Article 15
Droits d'association
Les Etats contractants accorderont aux réfugiés qui résident régulièrement sur leur territoire, en ce qui concerne les associations à but non politique et non lucratif et les syndicats professionnels, le traitement le plus favorable accordé aux ressortissants d'un pays étranger, dans les mêmes circonstances.
Commentaire
Auteur : Baïna Ubushieva, doctorante, CRDEI, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016
Les rédacteurs de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés (ci-après la Convention) se sont efforcés de prévoir la protection la plus ample des individus relevant du champ d’application de l’article premier de ladite Convention. Ainsi, cette Convention offre non seulement des droits qui s’exercent individuellement, mais encore des droits qui s’exercent collectivement. L’exemple d’un tel droit nécessitant un exercice collectif est le droit d’association énoncé dans l’article 15 de la Convention.
Aux termes de cet article, les États contractants ont une obligation d’accorder aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire « un traitement le plus favorable accordé aux ressortissants d’un pays étranger dans les mêmes circonstances » en ce qui concerne les associations à but non politique et non lucratif et les syndicats professionnels.
L’importance de l’insertion de cet article dans la Convention se conçoit à travers l’importance que peut revêtir ce droit dans la vie d’un réfugié. En effet, étant privé de son pays, de sa culture, voire même de sa religion, le réfugié se trouve dans une situation de vulnérabilité et il est alors logique qu’il cherche à rejoindre des associations appropriées à ses besoins dans le pays d’accueil. Cela contribue ainsi à compenser l’effet d’« isolation »1 qu’un réfugié peut subir.
L’importance de ce droit2, reconnu par ailleurs comme l’un des droits fondamentaux de l’Homme, se manifeste également dans la protection qui lui est accordée par divers instruments internationaux. Ainsi, avant d’être inséré dans des instruments généraux de protection des droits de l’Homme3, le droit d’association était protégé par des instruments dédiés spécifiquement à la protection des réfugiés. L’on peut rappeler à cet effet l’article 11 de la Convention de 1933 ainsi que l’article 14 de la Convention de 1938 dont les champs d’application étaient plus restreints que celui de l’article 15 de la Convention de 1951 car lesdits articles ne prévoyaient le droit d’association des réfugiés que pour l’assistance mutuelle.
Le droit d’association prévu par l’article 15 comporte deux volets : positif et négatif. En ce qui concerne le volet positif, il confère aux réfugiés non seulement le droit d’adhérer aux associations et syndicats professionnels préexistants, mais également le droit de les former. A cet égard, il est nécessaire de rappeler que ces associations peuvent avoir pour objet spécifique la protection des réfugiés dans le pays d’accueil4, mais pas uniquement. S’agissant du volet négatif, il offre au réfugié le droit de ne pas faire partie d’une quelconque association ou syndicat professionnel dans le pays d’accueil.
Dès lors, l’article 15 consacre pour le réfugié résidant régulièrement sur le territoire de l’État contractant (I) le droit d’adhérer ou non aux associations à but non politique et non lucratif ainsi qu’aux syndicats professionnels (II) et de bénéficier à cet égard du traitement approprié selon les termes de l’article en cause (III).
I. Le champ d’application personnel
A la lecture de la Convention, on observe qu’elle contient cinq niveaux d’attachement du réfugié à l’État dans lequel il se trouve5. A cet égard l’on peut observer la constante suivante : plus les relations du réfugié avec l’État d’accueil sont solides, plus le nombre de droits qu’il acquiert en vertu de cette Convention6 augmente.
En ce qui concerne le droit d’association les rédacteurs de la Convention ont opté pour la formule « réfugiés qui résident régulièrement sur leur territoire ». Ainsi, l’on peut remarquer que l’exercice du droit d’association protégé par l’article litigieux n’appartient pas à tous les réfugiés, mais est réservé uniquement aux réfugiés « qui résident régulièrement »7 sur le territoire de l’État contractant accueillant le réfugié. Une telle limitation signifie alors que le droit d’association est accordé aux réfugiés qui séjournent sur le territoire de l’État d’accueil en étant en conformité avec les normes pertinentes relatives au droit de séjour dudit État. Autrement dit, à la différence de l’expression « résidence habituelle », la résidence régulière évoquée n’exige pas du réfugié une certaine durée de séjour sur le territoire du pays d’accueil. Dès lors, mêmes les réfugiés, dont la résidence est temporaire sur le territoire de l’État concerné, bénéficient du droit d’être membre ou non d’une association ainsi que de la former. Toutefois, toutes les associations ne sont pas visées, seules certaines ont été retenues.
