Préambule
Les Hautes Parties contractantes,
Considérant que la Charte des Nations Unies et la déclaration universelle des droits de l'homme approuvée le 10 décembre 1948 par l'Assemblée générale ont affirmé ce principe que les êtres humains, sans distinction, doivent jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
Considérant que l'Organisation des Nations Unies a, à plusieurs reprises, manifesté la profonde sollicitude qu'elle éprouve pour les réfugiés et qu'elle s'est préoccupée d'assurer à ceux-ci l'exercice le plus large possible des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
Considérant qu'il est désirable de réviser et de codifier les accords internationaux antérieurs relatifs au statut des réfugiés et d'étendre l'application de ces instruments et la protection qu'ils constituent pour les réfugiés au moyen d'un nouvel accord,
Considérant qu'il peut résulter de l'octroi du droit d'asile des charges exceptionnellement lourdes pour certains pays et que la solution satisfaisante des problèmes dont l'Organisation des Nations Unies a reconnu la portée et le caractère internationaux, ne saurait, dans cette hypothèse, être obtenue sans une solidarité internationale,
Exprimant le vœux que tous les Etats, reconnaissant le caractère social et humanitaire du problème des réfugiés, fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter que ce problème ne devienne une cause de tension entre Etats,
Prenant acte de ce que le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a pour tâche de veiller à l'application des conventions internationales qui assurent la protection des réfugiés, et reconnaissant que la coordination effective des mesures prises pour résoudre ce problème dépendra de la coopération des Etats avec le Haut Commissaire,
Sont convenues des dispositions ci-après:
Commentaire
Auteur : Sébastien Platon, Professeur, CRDEI, Université de Bordeaux
Date de publication : Mars 2016
Premier et deuxième considérants
Le préambule de la Convention s’ouvre par une référence insistante aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, dès les deux premiers considérants.
Le premier considérant affirme que « la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme approuvée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale ont affirmé ce principe que les êtres humains, sans distinction, doivent jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Il n’est pas nécessaire d’insister sur la portée de la Déclaration universelle des droits de l’homme en matière de protection des libertés. Les références aux droits de l’homme dans la Charte des Nations Unies sont en revanche plus éparses quoique non négligeables. On en trouve :
- Dans le préambule, al. 2 : « Nous peuples des Nations Unies, résolus (…) à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites » ;
- A l’article 1, 3 : « Les buts des Nations Unies sont les suivants : (…) Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion » ;
- A l’article 13, 1, b) : « L'Assemblée générale provoque des études et fait des recommandations en vue de (…) développer la coopération internationale dans les domaines économique, social, de la culture intellectuelle et de l'éducation, de la santé publique, et faciliter pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, la jouissance des droits de l'homme et des libertés fondamentales »
- A l’article 55, c) : « En vue de créer les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, les Nations Unies favoriseront (…) le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion » ;
- A l’article 62, 2 : « [Le Conseil économique et social] peut faire des recommandations en vue d'assurer le respect effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous » ;
- A l’article 68 : « Le Conseil économique et social institue des commissions pour les questions économiques et sociales et le progrès des droits de l'homme ainsi que toutes autres commissions nécessaires à l'exercice de ses fonctions » et
- A l’article 76, c) : « Conformément aux buts des Nations Unies, énoncés à l'article 1 de la présente Charte, les fins essentielles du régime de tutelle sont les suivantes : (…) encourager le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, et développer le sentiment de l'interdépendance des peuples du monde ».
Selon le deuxième considérant, « l’Organisation des Nations Unies (…) s’est préoccupée d’assurer [aux réfugiés] l’exercice le plus large possible des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
Cette double référence aux droits de l’homme dans le préambule de la Convention peut recevoir trois acceptions différentes, quoique connexes.
La première consiste à énoncer que le droit d’asile, en lui-même, est un droit de l’Homme. Cette affirmation peut aujourd’hui sembler évidente tant le droit d’asile semble intrinsèquement lié aux droits fondamentaux. C’est ce qu’atteste, par exemple, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à la protection dite « par ricochet »1, très proche du droit d’asile dans sa philosophie, en vertu de laquelle un Etat partie à la Convention européenne des droits de l’homme ne saurait éloigner une personne vers un pays dans lequel elle encourt un risque sérieux de voir ses droits fondamentaux bafoués, et en particulier d’être soumise à la torture ou à une peine ou traitement inhumain ou dégradant. C’est ce qu’atteste avec encore plus de clarté la présence du droit d’asile dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne2.
