimement été soutenue par la doctrine .
Au vu des conséquences importantes de la cessation sur la vie du réfugié, il est nécessaire de prévoir des garanties procédurales suffisantes pour son application. À cet égard, certains auteurs recommandent d’envisager l’accès des réfugiés à une procédure individuelle à travers la notice, l’audience ou l’entretien . Il existe un accord quasi unanime tant dans la doctrine que dans les jurisprudences et les législations nationales sur le fait que la charge de la preuve dans ces clauses incombe aux États . Il appartient à l’État concerné d’apporter des éléments qui attestent des changements profonds des circonstances et la restauration de la protection dans le pays d’origine. Enfin, l’existence d’une déclaration générale de cessation à l’égard des réfugiés provenant d’un pays particulier ne fait pas obstacle à l’examen de nouvelles demandes d’asile des ressortissants dudit pays .
B/ La cessation des circonstances dans le pays de la résidence habituelle
À l’instar du paragraphe 5, le paragraphe 6 de l’article 1 C prévoit également la cessation du statut en raison des changements des circonstances, mais concernant des réfugiés apatrides cette fois-ci. Cette clause est rarement invoquée dans la jurisprudence . Toutes les conditions d’application mentionnées pour le §5 sont pleinement valables pour le §6. Il faut néanmoins préciser certains aspects particuliers de cette disposition. En effet, la mise en œuvre du §6 nécessite une condition supplémentaire : le réfugié doit être en mesure de retourner dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle. Cette condition parait logique . Comme certains auteurs l’ont souligné, la notion d’« être en mesure de retourner » renvoie à la fois à la possibilité physique et à la possibilité légale . Lorsque le réfugié apatride ne peut pas retourner dans le pays de sa résidence habituelle en raison du déclenchement d’une guerre et de la fermeture des frontières, cette clause ne peut évidemment pas s’appliquer. La question qui se pose est de savoir si la condition de l’habilité physique est un critère objectif ou subjectif. Autrement dit, est-ce que la possibilité pratique de retour pour les apatrides d’une manière générale suffit pour la mise en œuvre de cette clause ou faut-il que le réfugié concerné soit personnellement en mesure de retourner dans son Etat de résidence ? Il nous semble que le critère doive être subjectif. Un réfugié qui ne peut pas rentrer par exemple à cause de son état de santé ne perd pas ainsi son statut. S’agissant de la possibilité légale, il faut que le réfugié puisse légalement rentrer à son pays de résidence conformément aux lois et pratiques de ce pays. La possession d’une autorisation de retour peut en être la preuve. À l’inverse, une mesure d’expulsion en vigueur ou une demande de réadmission refusée indiquent clairement l’absence de l’habilité légale .
Une autre remarque concerne le terme de « résidence habituelle ». Ce terme peut être interprété comme un lieu entre le lieu du séjour passager et le domicile. En d’autres termes, il faut que la personne s’y soit établie quelque temps ou encore qu’elle y ait le centre de ses intérêts. Par contre, une durée de séjour déterminée ou l’intention de s’établir durablement ne sont pas requises . Nous notons enfin que comme dans les clauses précédentes, la charge de preuve dans cette clause pèse sur le HCR ou l’État qui souhaite la mettre en œuvre à l’encontre du réfugié.
La doctrine reconnaît trois exceptions aux clauses générales de cessation à savoir des cas particuliers, des raisons impérieuses et des résidents de longue durée. Il est parfois nécessaire d’exclure un sous-groupe spécifique de réfugiés de l’application de la déclaration générale de cessation parce que les changements survenus n’affectent pas la cause particulière de leur crainte de persécution. Le changement d’un régime politique par exemple n’élimine nécessairement pas la crainte des réfugiés persécutés en raison de leur orientation sexuelle . Mais outre cette exclusion collective, il se peut qu’un réfugié puisse être exclu en raison d’éléments qui lui sont prpres. La déclaration générale de cessation établit qu’il n’y a plus de risque de persécution dans un pays donné, mais il s’agit d’une présomption réfutable . Tous les réfugiés ont droit au réexamen de cette cessation sur la base de leur situation individuelle .
La deuxième exception concerne la clause des raisons impérieuses prévue au second alinéa des paragraphes 5 et 6 qui stipule que « les dispositions du présent paragraphe ne s’appliqueront pas à tout réfugié visé au paragraphe 1 de la section A du présent article qui peut invoquer, pour refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité [ou pour refuser de retourner dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle], des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures ». Cette clause a été insérée dans la Convention pour répondre au défi des réfugiés allemands et autrichiens au cours de la Deuxième Guerre mondiale qui ne voulaient pas retourner sur la scène des atrocités ou se réclamer de la protection de l’État qui les avait maltraités . Comme le HCR le souligne, un changement de régime n’aboutit nécessairement pas à un changement fondamental dans l’attitude de la population du pays d’origine ni dans la pensée du réfugié .
