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Article 36

Renseignements portant sur les lois et règlements nationaux

Les Etats contractants communiqueront au Secrétaire général des Nations Unies le texte des lois et des règlements qu'ils pourront promulguer pour assurer l'application de cette Convention.




Commentaire

Auteur : Damien Elkind, doctorant, CRDEI, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016

L’article 36 fait partie du Chapitre VI de la Convention de 1951 qui porte pour titre « Mesures d’Exécution et Transitoires ». Le chapitre VI comprend également les articles 35 (Coopération des Autorités Nationales avec les Nations Unies) et 37 (Relations avec les Conventions Antérieures) de la Convention.

L’article 36 fait obligation aux Etats Contractants de communiquer au Secrétaire général des Nations Unies les lois et les règlements qu’ils entendent adopter pour assurer l’application de la Convention. Cet article assure une double fonction. Il permet au Secrétariat général des Nations Unies d’être tenu informé en continu de la conformité des législations nationales aux dispositions de la Convention. Il constitue à ce titre un mécanisme permettant de suivre le respect par les Etats contractants de leurs obligations et, éventuellement, de présenter aux Etats des observations avant l’entrée en vigueur de leur législation. Par ailleurs, les travaux préparatoires indiquent que l’enjeu principal de la rédaction actuelle de l’article 36 était de permettre aux Etats contractants de se conformer aux obligations de la Convention postérieurement à sa ratification ou à leur adhésion.

On remarquera que ni la Convention de Montevideo de 1933 sur l’asile politique, ni la Convention de 1938 concernant le statut des réfugiés provenant d’Allemagne ne contenaient de dispositions comparables à celles de l’article 36. En revanche, des dispositions similaires sont présentes dans la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, ainsi que dans les quatre Conventions de Genève (Convention pour l’amélioration du sort des blessés et des malades des forces armées en campagne ; Convention pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer; Convention relative au traitement des prisonniers de guerre ; Convention relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre). De manière générale, les dispositions de l’article 36 de la Convention peuvent être rapprochées du principe pacta sunt servanda.

Le premier projet de rédaction de ce qui deviendra l’article 36 différait sensiblement du texte actuel. Il s’agissait d’un rappel aux Etats de leur obligation de se conformer, dans un délai raisonnable, aux dispositions de la Convention par l’adoption, conformément à leurs règles constitutionnelles, de toute mesure jugée nécessaire à cette fin1.

Ce texte entraina la réaction de certains Etats qui craignaient de voir les Etats contractants utiliser cette disposition pour échapper à leurs obligations. Les représentants du Royaume-Uni faisaient notamment valoir que l’adhésion à un traité ou sa ratification par un Etat implique la mise en conformité préalable de sa législation aux dispositions de la Convention. Dans le cas contraire, les Etats Contractants sont virtuellement dans une situation d’inégalité les uns vis-à-vis des autres relativement au respect de leurs obligations conventionnelles. La position du Royaume-Uni était éminemment problématique pour les Etats dont la tradition constitutionnelle veut que la ratification ou l’adhésion à un traité constitue une phase préalable à son application en droit interne.

Le compromis fut trouvé avec la proposition d’amendement présentée par les Pays-Bas et reprise en substance par l’actuel article 362. Au rappel de l’obligation faite aux Etats de conformer leur législation interne aux dispositions de la Convention, est substituée une obligation de communiquer au Secrétaire général des Nations Unies le texte des lois et des règlements nationaux visant à mettre en œuvre la Convention. La proposition hollandaise cherche à équilibrer les différents intérêts en jeu. Elle permet aux Etats qui ont pour tradition de conformer leur législation à une Convention internationale postérieurement à leur adhésion ou à sa ratification de continuer à le faire ; et dans le même temps, elle donne des garanties aux Etats qui craignaient de voir la disposition utilisée par certains Etats pour échapper à leurs obligations.

L’article 42 de la Convention interdit aux Etats Contractants d’exprimer des réserves sur l’article 36.
L’article 36 ne fait par ailleurs l’objet d’aucune déclaration.