La seconde acception possible de cette référence a trait aux traitements subis ou risquant d’être subis par les réfugiés dans leur pays d’origine. Les notions de persécution3 et de menace sur la liberté d’une personne4 appellent à l’évidence à être interprétés à la lumière des droits de l’homme. Dès lors, le réfugié se définit comme une personne fuyant une atteinte à ses droits fondamentaux.
Enfin, la troisième acception possible de cette référence est que les réfugiés doivent bénéficier, dans leur pays d’accueil, des droits fondamentaux inaliénables. En ce sens, un certain nombre de dispositions de la Convention peuvent s’analyser comme des garanties que les réfugiés se verront accorder, dans leur pays d’accueil, un minimum de droits fondamentaux. La disposition-clé ici est le principe de non-discrimination posé à l’article 3 en vertu duquel « Les Etats Contractants appliqueront les dispositions de cette Convention aux réfugiés sans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d’origine ». Ce principe de non-discrimination est appliqué aux droits fondamentaux dans d’autres dispositions de la Convention. Selon les cas, le terme de comparaison est soit le national du pays d’accueil, soit un étranger non réfugié dans le pays d’accueil.
Concernant le premier cas (droits fondamentaux garantis au réfugié dans des conditions au moins aussi favorables qu’à un national du pays d’accueil), on peut mentionner :
- l’article 4 : « Les Etats Contractants accorderont aux réfugiés sur leur territoire un traitement au moins aussi favorable que celui accordé aux nationaux en ce qui concerne la liberté de pratiquer leur religion et en ce qui concerne la liberté d’instruction religieuse de leurs enfants » ;
- l’article 14 : « En matière de protection de la propriété industrielle, notamment d’inventions, dessins, modèles, marques de fabrique, nom commercial, et en matière de protection de la propriété littéraire, artistique et scientifique, tout réfugié bénéficiera dans le pays où il a sa résidence habituelle de la protection qui est accordée aux nationaux dudit pays. Dans le territoire de l’un quelconque des autres Etats Contractants, il bénéficiera de la protection qui est accordée dans ledit territoire aux nationaux du pays dans lequel il a sa résidence habituelle » ;
- l’article 16 : « 1. Tout réfugié aura, sur le territoire des Etats Contractants, libre et facile accès devant les tribunaux. 2. Dans l’Etat Contractant où il a sa résidence habituelle, tout réfugié jouira du même traitement qu’un ressortissant en ce qui concerne l’accès aux tribunaux, y compris l’assistance judiciaire et l’exemption de la caution judicatum solvi. 3. Dans les Etats Contractants autres que celui où il a sa résidence habituelle, et en ce qui concerne les questions visées au paragraphe 2, tout réfugié jouira du même traitement qu’un national du pays dans lequel il a sa résidence habituelle ».
Concernant le second cas (droits fondamentaux garantis au réfugié dans des conditions au moins aussi favorables qu’à un étranger non réfugié), on peut citer :
- l’article 13 : « Les Etats Contractants accorderont à tout réfugié un traitement aussi favorable que possible et de toute façon un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qui est accordé, dans les mêmes circonstances, aux étrangers en général en ce qui concerne l’acquisition de la propriété mobilière et immobilière et autres droits s’y rapportant, le louage et les autres contrats relatifs à la propriété mobilière et immobilière » ;
- l’article 15 : « Les Etats Contractants accorderont aux réfugiés qui résident régulièrement sur leur territoire, en ce qui concerne les associations à but non politique et non lucratif et les syndicats professionnels, le traitement le plus favorable accordé aux ressortissants d’un pays étranger, dans les mêmes circonstances ».