Conformément au texte de cet alinéa qui précise « tout réfugié visé au paragraphe 1 de la section A du présent article », cette exception ne s’applique apparemment qu’aux personnes devenues réfugiées avant le 1951. Néanmoins, contestant cette interprétation littérale, le HCR insiste sur l’application de cet alinéa à tous les réfugiés, quelle que soit la date à laquelle ils sont devenus réfugiés, faisant ainsi prévaloir l’esprit de cette disposition régi par le principe d’humanité . Parmi plusieurs arguments invoqués à l’appui de l’application élargie de la clause des raisons impérieuses, il peut être relevé que la Convention de 1951 a toujours été considérée comme un instrument vivant qui s’adapte aux réalités et aux changements survenus au fil du temps. En outre, considérant le préambule de la Convention qui exprime le but de garantir aux réfugiés l’exercice le plus large possible des droits fondamentaux, une mise en œuvre de bonne foi de l’article 1 C § 5 suppose une telle interprétation. En pratique, de nombreux États y compris les États-Unis, le Canada et la France appliquent cette exception à l’ensemble des réfugiés . En ce qui concerne l’Union européenne, comme cela a déjà été relevé, la directive « qualification » de 2011 contient la clause des raisons impérieuses, mais sans aucune réserve temporelle ; elle vise donc tous les réfugiés . Certains auteurs considèrent cette pratique étatique comme une pratique subséquente ayant modifié le contenu de la clause des raisons impérieuses conformément à l’article 31 de la Convention de Vienne du 1969 sur le droit des traités . En cas d’application de cette exception aux réfugiés actuels, la question qui se pose alors est de savoir s’il s’agit du statut de réfugié qui est maintenu ou bien il s’agit d’une protection complémentaire. La doctrine est divisée sur ce point. Certains estiment que le statut de réfugié continue d’exister tandis que le HCR et d’autres juristes plaident pour une protection complémentaire . Néanmoins, tout le monde est d’accord sur le fait que s’il s’agit d’une protection complémentaire, elle doit garantir au réfugié les mêmes droits que le statut de réfugié .
La troisième exception concerne les résidents de longue durée. Selon le HCR, il convient de ne pas appliquer les dispositions de cessation aux réfugiés qui ont séjourné depuis longtemps dans le pays de refuge et qui y ont établi de forts liens économiques, sociaux ou familiaux. En cas d’application, les États sont encouragés à leur accorder un statut de résident qui préserve leurs droits acquis .
Conclusion
En guise de conclusion, trois remarques peuvent être faites. D’abord, il faut relever que les principes de cessation s’appliquent également aux groupes auxquels on a reconnu prima facie le statut de réfugié . Ensuite, il faut garder à l’esprit que les personnes qui ont obtenu le statut de réfugié sur la base du principe de l’unité de la famille conservent leur statut jusqu’à ce qu’elles relèvent individuellement de l’une des clauses de cessation. La perte du statut d’un membre de la famille n’affecte donc pas le statut d’un autre . Ces dernières années une tendance vers l’application individuelle des clauses de cessation et leur mise en œuvre dans le cadre de la protection temporaire peut être relevée. Bien que cette application soit permise au regard de la Convention, elle pose des difficultés pour le respect des principes régissant la Convention, y compris l’objectif des solutions durables. C’est pourquoi les États doivent appliquer la cessation avec précaution et traiter avec humanité les conséquences qui en découlent .
1 « Refugee status, as conceived in international law, is, in principle, a transitory phenomenon which lasts only as long as the reasons for fearing persecution in the country of origin persist. Once these reasons disappear, refugee status may be legitimately terminated ». UNHCR, The Cessation Clauses: Guidelines on their Application, Geneva, UNHCR, April 1999, p. 1, §1. Disponible sur : < www.refworld.org >, (consulté le 17 aout 2015).
2 KNEEBONE, S., O’SULLIVAN, M., « Article 1 C », in : ZIMMERMANN, A. (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, p. 488.
3 Il s’agit du rapatriement des réfugiés en cas d’instauration d’un régime démocratique en Espagne et les exceptions permises. Idem.
4 Article 6 A ii (a) à (f) du Statut du HCR.
5 KNEEBONE, S., O’SULLIVAN, M., « Article 1 C », op. cit., p. 489-492.
6 Sur cette confusion V. infra.
7 C’est surtout l’article 14 de la directive qui semble problématique à cet égard.
8 Le HCR a également décrit ces genres de situations avec le terme d’annulation. V. HCR, Guide et principes directeurs sur les procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés, Genève, HCR, Décembre 2011, p. 30, §141.
Article 1-D, 1-E, 1-F et commentaire
Article 1-D
D. Cette Convention ne sera pas applicable aux personnes qui bénéficient actuellement d'une protection ou d'une assistance de la part d'un organisme ou d'une institution des Nations Unies autre que le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.