L’article 36 recoupe partiellement d’autres dispositions de la Convention de 1951. Il reprend en partie les dispositions de l’article 35, para. 2 (b). Les deux dispositions font peser sur les Etats contractants l’obligation de notifier les mesures nationales adoptées pour mettre en œuvre la Convention de 1951. L’article 36 fixe cependant des obligations plus précises que l’article 35, para. 2 (b). Alors que ce dernier ne prévoit qu’une obligation de fournir les informations relatives à la mise en œuvre de la Convention, l’article 36 vise expressément la communication des textes des lois et des règlements adoptés en application de la Convention.

L’article 36 recoupe également en partie les dispositions de l’article 35, para. 2 (c) qui impose aux Etats de communiquer des informations relatives à la législation nationale (lois, règlements, décrets) en vigueur relative aux réfugiés. On peut cependant voir une différence entre ces deux dispositions dans le fait que l’article 36 se réfère aux mesures nationales qui pourront être adoptées dans le futur, alors que le texte de l’article 35, para 2 (c) se réfère également aux mesures déjà en vigueur. La nature des informations à communiquer n’est pas non plus exactement la même, puisque l’article 36 vise le texte des lois et des règlements qui seront pris en application de la Convention, alors que l’article 35, para. 2 (b) concerne un devoir plus général d’information sur les dispositions législatives nationales relatives aux réfugiés.

Enfin alors que l’article 36 prévoit une communication automatique des informations au Secrétaire général des Nations Unies, les communications prévues par l’article 35, par. 2 (b) et (c) sont faites à destination du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et uniquement à sa demande. Dans la pratique, c’est cependant le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés qui reçoit l’ensemble des communications prévues par les articles 36 et 35, para. 2 (b) et (c).
L’article 41 de la Convention portant pour titre « Clause Fédérale » peut également être rapproché des dispositions de l’article 36. L’article 41 (c) prévoit une obligation pour les Etats fédéraux parties à la Convention de communiquer, à la demande de tout autre Etat contractant, un exposé de la législation et des pratiques en vigueur relatives à la Convention, tant au niveau de la fédération que dans ses unités constituantes.

L’obligation de notification qui pèse sur les Etats parties en vertu de l’article 36 de la Convention est une obligation continue. Plusieurs des droits garantis par la Convention admettent différents standards de traitement des réfugiés et revêtent donc un caractère évolutif. Tout en conformant sa législation aux dispositions de la Convention au moment de son entrée en vigueur, un Etat partie peut ultérieurement décider d’adopter un nouveau standard de traitement. A priori, ces changements entrent dans le champ d’application de l’article 36 et ils doivent, par conséquent, être communiqués au Secrétaire général des Nations Unies.

La référence aux lois et règlements qui doivent être notifiés doit s’entendre dans son sens le plus large, comme tout instrument juridique adopté par les autorités législatives ou exécutives entretenant un rapport avec l’application de la Convention. Il ne s’agit donc pas pour les Etats de communiquer une fois pour toutes les dispositions de leur droit interne adoptées au moment de l’entrée en vigueur de la Convention. L’application de la Convention doit être assurée dans la durée. L’obligation de communication vise alors toutes les mesures de droit interne qui pourront intervenir dans le champ d’application de la Convention, même ultérieurement à sa ratification et même si celles-ci ne visent pas spécifiquement à la mettre en œuvre.

Sur la base des informations reçues en vertu de l’article 36 et de l’article 35 de la Convention, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés peut présenter aux Etats ses observations sur les projets de législation qui lui sont soumis ainsi que sur les législations déjà entrées en vigueur. Ces deux articles constituent la base juridique de la fonction de supervision remplie par le Haut Commissaire. Cette fonction de supervision connait cependant des limites lorsque les Etats ne notifient pas les textes des projets de lois et de règlements dans des délais suffisant pour permettre au Haut Commissaire de formuler ses observations3 ou bien en l’absence de tout aménagement de la législation interne d’un Etat pour faire application de la Convention4.

 

1 A/CONF. 2/1 : « Each of the Contracting States shall, within a reasonable time and in accordance with its constitution, adopt legislative or other measures to give effect to the provisions of this Convention, if such measures are not already in effect ».

2 A/CONF. 2/86 : Each of the Contracting States shall communicate to the Secretary-General of the United Nations the laws and regulations which it may adopt to ensure the application of this Convention ».

 

3 UNHCR ExCom, UN Doc. A/AC.96/951 (2001), para. 114.

4 UNHCR SCIP, UNHCR EC/SCP/54 (1989), para. 13.


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