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Article 26

Liberté de circulation

Tout Etat contractant accordera aux réfugiés se trouvant régulièrement sur son territoire le droit d'y choisir leur lieu de résidence et d'y circuler librement sous les réserves instituées par la réglementation applicable aux étrangers en général dans les mêmes circonstances.

Commentaire

Auteur : Francette Fines, Professeur, Université de La Rochelle
Date de publication : Mars 2016

 

Cet article 26 relatif à la liberté de circulation des réfugiés garantit ce qui s’apparente à un droit d’intégration1 dans les États d’accueil que ces derniers ont l’obligation de reconnaître. Cet article a été repris à l’article 26 de la Convention du 28 septembre 1954 sur le statut des apatrides. La liberté de circulation est aussi protégée comme droit de l’homme par d’autres textes internationaux, tels l’article 12 du Pacte international sur les droits civils et politiques ou l’article 2 du protocole n° 4 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Alors que cette liberté était garantie par la Convention du 10 février 1938 dans son article 2, elle n’avait pas été incluse dans les premières versions de la Convention de 1951, comme l’ont déploré les représentants belge et français qui ont insisté pour une telle inclusion.

I- Un droit garanti aux réfugiés « se trouvant régulièrement » sur le territoire étatique

La difficulté est de déterminer, pour l’État d’accueil, ce qu’il doit entendre par réfugiés « se trouvant régulièrement sur son territoire », formule que l’on rencontre aussi à l’article 18 de la Convention. Alors que le champ d’application de cette disposition a été discuté au fil des négociations de la Convention de 1951, c’est la proposition moins restrictive formulée par la France qui va être largement acceptée et reprise dans le texte de la Convention. Ainsi, puisque d’autres articles de la Convention se réfèrent à des réfugiés « résidant régulièrement », verbe qui implique que les réfugiés bénéficient d’une situation plus assurée, la doctrine2 a pu en déduire que l’article 26, qui se contente de faire référence à des réfugiés « se trouvant régulièrement », va concerner non seulement ceux qui se sont vus reconnaître le statut de réfugiés, mais aussi des demandeurs d’asile (au moins ceux qui se trouvent régulièrement sur le territoire étatique).

Cette situation paraît donc opposée à celle visée à l’article 31, lequel s’applique aux « réfugiés en situation irrégulière dans le pays d’accueil », puisque l’État pourra restreindre les déplacements de ces derniers. Il convient néanmoins de remarquer que les États contractants, aux termes du § 2 de cet article 31, ne devront appliquer aux déplacements de tels réfugiés « d’autres restrictions que celles qui sont nécessaires ».

II- Le libre choix du lieu de résidence

Le pouvoir de choisir librement sa résidence à l’intérieur du pays d’accueil s’accompagne en même temps du droit d’en changer. Plus fondamentalement, cela signifie que le réfugié a le droit de vivre dans l’État qui lui accorde sa protection. En réalité, dans un certain nombre de pays, les réfugiés vont être souvent installés dans des camps dont il sera souvent difficile de sortir3. Pourtant, selon l’article 21, « En ce qui concerne le logement, les États Contractants accorderont […] aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire un traitement aussi favorable que possible […] ».

La jouissance complète de cette liberté peut ne concerner que les personnes qui se sont vues reconnaître le statut de réfugié. Ainsi, la Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil de l’Union du 26 juin 2013, qui a trait aux procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, prend soin de préciser que « Les demandeurs sont autorisés à rester dans l’État membre, aux seules fins de la procédure, jusqu’à ce que l’autorité responsable de la détermination se soit prononcée […]. Ce droit de rester dans l’État membre ne constitue pas un droit à un titre de séjour ».

Il convient d’ajouter que le Haut-Commissariat aux Réfugiés a mis en place une action en vue de favoriser la « réinstallation » des réfugiés, définie comme « la sélection et le transfert de réfugiés d’un État dans lequel ils ont cherché une protection vers un autre État qui accepte de les accueillir, comme réfugiés avec un statut de résident permanent »4. De leur côté, les États de l’Union européenne, confrontés à un afflux massif de réfugiés, se sont mis d’accord lors du Conseil du 22 septembre 2015, pour procéder à une répartition de 120 000 réfugiés entre eux.

III- La liberté de se déplacer à l’intérieur du pays d’accueil

Cet article ne concerne que le droit d’effectuer des déplacements, pour quelques motifs que ce soit, professionnel ou personnel, à l’intérieur de l’État d’accueil ; il convient alors de différencier avec le droit accordé par l’article 28 relatif à l’octroi de titres de voyage pour permettre au réfugié de se rendre dans un autre État.

Il est intéressant de signaler que la Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, en date du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, opère une distinction à cet égard, puisqu’elle reconnaît aux demandeurs le droit de « circuler librement sur le territoire de l’État membre d’accueil ou à l’intérieur d’une zone qui leur est attribuée par cet État membre ».

IV- Des restrictions limitées à celles applicables aux étrangers dans les mêmes circonstances

Cette disposition doit être rapprochée de l’article 7(1) selon lequel « […], tout État contractant accordera aux réfugiés le régime qu’il accorde aux étrangers en général ». C’est donc un principe d’égalité ou de non-discrimination entre les réfugiés et les étrangers qui doit prévaloir dans chaque État d’accueil, principe que l’on retrouve aussi dans d’autres articles de la Convention, tels les articles 17 ou 22. Ainsi, l’État d’accueil ne peut en principe imposer des limites spécifiques aux déplacements des réfugiés, qui ne concerneraient donc pas les autres étrangers5. En même temps, et a contrario, cet article doit être interprété comme reconnaissant aux États le pouvoir d’instituer des restrictions, certes non discriminatoires, à l’encontre des réfugiés, visant par exemple la protection de l’ordre public.

On remarquera néanmoins que l’État a la possibilité de restreindre cette liberté aux fins d’identifier le demandeur d’asile. Ainsi, la Cour E.D.H., dans son arrêt de Grande chambre dans l’Affaire Saadi c. Royaume-Uni, a considéré que la faculté pour les États de placer en détention des candidats à l’immigration ayant sollicité – par le biais d’une demande d’asile ou non – l’autorisation d’entrer dans le pays est un corollaire indispensable du droit de contrôler souverainement l’entrée et le séjour des étrangers6.

 

1 DA COSTA, R., « Rights of Refugees in the Context of Integration: Legal Standards and Recommendations », Legal and Protection Policy Research Series, 1 June 2006, n° 12, p. 156-164.

2 MARX, R., « Article 26 », In : ZIMMERMANN, A. (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, New York, Oxford University Press, Collection Oxford commentaries on international law, 2011, p. 1147-1164.

3 HATHAWAY, J.C., The rights of refugees under international law, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2005, p. 695-719.

4 V. le Manuel de réinstallation du HCR, édition révisée juillet 2011.

5 GRAHL-MADSEN, A., The status of refugees in international law: Asylum entry and sojourn, Vol. 2, Leiden, Sijthoff, 1972, p. 415-428.

6 Cour EDH, Grande chambre, 29 janvier 2008, Saadi c. Royaume-Uni, Req. n° 13229/03, §64.


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  • Le droit des réfugiés: Entre droits de l'homme et gestion de l'immigration
  • The rights of refugees under international law
  • Asylum and integration in member states of the EU: integration of recognized refugee families as defined by the Geneva Convention considering their status with respect to the law of residence
  • The status of refugees in international law : Asylum, entry and sojourn
  • Convention relating to the status of refugees : its history, contents and interpretation : a commentary

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  • Article 26 1951 Convention
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  • Saadi c. Royaume-Uni