Lorsque cette protection ou cette assistance aura cessé pour une raison quelconque, sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé, conformément aux résolutions y relatives adoptées par l'Assemblée générale des Nations Unies, ces personnes bénéficieront de plein droit du régime de cette Convention.
Article 1-E
E. Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.
Article 1-F
F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser:
a) qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;
b) qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiées;
c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.
Commentaire
Justine Castillo, docteure, CRDEI, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016
L’article premier de la Convention de Genève de 1951 est composé de six sections. Les trois dernières, les sections D, E et F sont les clauses d’exclusion du statut des réfugiés1. Les clauses d’exclusion du statut des réfugiés sont les hypothèses dans lesquelles la Convention de Genève de 1951 ne s’applique pas. La personne ne bénéficie pas du statut des réfugiés soit parce qu’elle n’a pas besoin (I), soit parce qu’elle ne mérite pas2 (II) la protection de la Convention de Genève de 19513.
I – L’exclusion des personnes n’ayant pas besoin de la protection de la Convention de Genève de 1951
Les sections D4 et E prévoient que les personnes qui bénéficient d’une autre protection ne peuvent pas bénéficier du statut des réfugiés. Elles débutent de façon identique par « (C)ette Convention ne sera pas applicable [....] ». La première vise les « personnes qui bénéficient actuellement d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations Unies autre que le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. » (A). La seconde est relative à une « personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays. » (B).
A – Les personnes bénéficiant actuellement d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations Unies autre que le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés
Les événements tragiques survenus dans la bande de Gaza en juillet 2014 ont démontré l’actualité de la section D. Rédigée en des termes généraux, elle trouve pourtant à s’appliquer aux réfugiés palestiniens. L’alinéa 1 est le principe. Il permet d’éviter le chevauchement des compétences entre les différents organes du système des Nations Unies. Il vise expressément le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui, selon son Statut5, assume les fonctions de protection internationale des réfugiés. Il contient trois conditions cumulatives.
Ratione personae, un groupe de personnes est visé. Ceci est conforme à l’esprit des rédacteurs de la Convention de Genève de 1951 qui entendaient ne pas appliquer celle-ci aux réfugiés palestiniens. C’est aussi cohérent avec les clauses d’inclusion du statut des réfugiés qui mettent en avant l’appréciation in concreto de la crainte avec raison de persécution.
Ratione materiae, il y a deux éléments importants. D’une part, le recours à la conjonction de coordination « ou » entre les termes « protection » et « assistance » montre leur autonomie. Il suffit que les personnes bénéficient soit d’une protection, soit d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations Unies autre que le HCR pour qu’elles soient exclues du statut des réfugiés. Or, une telle distinction peut avoir pour conséquence négative d’élargir la catégorie des personnes susceptibles de tomber sous le coup de l’alinéa 1. D’autre part, la disposition vise un organisme ou une institution des Nations Unies. Les termes « organisme » et « institution » démontrent que l’accent est mis sur l’auteur de la protection ou de l’assistance qui n’est pas le HCR, organe subsidiaire des Nations Unies6. Parmi ces derniers, on trouve l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency)7. Ainsi, parce que l’UNRWA est un organisme autre que le HCR et parce que les réfugiés palestiniens bénéficient de la protection de l’UNRWA, la Convention de Genève de 1951 ne s’applique pas aux réfugiés palestiniens.
Ratione temporis, l’adverbe de temps « actuellement » mérite une attention. Son insertion n’étant pas expliquée, il pose plusieurs questions. La première est de savoir si sont concernées les personnes bénéficiant d’une telle protection ou assistance au moment de la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié et/ou tout au long de la détermination du statut des réfugiés. La deuxième porte sur le fait de savoir si ne sont concernées que les personnes qui se trouvent dans la zone de compétence de l’UNRWA par exemple8. La troisième est la suivante : Faut-il effectivement bénéficier de la protection ou de l’assistance de l’UNRWA ou le simple fait d’y être éligible suffit ? A cet égard, l’analyse de la jurisprudence Bolbol9 de la Cour de justice des communautés européennes mérite d’être citée car la Cour retient qu’« (I)l résulte du libellé clair de l’article 1er, section D, de la convention de Genève que seules les personnes qui ont effectivement recours à l’aide fournie par l’UNRWA relèvent de la clause d’exclusion du statut de réfugié y énoncée, laquelle doit, en tant que telle, faire l’objet d’une interprétation stricte, et ne saurait dès lors viser également les personnes qui sont ou ont été seulement éligibles à bénéficier d’une protection ou d’une assistance de cet office. ».
L’alinéa 2 est l’exception en ce qu’il prévoit que la Convention de Genève de 1951 s’applique « de plein droit » lorsque la protection ou l’assistance mentionnée à l’alinéa 1 cesse « pour une raison quelconque, sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé [...] ». Il est une sorte de clause d’inclusion contenue dans une clause d’exclusion du statut des réfugiés. Ainsi, le bénéfice de la Convention de Genève de 1951 pour des personnes bénéficiant de la protection ou de l’assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations Unies autre que le HCR est possible si certaines conditions sont réunies.