II. Le champ d’application matériel
En ce qui concerne le champ d’application ratione materiae, l’article 15 limite le droit d’association des réfugiés, dont la résidence est régulière sur le territoire de l’État d’accueil, aux associations à but non politique et non lucratif ainsi qu’aux syndicats professionnels. Par conséquent, l’article 15 ne confère pas aux réfugiés de droit d’être membre ou non d’une association à but politique et lucratif.
Ainsi, en l’absence de clarification donnée par les travaux préparatoires à la Convention et à défaut de la définition donnée par son interprète authentique8, les autorités de l’État d’accueil du réfugié se baseront sur le droit national afin de définir les associations en cause. S’agissant des associations à but non politique, sont visées les associations ayant pour but des activités autres que celles qui sont directement ou indirectement liées au processus politique. Autrement dit, peuvent être autorisées par l’article 15 les associations ayant des fins sociales, culturelles, religieuses. En revanche, le réfugié ne semble pas pouvoir créer ou adhérer à un parti politique.
S’agissant des associations à but non lucratif, le Secrétaire Général dans son commentaire de la Convention9 avait précisé que sont considérées comme étant associations à but non lucratif celles qui « poursuivent les buts culturels, sportifs, sociaux ou philanthropiques, par opposition à des associations « à gain pécuniaire » dont le but est la réalisation des bénéfices ».
Concernant les syndicats professionnels, les réfugiés ont le droit de créer ou d’adhérer aux associations de salariés dont l’objectif commun constitue la représentation des intérêts liés à leur travail.
Dès lors, l’article 15 permet aux réfugiés concernés de rejoindre les associations mentionnées et avoir à cet égard le traitement approprié. Il convient, par conséquent, d’analyser le traitement accordé aux réfugiés par l’application de cet article.
III. Le traitement accordé aux réfugiés résidant régulièrement sur le territoire de l’État contractant
En vertu de l’article 15 les réfugiés qui résident régulièrement sur le territoire d’un État contractant bénéficient d’un « traitement le plus favorable accordé aux ressortissants d’un pays étranger dans les mêmes circonstances »10.
Ainsi, si la Convention prend soin de distinguer le réfugié de l’étranger, elle les assimile dans cet article en prévoyant que le réfugié devra bénéficier à cet égard d’un traitement le plus favorable que le pays d’accueil accorde aux étrangers sur son territoire. Il s’en suit que le réfugié devra bénéficier de tous les avantages et privilèges octroyés par l’État contractant à un ressortissant étranger se trouvant dans les mêmes circonstances.
Selon Michael TEICHMANN11 , ces avantages peuvent provenir tant de normes nationales que de normes bilatérales, régionales ou internationales. Suivant cette logique, un réfugié, se trouvant sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne, pourrait a priori être assimilé par les autorités nationales à un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne et non à un ressortissant d’un État tiers à l’Union européenne. Dans une telle hypothèse le réfugié bénéficierait alors de tous les avantages et privilèges relatifs au droit d’association conformément à l’article 15.
1 HATHAWAY, James C., The rights of refugees under international law, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2005, p. 875.
2 Bien que ce droit soit important, l’on remarque qu’il peut être soumis à des réserves conformément à l’article 42 de la Convention. A ce jour, 16 États contractants ont émis des réserves à l’article 15. Voir sur ce point : TEICHMANN, Michael, « Article 15. (Right of Association/ Droit d’Association », in ZIMMERMANN, Andreas (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, p. 919 et s.
3 Parmi de tels instruments l’on peut mentionner, par exemple, l’article 20 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’article 8 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme, l’article 5 de la Charte sociale européenne, l’article 12 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
4 Les exemples de telles organisations des réfugiés peuvent être trouvés dans l’ouvrage de HATHAWAY, J. C., ibid., p. 876 et s.
5 Pour plus d’information consulter : TEICHMANN, M. « Article 15. (Right of Association/ Droit d’Association », in ZIMMERMANN, A. (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, op. cit., p. 922.
6 Ibidem.
7 Cette formule souleva plusieurs controverses lors de la rédaction de la Convention. L’objet de discussions constitua ainsi les différences linguistiques de l’expression « réfugiés qui résident régulièrement sur leur territoire », en anglais « lawfully staying in their territory ».
8 Selon l’article 38 de la Convention de Genève c’est la Cour internationale de Justice qui est compétente pour les questions d’interprétation de la Convention.
9 Comité spécial de l’apatridie et des problèmes connexes, UN Doc. E/AC 32/2 Annexe (1950), p. 28.
10 Pour plus de précisions sur l’expression « dans les mêmes circonstances » voir l’article 6 de la Convention.
11 TEICHMANN, M., « Article 15. (Right of Association/ Droit d’Association », in ZIMMERMANN, A. (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, op. cit., p. 926.
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