Article 7
Dispense de réciprocité
1. Sous réserve des dispositions plus favorables prévues par cette Convention, tout Etat contractant accordera aux réfugiés le régime qu'il accorde aux étrangers en général.
2. Après un délai de résidence de trois ans, tous les réfugiés bénéficieront, sur le territoire des Etats contractants, de la dispense de réciprocité législative.
3. Tout Etat contractant continuera à accorder aux réfugiés les droits et avantages auxquels ils pouvaient déjà prétendre, en l'absence de réciprocité, à la date d'entrée en vigueur de cette Convention pour ledit Etat.
4. Les Etats contractants envisageront avec bienveillance la possibilité d'accorder aux réfugiés, en l'absence de réciprocité, des droits et des avantages outre ceux auxquels ils peuvent prétendre en vertu des paragraphes 2 et 3 ainsi que la possibilité de faire bénéficier de la dispense de réciprocité des réfugiés qui ne remplissent pas les conditions visées aux paragraphes 2 et 3.
5. Les dispositions des paragraphes 2 et 3 ci-dessus s'appliquent aussi bien aux droits et avantages visés aux articles 13, 18, 19, 21 et 22 de cette Convention qu'aux droits et avantages qui ne sont pas prévus par elle.
Commentaire
Auteur : Dimitri Meillon, Maître de conférences, CRDEI, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016
Au titre des Dispositions générales de la Convention, l’article 7 détermine un standard général du traitement des réfugiés par les Etats parties. Il ne pouvait en effet être question pour ces derniers de procéder, par le véhicule de la Convention, à une harmonisation de leurs droits internes telle que les réfugiés auraient pu, en tout temps comme en toute matière, leur opposer des droits substantiellement identiques. La Convention de Genève n’est pas une entreprise globale d’uniformisation des droits internes au bénéfice de la personne du réfugié. Elle pratique pour l’essentiel le renvoi aux solutions, nécessairement diverses, des droits nationaux. Elle s’accommode de cette pluralité pour mieux l’organiser en posant l’obligation étatique d’accorder aux réfugiés le régime appliqué aux étrangers en général (Art 7.1) comme celle de mettre en œuvre la technique de la dispense de réciprocité législative au profit des réfugiés justifiant d’un délai de résidence de trois ans (Art 7.2). Telles sont les deux lignes de force de l’article 7 autour desquelles s’articule l’ensemble de ses dispositions.
I. L’obligation d’accorder aux réfugiés le régime appliqué aux étrangers en général
En première lecture, l’obligation faite à chaque Etat partie d’offrir à tout réfugié le bénéfice du régime qu’il applique aux étrangers en général semble relever de la tautologie. En conséquence de la définition du réfugié fixée par l’article 1 A, §2, les relations juridiques appréhendées par la Convention sont en effet celles qui se nouent entre le réfugié et un Etat dont il n’a pas la nationalité. Pour être vulnérable à raison des persécutions auxquelles il est exposé sur le territoire de son Etat de nationalité ou de résidence, le réfugié demeure, pour les autres Etats, un « étranger ». Le moins que l’on puisse attendre des Etats parties est, dès lors, qu’il le traite comme tel.
L’apport de l’article 7.1 ne se résume cependant pas à cela.
Il convient en premier lieu de relever que l’engagement des Parties porte sur l’application aux réfugiés du régime qu’elles accordent aux étrangers en général. Il est en effet tout à fait fréquent que les Etats établissent, en exécution de leurs engagements internationaux, des traitements différenciés en considération de l’Etat de nationalité des ressortissants étrangers. Ainsi est-il possible d’identifier, dans la quasi-totalité des droits internes, le traitement le plus favorable, et par opposition le traitement le moins favorable, accordé à l’étranger. L’article 7 § 1 semble, pour sa part, renvoyer au régime le plus communément mis en œuvre par chacun des Etats comme étant celui qu’ils devraient appliquer aux réfugiés. Encore faut-il préciser que le formidable développement du droit international des droits de l’homme dans la seconde moitié du XXème siècle a beaucoup altéré la portée de cette solution. Les systèmes internationaux de protection des droits de l’homme reposent en effet sur la reconnaissance d’un ensemble de droits fondamentaux à toute personne placée, de fait, sous la juridiction d’un Etat membre. L’harmonisation des situations juridiques y est ainsi assurée par exclusion du critère de la nationalité. L’étranger, quelle que soit sa nationalité, reçoit les mêmes droits et même protection que le national.