Tout d’abord, il faut que la protection ou l’assistance en question cesse. Cette assertion confirme l’impossibilité de cumuler deux systèmes de protection internationale.
Ensuite, la cause de la cessation desdites protection ou assistance n’est pas précisée ; elle est même qualifiée de « quelconque ». Elle pose une question majeure : Le fait de quitter la zone de compétence de l’UNRWA est-elle une cause de cessation de la protection ou de l’assistance de l’UNRWA ?
Aussi, une telle protection ou assistance doit cesser « sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé [...]. ». Un tel règlement est cantonné à des résolutions adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies. Cependant, de telles références ne sont pas explicitement mentionnées.
Tout comme la section D, la section E fait référence à une catégorie spécifique de personnes.
B – La personne considérée par les autorités compétentes du pays de résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité dudit pays
Les personnes visées à la section E sont souvent désignées comme des « nationaux réfugiés ». Historiquement, ladite disposition était destinée aux personnes de nationalité allemande devenues réfugiés suite aux deux guerres mondiales.
Le pays de résidence est très souvent le pays dans lequel une communauté ethnique est déjà établie et concentrée. Aussi, la notion de résidence implique une certaine continuité. Par conséquent, ladite disposition ne vise pas les personnes qui sont simplement de passage dans un Etat.
Cependant, la section E ne fait que mentionner les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité du pays de résidence. Elle ne les énumère pas et ne les définit pas. Elle apparaît, à cet égard, lacunaire.
Les clauses d’exclusion du statut des réfugiés se justifient par le fait que l’image de l’institution de l’asile serait écorchée si des personnes ayant commis des crimes graves bénéficiaient du statut des réfugiés. Il convient alors d’étudier à présent l’exclusion des personnes ne méritant pas la protection de la Convention de Genève de 195110.
II – L’exclusion des personnes ne méritant pas la protection de la Convention de Genève de 1951
D’un point de vue rédactionnel, en ce qu’elle commence par « (L)es dispositions de cette Convention ne seront pas applicables (…). », la section F diffère des sections précédentes11. Elle signifie que la Convention de Genève de 1951 dans son ensemble ne s’applique pas si une clause d’exclusion du statut des réfugiés est remplie12. Précisément, elle prévoit que le texte n’est pas applicable aux personnes pour lesquelles il y a « des raisons de sérieuses de penser » qu’elles ont commis certains actes. Elle contient donc une restriction textuelle. S’il s’agit d’une présomption13 pouvant être renversée par une preuve contraire, elle est vague. Ce d’autant plus que la disposition ne contient aucune liste exhaustive des raisons sérieuses de penser que les actes énoncés aux alinéas a), b) et c) ont été commis. Cependant, dans sa jurisprudence M. A.14, le Conseil d’Etat français a considéré que pour déterminer les raisons sérieuses de penser qu’un individu s’est rendu coupable d’un des actes mentionné à la section F, « il n’est pas possible de procéder par simple déduction du contexte dans lequel il a agi ; il faut que soient rassemblés des éléments matériels et intentionnels spécifiques permettant de le regarder comme personnellement comme ayant contribué à l’exercice de ce crime ou l’ayant facilité ».
La section F est composée de trois points. Cependant, parce qu’il apparaît pour certains que le crime de guerre, le crime contre la paix et le crime contre l’humanité sont des actes contraires aux buts et principes des Nations Unies15, sa formulation peut paraître redondante. Il convient cependant de distinguer les alinéas a) et b) faisant mention des crimes commis (A) et l’alinéa c) (B) se référant aux agissements auxquels la personne s’est rendue coupable16.
A – L’exclusion de personnes ayant commis certains actes
L’alinéa a) est une disposition logique dans la mesure où le texte a été adopté en 1951, après l’engagement des procès des grands criminels de la seconde Guerre mondiale. Elle montre l’apport du droit pénal international au droit international des réfugiés17.
D’un point de vue matériel, les crimes internationaux dont la commission entraîne l’exclusion du statut des réfugiés sont précisément mentionnés. Le crime contre la paix, le crime de guerre et le crime contre l’humanité sont des infractions internationales d’une gravité exceptionnelle. Ils sont définis dans la Convention de Genève de 1951 par le renvoi aux statuts des tribunaux pénaux internationaux (le statut du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie18 et le statut du tribunal pénal international pour le Rwanda19) et le statut de la Cour pénale internationale. En revanche, infraction internationale pourtant autonome20, le crime de génocide est absent de la disposition. Pour certains, cela n’empêche pas qu’il justifie l’exclusion du statut des réfugiés21.
