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Article 45

Révision

1. Tout Etat contractant pourra en tout temps, par voie de notification adressée au Secrétaire général des Nations Unies, demander la révision de cette Convention.

2. L'Assemblée générale des Nations Unies recommandera les mesures à prendre, le cas échéant, au sujet de cette demande.

Commentaire

Auteur : Clémentine Mazille, Maître de conférences, UPPA              
Date de publication : Mars 2016

L’article 45, comme nombre des dispositions finales de la Convention de 1951, constitue une disposition insérée classiquement dans les traités conclus sous l’égide des Nations Unies1 . Pour autant, elle n’a jamais été formellement mise en œuvre par les Etats parties. Comme le souligne Terje Einarsen, la mention d’une faculté de révision de la Convention est d’ailleurs « superflue » dans la mesure où la révision d’un traité est toujours possible2. En conséquence, l’article 45 peut être perçu comme un simple rappel, à destination des Etats qui s’engagent, de la possibilité d’une modification ultérieure des stipulations adoptées3.

La Convention prévoit cependant des conditions procédurales qui découlent de sa nature multilatérale et du fait qu’elle ait été conclue sous l’égide des Nations Unies4 : la demande de révision doit être notifiée au Secrétaire général, et peut le cas échéant faire l’objet de recommandations adressées par l’Assemblée générale des Nations Unies5quant aux mesures à prendre au sujet de cette demande. Comme l’exprima le représentant britannique lors des négociations, le paragraphe 2 ne fait que constater que dans l’hypothèse où une révision d’une certaine envergure est envisagée, l’intervention de l’Assemblée générale6 serait indispensable pour former une conférence et mener à bien les discussions entre les Etats parties dans le cadre de l’ONU. Cette observation a toutefois soulevé la question de savoir si cette intervention était de nature à restreindre le droit desdits Etats d’adopter les modifications de leur choix, en permettant à l’institution de faire obstacle à la procédure de révision. Les travaux préparatoires ne laissent toutefois aucun doute sur la volonté des négociateurs de reconnaître le droit des Etats, en cas de besoin, de convoquer eux-mêmes une conférence et d’en régler les questions financières7. Une révision est donc susceptible d’être mise en œuvre en dehors des prévisions de la Convention en application du droit international général8 .

Malgré l’absence de limite substantielle explicite au pouvoir de révision, on pourrait envisager que l’article 45, lu en combinaison avec l’article 5 de la Convention9, n’autorise aucune révision qui serait de nature à abaisser le standard de protection acquis  indépendamment de cette Convention. Cependant, au-delà la ratio legis de cette stipulation, il serait toujours possible de réviser le texte de l’article 5 préalablement ou concomitamment à une révision des dispositions matérielles de la Convention. En ce sens, Terje Einarsen considère que l’adoption d’un instrument international établissant un niveau de protection inférieure nécessiterait une révision formelle préalable de la Convention de 195110  ; ce qui accrédite l’absence de limite substantielle au pouvoir de révision et d’« effet cliquet ». A l’inverse, la réalisation d’un des objectifs de la Convention de 1951 peut être menée à bien par la conclusion d’un nouveau traité ou d’un protocole additionnel. Ce qui fut le cas lors de l’adoption du Protocole de 1967.

Ce dernier est en effet à l’origine de la dimension universelle conférée à la Convention de 1951, puisqu’il a pour objet de remédier aux limites temporelles et géographiques du champ d’application défini par l’article 1, A, §2 et B. Le Protocole ne constitue pas pour autant une révision de la Convention, mais un « Traité successif portant sur la même matière » au sens de l’article 30 de la Convention de Vienne. Il ne lie donc entre eux que les Etats qui ont adopté le Protocole11.

Depuis lors, une proposition a été déposée dans les années 70 pour établir des règles communes en matière d’asile territorial et donna lieu à une conférence intergouvernementale en 1977 à Genève. La procédure n’aboutit toutefois pas, en l’absence de consensus suffisant entre les Etats. Si les différents traités adoptés en matière de protection des droits de l’homme ont contribué à renforcer la protection des réfugiés dans les Etats, une révision resterait souhaitable selon Terje Einarsen afin notamment d’assurer l’unité d’interprétation et d’application de la Convention de 195112 . Selon Joan Fitzpatrick, de nombreuses dispositions matérielles sont par ailleurs désuètes, et mériteraient désormais d’être modifiées ou complétées13 .

1 ROBINSON N., Convention relating to the status of refugees: its history, contents and interpretation: a commentary, New York, Institute of Jewish Affairs, World Jewish Congress, 1953, p. 179.

2 EINARSEN T., « Article 45 1951 Convention », in : ZIMMERMANN A. (dir.), The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol: a commentary, Oxford, Oxford University Press, 2011, p. 1652.

3 Les stipulations des articles 39 et 40 de la Convention de Vienne de 1969 sont en effet applicables. L’article 40§2 de cette dernière pourrait ainsi constituer le fondement d’une procédure de révision distincte de celle prévue par l’article 45 de la Convention de 1951, à condition, selon Terje Einarsen, que l’Etat à l’origine de ce processus ait au préalable respecté l’obligation de notification imposée par l’article 45§1 (op. cit., pp. 1659 et 1660).

4 Il faut noter que l’article 45 de la Convention de 1951 est laconique au regard des stipulations que contenait l’article 16 de la Constitution de l’Organisation internationale pour les réfugiés qui précéda la Convention de 1951. Selon l’article 16, les révisions adoptées à la majorité des deux-tiers par les membres du Conseil général entraient en vigueur une fois acceptées par deux-tiers des membres de l’Organisation (réserve faite des amendements qui introduisaient de nouvelles obligations et qui devaient alors être adopté par chacun des Etats). Voir sur cette comparaison, EINARSEN T., op. cit., p. 1653.

5 La participation de l’Assemblée générale, plutôt que celle du Conseil économique et social, est la seule évolution induite lors des négociations par les représentants plénipotentiaires des États par rapport à l’article 39 du projet (voir pour de plus amples précisions sur le processus d’adoption, EINARSEN T., op. cit., pp. 1653-1654).

6L’intervention de l’Assemblée générale, en lieu et place de celle du Conseil économique et social envisagée dans le projet de Convention, peut être comprise comme le signe de l’importance accordée à la question des réfugiés par les Etats signataires.

7Conference of Plenipotentiaries, UN Doc. A/CONF.2/SR (1951), p. 33.

8Les règles établies par la Convention de Vienne de 1969, et plus particulièrement par ses articles 40 et 41, ont par ailleurs vocation à régler la question des effets d’une révision pour les Etats parties en absence de disposition spécifiques prévues par la Convention de 1951. Voir à ce sujet, EINARSEN T., op. cit., pp. 1661-1662.

9Voir en ce sens, ROBINSON N., op. cit., p. 79.

10EINARSEN T., op. cit., p. 1656.

11On signalera que parmi les Etats parties à la Convention de 1951 seuls Madagascar, Monaco et Saint-Kitts-Et-Nevis n’ont pas adopté le protocole. A l’inverse, les Etats-Unis d’Amérique, le Cap-Vert et le Venezuela ne sont parties qu’au Protocole.

12EINARSEN T., op. cit., p. 1663.

13FITZPATRICK J., « Revitalizing the 1951 Refugee Convention », Harvard Human Rights Journal, 1996, Vol. 9, pp. 229-253.


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