Il faut en second lieu rapporter que l’obligation d’accorder aux réfugiés le traitement appliqué aux étrangers en général ne s’impose évidemment que sous réserve des dispositions plus favorables de la Convention. Référence expresse est ici faite à toutes les situations dans lesquelles la Convention impose aux Parties d’accorder aux réfugiés un traitement au moins aussi favorable que celui accordé aux nationaux (Article 4 sur la liberté religieuse), de les faire bénéficier de la protection accordée aux nationaux (Article 14 sur la propriété intellectuelle et industrielle) de leur appliquer le traitement le plus favorable accordé aux ressortissants d’un pays étranger (Article 15 sur le droit d’association et Article 17 relatif à l’exercice d’une profession salariée), ou encore de leur reconnaître des droits propres à leur qualité (Article 25 sur l’assistance administrative et Article 33 sur le non refoulement).
II. La mise en oeuvre de la technique de dispense de réciprocité législative
L’ensemble des autres dispositions de l’article 7 se rapporte à la mécanique de la dispense de réciprocité. La Convention consacre le droit des réfugiés justifiant d’un délai de résidence de trois ans à la dispense de réciprocité législative (Article 7 § 2) puis le principe de continuité des droits et avantages auxquels ils pouvaient déjà prétendre en l’absence de réciprocité (Article 7 § 3). Elle invite encore les Parties à envisager, de bonne foi, l’extension des droits et avantages susceptibles d’être accordés en dispense de réciprocité. Elle affirme enfin que la dispense de réciprocité législative et le principe de continuité des droits et avantages s’appliquent aussi bien aux droits et avantages énoncés aux articles 13 (propriété mobilière et immobilière), 18 (professions non salariées), 19 (Professions libérales), 21 (logement) et 22 (Education publique) qu’à ceux qui ne sont pas prévus par elle.
L’examen de la réciprocité législative oblige à considérer les relations juridiques établies entre l’Etat de nationalité du réfugié et l’Etat hôte. Au nombre de leurs engagements internationaux communs, certains sont susceptibles de conditionner l’octroi, par l’une des Parties (A), d’un droit ou d’un avantage au ressortissant de l’autre Partie (B) à la mise en œuvre effective d’une pratique identique par l’Etat B au profit des nationaux de A. Est alors caractérisé l’existence d’un mécanisme de réciprocité législative dans le traitement des étrangers. Dans le respect des termes de la Convention, trois situations peuvent se rencontrer :
1. L’Etat hôte (A) vérifie que l’Etat de nationalité du réfugié (B) accorde un droit ou avantage aux nationaux de A en exécution de leur engagement international commun. La condition de réciprocité législative est satisfaite et le réfugié est habilité à solliciter l’octroi immédiat du même droit ou avantage en exécution des engagements internationaux de l’Etat hôte.
2. L’Etat hôte constate que, même en l’absence de réciprocité, le réfugié était admis au bénéfice d’un droit ou avantage au jour de l’entrée en vigueur de la Convention. Le réfugié a droit au maintien de ce traitement par l’effet du principe de continuité des droits et avantages. (Article 7 § 3)
3. L’Etat hôte constate que la condition de réciprocité législative n’est pas satisfaite. Il ne peut cependant refuser le bénéfice du droit ou de l’avantage qu’en tant que le réfugié ne justifie pas d’un délai de résidence de trois ans sur son territoire. (Article 7 § 2)
En application de ces solutions, il faut admettre qu’un même Etat hôte puisse temporairement offrir un traitement différencié à des réfugiés de même nationalité en se fondant sur le seul critère de la durée de résidence sur son territoire.
Il convient par ailleurs de relever qu’un même Etat hôte est conduit à appliquer des traitements différenciés aux réfugiés qu’il accueille sur son territoire en considération de leur nationalité, ou plus précisément de l’état des engagements juridiques qui le lie avec leurs Etats de nationalité respectifs.
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