D’un point de vue personnel, la disposition prévoit que les personnes exclues du statut des réfugiés sont celles pour lesquelles il existe des raisons sérieuses de penser qu’elles ont commis un crime international. Il ne semble pas être exigé une démonstration de l’implication personnelle de ces dernières dans la commission dudit crime. La jurisprudence du Conseil d’Etat Ofpra contre M. X.22 présente à ce tire un intérêt. Le Conseil d’Etat retient que « (…) la commission subordonne l’exclusion prévue à l’article 1F de la convention de Genève non à des raisons sérieuses de penser que les personnes ont commis un crime, au sens des instruments internationaux, mais à la démonstration de leur implication dans ces crimes ; que la commission a ainsi entaché sa décision d’une erreur de droit; (…). ». Il cantonne donc l’exclusion du statut des réfugiés aux sérieuses raisons de penser qu’une personne a commis un crime international.
L’alinéa b) est destiné à éviter qu’une personne quitte son pays d’origine dans le seul but d’échapper aux poursuites pénales qu’elle y risque du fait de son acte23. Sa mise en œuvre repose sur la réunion de quatre conditions cumulatives.
Les conditions matérielles portent sur la gravité et le caractère non politique du crime. Tout d’abord, la notion de « crime grave » signifie que n’importe quel crime commis n’entraîne pas une exclusion du statut des réfugiés ; encore faut-il que ledit crime soit d’une certaine gravité. Cependant, aucune précision n’est apportée dans la Convention de Genève de 1951 quant au degré de gravité du crime commis. D’une part, dans sa jurisprudence Siloa Ilandri Dewage24, le Conseil d’Etat retient que le crime visé est une infraction que la loi punit d’une peine très grave. D’autre part, le HCR défend qu’une infraction mineure même si elle est qualifiée de crime ne suffit pas pour la mise en œuvre de la disposition25. Ensuite, la notion de « crime de droit commun » renvoie aux crimes ayant un caractère non politique. Enfin, aucune précision n’est donnée sur le fait de savoir si la personne en question a ou n’a pas été condamnée pour ledit crime26.
Concernant la condition géographique, le crime grave de droit commun doit être commis en dehors du pays d’accueil. Il s’agit là d’une limitation claire qui prohibe que soit exclue du statut des réfugiés une personne ayant commis un crime grave de droit commun sur le territoire du pays d’accueil27. Pourtant, dans sa jurisprudence De Witwicki28, la Commission de recours des réfugiés a estimé qu’est visé par la disposition tant le crime grave de droit commun commis en dehors du pays d’accueil que celui commis dans le pays d’accueil. Mais la position retenue dans la jurisprudence Michalec29 est différente. La Commission de recours des réfugiés conclut qu’« aucune disposition de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 (…) n’autorise le Directeur de l’Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides à retirer ou éventuellement refuser la qualité de réfugié à une personne pour le seul motif qu’elle se serait rendue coupable d’un crime de droit commun, même grave, sur le territoire français. ».
Concernant la condition temporelle, le crime grave de droit commun doit être commis en dehors du pays d’accueil avant que la personne y soit admise comme réfugié. Cette condition suppose que l’intéressé se soit vu reconnaître préalablement la qualité de réfugié sur le fondement de l’article 1 A 2 de la Convention de Genève de 195130.
Les alinéas a et b visent les personnes pour lesquelles il existe des raisons sérieuses de penser qu’elles ont commis certains crimes tandis que l’alinéa c vise les personnes qui se sont rendues coupables de certains agissements.
B – L’exclusion de personnes s’étant rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies
Alors que le crime contre la paix, le crime de guerre ou le crime contre l’humanité de l’alinéa a et le crime grave de droit commun de l’alinéa b renvoient à des notions précises, l’expression « agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. » est large31. La notion même de « buts et principes des Nations Unies » renvoie certainement à la Charte des Nations Unies mais peut également renvoyer aux droits de l’homme que le système des Nations Unies s’engage à promouvoir.
Pour le HCR, cette disposition doit alors être appliquée avec circonspection32. Les buts et principes des Nations Unies sont ceux énoncés dans le Préambule et aux articles 1 et 2 de la Charte des Nations Unies qui régissent la conduite des membres de l’Organisation des Nations Unies dans leur relation entre eux et avec la communauté internationale dans son ensemble. En tant qu’atteinte à la paix et à la sécurité internationales qui sont des buts des Nations Unies, il ne fait pas de doute que les actes de terrorisme sont des agissements contraires aux buts des Nations Unies au sens de la Convention de Genève de 195133. Les questions ne portent pas tant sur le contenu mais davantage sur les auteurs de tels agissements.
D’une part, pour le HCR, il s’agit de personnes ayant participé à l’exercice du pouvoir dans l’Etat34. Ainsi, n’importe quel individu n’est pas considéré comme auteur d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. Dans le cas contraire, cela trouverait difficilement une justification dans la mesure où les membres des Nations Unies auxquels s’appliquent lesdits buts et principes sont les Etats35.
D’autre part, pour la doctrine et la jurisprudence, le simple fait d’appartenir à une organisation terroriste ne suffit pas à entraîner l’exclusion du statut des réfugiés36. Les raisons seront sérieuses de penser qu’une personne s’est rendue coupable d’agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies si un comportement c’est-à-dire un rôle joué lui est imputable37. Ainsi, dans sa jurisprudence M. S38, le Conseil d’Etat a retenu « qu’en déduisant de ces faits, qu’elle a souverainement appréciés au vu des pièces du dossier qui lui était soumis sans commettre de dénaturation, qu’il existait des raisons sérieuses de penser que M. S. s’était lui-même rendu coupable d’actes contraires aux buts et principes des Nations Unies et qu’il les avait encouragés ou couverts de par sa position privilégiée, la Cour nationale du droit d’asile, qui a explicitement recherché s’il y avait des raisons sérieuses de penser que M. S. portait une responsabilité personnelle dans ces agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies, n’a pas commis d’erreur de droit (…) ; ». Aussi, dans l’affaire Elgafaji39, la Cour de justice de l’Union européenne estime que les actes de terrorisme sont « d’une manière générale, et indépendamment de la participation d’un Etat, contraire aux buts et aux principes des Nations Unies. »40 et précise qu’ils « doivent avoir été commis avant de trouver refuge » 41 et qu’il doit exister de « sérieuses raisons de penser » que l’individu concerné s’est livré à ces actes terroristes.
Parties intégrantes de l’article premier de la Convention de Genève de 1951, les clauses d’exclusion du statut des réfugiés participent à la définition du réfugié42. Elles devraient conserver un caractère exceptionnel dans la mesure où la Convention de Genève de 1951 vise à protéger les réfugiés en premier lieu et non à chercher les arguments justifiant qu’une personne ne puisse pas ou ne doive pas se voir octroyer le statut des réfugiés43.
1 COMBARNOUS Michel, « Les clauses d’exclusion et de cessation de la qualité de réfugié dans la jurisprudence de la Commission des recours des réfugiés en France », in CHETAIL Vincent dir., La Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés 50 ans après : bilan et perspectives, Bruxelles, Bruylant, 2001, 456 p., pp. 367-395, p. 367 : « (…) articles 1 D à 1 F qui excluent du bénéfice de la Convention certaines catégories de personnes. ».
2 KINGSLEY NYINAH Michael, « Exclusion Under Article 1F: Some Reflections on Context, Principles and Practice », IJRL, vol. 12, Special Supplementary, pp. 295-316, p. 296: « Article 1F is underpinned by the idea that certain persons do not deserve protection as refugees by reason of serious transgressions committed, in principle, prior seeking asylum. ».
3 Ibid., « It is interesting to consider that Articles 1D and 1E exclude from refugee protection persons whose need for international protection is already being addressed under some international dispensation other than the refugee regime, or who are entitled to some form of national protection. By contrast the basis for exclusion under Article 1F is the asylum seeker’s culpability for grave acts of offences, and not the availability of alternative protection. ».
4 GRECIANO Philippe, « Vers un espoir de paix au Proche-Orient ? L’application inespérée de l’article 1 D de la Convention de Genève », Gazette du Palais, du 31 décembre 2008 au 3 janvier 2009, 129ème année, pp. 11-13, p. 12 : A propos de la section D, « la raison de la non protection est l’existence d’une autre protection ».
5 Résolution n° 428 (v) de l’assemblée générale du 14 décembre 1950, Statut du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Chapitre 1 – Dispositions d’ordre général, 1.
6 BEIGBEDER Y., Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Paris, PUF, 1999, 127 p., p. 17.
7 Les travaux préparatoires de la Convention de Genève de 1951 confirment que la section D visait particulièrement les réfugiés palestiniens cf. GRECIANO P., « Vers un espoir de paix au Proche-Orient ? L’application inespérée de l’article 1 D de la Convention de Genève », Op. cit., p. 12.
8 COMBARNOUS M. , « Les clauses d’exclusion et de cessation de la qualité de réfugié dans la jurisprudence de la Commission des recours des réfugiés en France », in CHETAIL V. dir., La Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés 50 ans après : bilan et perspectives, Op. cit., p. 379 : « Les Palestiniens se trouvant hors de cette zone ne peuvent donc se voir opposer cette clause d’exclusion, (…). ».
9 CJCE, 17 juin 2010, Nawras Bolbol c. Bevandorlasi es Allampolgarsagi Hivatal, Aff. C-31/09.
10 KINGSLEY NYINAH M., « Exclusion Under Article 1F: Some Reflections on Context, Principles and Practice », Op. cit., p. 297: « (…) the exclusion clauses reflect the notion that a person may not claim a benefit or a privilege if she or he has violated some basic standard of lawful behaviour. »; KWAKWA E. , « Article 1F(c): Acts Contrary to the Purposes and Principles of the United Nations », IJRL, 2000, vol. 12, Special Supplementary, pp. 79-91, p. 82: « In interpreting and applying the exclusion clauses, the primary consideration for decision-makers should be to ensure that everyone who deserves protection gets it. »; MESA R. et MARMIN S. , « Retour sur une cause d’exclusion de la qualité de réfugié : la suspicion de complicité de génocide », AJDA, 2010, p. 1992 : « (…), pour plusieurs raisons énumérées à l’article 1er F de la convention de Genève de 1951, certaines personnes sont jugées indignes de recevoir une protection internationale. » ; CHETAIL V., « Théorie et pratique de l’asile en droit international classique : études sur les origines conceptuelles et normatives du droit des réfugiés », RGDIP, 2011, T. 115, n° 3, pp. 625-652, pp. 627-634 : L’étude de la définition du réfugié c’est-à-dire des clauses d’inclusion du statut des réfugiés d’une part et des clauses d’exclusion et de cessation du statut des réfugiés d’autre part inscrite à l’article 1 de la Convention de Genève de 1951 résulte de la distinction formulée par la doctrine entre « l’étranger innocent » et « l’étranger coupable » et LALY CHEVALIER C. et CHETAIL V., Asile et extradition : théorie et pratique de l’exclusion du statut de réfugié, Paris, Mission de recherche Droit et Justice, 2013, 13 p. (Note de synthèse), p. 2 : « L’exclusion consiste (…) à refuser la protection internationale accordée aux réfugiés aux auteurs d’actes considérés comme tellement graves qu’ils sont jugés indignes de bénéficier d’une protection alors qu’ils seraient pourtant susceptibles d’en bénéficier. ».
11 KINGSLEY NYINAH M., « Exclusion Under Article 1F: Some Reflections on Context, Principles and Practice », Op. cit., p. 298, note de bas de page n° 6: « The opening phrase ‘(t)he provisions of this Convention shall not apply…’ differs from the opening phrases of Articles 1C, 1D and 1E ‘This Convention shall not apply…’. ».
12 Ibid., pp. 304 et 305: « As the argument goes, these words should be read to mean that the entire Convention, including Article 1A, is rendered inoperative if exclusion is established. It is therefore claimed that inclusion under Article 1A cannot be inquired into until it has been determined (through an examination of the applicant’s excludability), whether or not the refugee criteria and the other provisions of the Convention can be applied. ».
13 ALLAND D., « Le dispositif international du droit d’asile », in Droit d’asile et des réfugiés. Colloque de la SFDI à Caen, Paris, Pedone, 1997, 379 p., pp. 13-81, p. 50.
14 CE, 14 juin 2010, M. A., n° 320630.
15 HCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, Genève, HCR, janvier 1992, HCR/1P/4/FRE/REV.1, 67 p., p. 28, n° 158.
16 KINGSLEY NYINAH M., « Exclusion Under Article 1F: Some Reflections on Context, Principles and Practice », Op. cit., p. 298, note de bas de page n° 6: « (…) whereas Articles 1F(a) and (b) begin with ‘…he has committed…’, Article 1F(c) opens with ‘he has been guilty of’. ».
17 LALY CHEVALIER C. et CHETAIL V. , Asile et extradition : théorie et pratique de l’exclusion du statut de réfugié, Op. cit., p. 9 : « (…) plusieurs analogies entre le droit pénal international et la clause d’exclusion ont été mises à jour. ».
18 CSNU, 25 mai 1993, RES 827.
19 CSNU, 8 novembre 1994, RES 955.
20 Le crime de génocide est défini à l’article 6 du Statut de la Cour pénale internationale, à l’article 2 du Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda et à l’article 4 du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Il est donc une infraction internationale distincte des autres infractions internationales que sont le crime contre l’humanité, le crime de guerre et le crime d’agression.
21 MESA R. et MARMIN S., « Retour sur une cause d’exclusion de la qualité de réfugié : la suspicion de complicité de génocide », Op. cit., p. 1992 : « Bien que le crime de génocide ne figure pas explicitement dans cette liste qui a été élaborée principalement en référence à l’accord de Londres de 1945 et au statut du tribunal militaire international de Nuremberg de 1946 (HCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la convention de 1951 et du protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, para. 150), il doit être considéré comme un crime international excluant le bénéfice de la qualité de réfugié. ».
22 CE, 18 janvier 2006, Ofpra c. M. X., n° 255091.
23 LALY CHEVALIER C. et CHETAIL V., Asile et extradition : théorie et pratique de l’exclusion du statut de réfugié, Op. cit., p. 9 : « (…) souci de protéger le pays d’accueil des criminels de droit commun qui cherchaient à obtenir le statut de réfugié pour échapper à une condamnation pénale légitime dans leur pays d’origine. ».
24 CE, 28 février 2001, Siloa Ilandri Dewage.
25 HCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, Op. cit., p. 28, n° 155 et HCR, Observations du HCR sur la proposition de la Commission européenne de décision-cadre du Conseil relative à la lutte contre le terrorisme (COM (2001) 521 final 2001/0217 (CNS)), 1er novembre 2001, p. 1, pt. 3 : « dans le contexte de l’article 1 F b de la Convention de 1951, la nature sérieuse et grave de l’infraction doit être clairement établie. ». Document disponible à l’adresse suivante www.refworld.org/docid/3fa7ab0c4.html et consulté le 27 mai 2014.
26 ALLAND D., « Le dispositif international du droit d’asile », in Droit d’asile et des réfugiés. Op. cit., p. 53 où selon l’auteur, la condamnation de la personne pour un crime grave de droit commun n’est que présumée.
27 COMBREXELLE J.-D., « La commission d’un crime sur le territoire de l’Etat d’accueil ne fait pas obstacle à la reconnaissance de la qualité de réfugié », RFDA, 1999, p. 491.
28 CRR, 14 octobre 1950, De Witwicki, n° 664.
29 CRR, 1er avril 1955, Michalec, n° 635.
30 AMARASINHA S. D. and ISENBECKER M., « Terrorism and the Right to Asylum under the 1951 Convention and the 1967 Protocol Relating to the Status of Refugees – A Contradiction in Terms or Do Opposite Attract », Nordic JIL, 1996, vol. 65, n° 2, pp. 223-240, p. 229: « (…) application of Article 1 F, b requires that the applicant in question is covered by Article 1 A of the Convention and in consequence hereof entitled to protection as a refugee under the Convention. ».
31 KINGSLEY NYINAH M., « Exclusion Under Article 1F: Some Reflections on Context, Principles and Practice », Op. cit., p. 309: « Article 1F(c) is ambiguously framed. » et « The ground covered by the United Nation’s purposes and principles is potentially very broad, and overlaps with the other sub-clauses of Article 1F. ».
32 HCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, Op. cit., p. 29, n° 163.
33 HCR, Observations du HCR sur la proposition de la Commission européenne de décision-cadre du Conseil relative à la lutte contre le terrorisme (COM (2001) 521 final 2001/0217 (CNS)), 1er novembre 2001, p. 1, pt. 2 : « Bien qu’il n’y ait aucun lien évident entre le contenu du projet de décision-cadre et la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, des critères reconnus au niveau international pour caractériser certains actes comme « infraction de terrorisme » peuvent être applicables à l’interprétation et à l’application de ce que l’on appelle les « clauses d’exclusion » dans la définition du réfugié d’après la Convention de Genève de 1951.». Document disponible à l’adresse suivante www.refworld.org/docid/3fa7ab0c4.html et consulté le 27 mai 2014 et CHAMPEIL-DESPLAT V., « Les conséquences du 11 septembre 2001 sur le droit des étrangers : perspective comparative », LGP, 2003, n° 294, pp. 12-18, p. 15 : « Quelques jours après le 11 septembre, certains Etats ont invoqué cet article contre les demandeurs d’asile suspectés de terrorisme. ».
34 HCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, Op. cit., p. 42, para. 163.
35 KWAKWA Edward, « Article 1F(c): Acts Contrary to the Purposes and Principles of the United Nations », Op. cit., p. 85: « (…) the purposes and principles of the United Nations are primarily addressed to States, (…). ».
36 GILBERT G., « The Protection of Refugees in International Law Post September 11 2001 », YIHL, 2003, vol. 6, pp. 389-408 et LABAYLE H., « Le droit européen de l’asile devant ses juges : précisions ou remise en question », RFDA, 2011, pp. 273-290 où l’auteur fait état que non seulement la simple appartenance à une organisation terroriste (note de bas de page n° 44) ou l’inscription sur une liste anti-terroriste de l’Union européenne (note de bas de page n° 46) ne suffisent pas pour l’exclusion du statut des réfugiés.
37 LABAYLE H., « Le droit européen de l’asile devant ses juges : précisions ou remise en question », RFDA, 2011, pp. 273-290, p. 278 : « Pour conclure à l’exclusion, l’autorité compétente doit pouvoir imputer à la personne concernée une part de responsabilité individuelle pour des actes commis par l’organisation en cause durant la période où elle était membre, en prenant en compte différents facteurs. ».
38 CE, 21 octobre 2011, M. S., n° 336576.
39 CJUE, Gde chbre, 17 février 2009, Meki Elgafaji et Noor Elgafaji c. Staatsecretaris van justicie, Aff. C-465/07.
40 Ibid., pt. 83.
41 Ibid., pts. 100 à 105.
42 KINGSLEY NYINAH M., « Exclusion Under Article 1F: Some Reflections on Context, Principles and Practice », Op. cit., pp. 299-300: « Inclusion and exclusion are integral aspects of a refugee claim, and both should be duly considered as part of a comprehensive examination of all relevant facts. ».
43 Ibid., p. 305: « The central object of the 1951 Convention is to protect those in need. The primary goal of refugee status determination procedures should not be to detect criminals, but to identify those vulnerable victims to whom international protection is due. ».
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