En ces trois acceptions, le lien entre protection des réfugiés et droit de l’homme semble fort et incontestable. Pour autant, il doit être relevé que les préambules des conventions plus anciennes relatives aux réfugiés, notamment la convention de 1933 et celle de 19385, ne contenaient pas de telles références aux droits de l’homme. En effet, la préoccupation internationale pour les réfugiés et celle pour les droits de l’homme ne sont pas historiquement synchrones : alors que la problématique des réfugiés a été relativement tôt considérée comme devant être réglée au niveau international6, ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que la communauté internationale a accepté la responsabilité de protéger les droits de l’homme. En outre, les conventions antérieures s’appliquaient à des catégories spécifiques de réfugiés (russes, arméniens…), ce qui rendait la référence aux droits de l’homme inutile par sa généralité. Dès lors, puisque la Déclaration universelle des droits de l’Homme n’a pas de force contraignante, on peut considérer la Convention de Genève de 1951 comme le premier traité international en matière de droits de l’Homme au niveau universel.
Cette référence aux droits de l’homme n’est pas que symbolique ou axiologique. Elle a aussi un intérêt pour l’interprétation de la Convention. Rappelons ici, en effet, qu’en vertu de l’article 31 de la Convention de Vienne, le préambule fait partie des éléments de contexte à la lumière desquels les dispositions d’un traité doivent être interprétées7. Or, de nombreuses dispositions de la Convention de Genève, prises à la lettre, semblent uniquement créer des obligations à la charge des Etats. La référence aux droits de l’homme dans le Préambule permet cependant d’en déduire qu’elle produit de véritable droits subjectifs à l’égard des réfugiés8. De même, cette référence éclaire également l’article 5 de la Convention : « Aucune disposition de cette Convention ne porte atteinte aux autres droits et avantages accordés, indépendamment de cette Convention, aux réfugiés ». Les conventions internationales relatives aux droits de l’homme ont assez naturellement vocation à entrer dans le champ d’application de cette disposition.
Deuxième considérant
Outre la référence aux droits de l’homme, le deuxième considérant mentionne que « l’Organisation des Nations Unies a, à plusieurs reprises, manifesté la profonde sollicitude qu’elle éprouve pour les réfugiés ». Plusieurs résolutions de l’Assemblée générale, de 1946 à 1950, attestent effectivement cette préoccupation. Pour ne mentionner que les prises de position concernant la question des réfugiés en général, on peut notamment mentionner :
- La Résolution 8 (I) du 12 février 1946 sur la question des réfugiés ;
- La Résolution 62 (I) du 15 décembre 1946 sur les personnes réfugiées et déplacées ;
- La Résolution 319 (IV) du 3 décembre 1949 sur les réfugiés et les apatrides ;
- La Résolution 430 (V) du 14 décembre 1950 sur les problèmes d’assistance aux réfugiés.
S’y ajoutent de nombreuses prises de position plus spécifiques de l’Assemblée générale en faveur de certaines catégories de réfugiés, par exemple les réfugiés palestiniens9. Mais bien évidemment, au-delà de ces prises de position sans valeur juridique, l’œuvre majeure des Nations Unies en faveur des réfugiés fut la création de l’Organisation internationale pour les réfugiés puis du Haut Commissariat pour les réfugiés10.
Troisième considérant
Selon le troisième considérant, l’objectif de la Convention de Genève est de « réviser et de codifier les accords internationaux antérieurs relatifs au statut des réfugiés ».
La Convention de Genève n’est en effet pas le premier instrument international de protection des réfugiés. La protection des réfugiés a fait l’objet d’une préoccupation internationale dès les années 20. Les conventions conclues en la matière concernaient alors certaines catégories spécifiques de réfugiés. On peut mentionner en particulier les conventions adoptées pour faire face aux mouvements de réfugiés ayant succédé à la révolution russe : ce fut le cas de l’Arrangement concernant la délivrance des certificats d'identité aux réfugiés russes et arméniens du 12 mai 1926 ou encore de l’Arrangement relatif au statut juridique des réfugiés russes et arméniens du 30 juin 1928. Ces premières mesures furent ensuite étendues par l’Arrangement relatif à l'extension à d'autres catégories de réfugiés de certaines mesures prises en faveur des réfugiés russes et arméniens du 30 juin 1928.
Ces différents accords multilatéraux entrepris dans le cadre de la Société des Nations débouchèrent sur la Convention sur le statut international des réfugiés du 28 octobre 1933. Malgré son intitulé général, son article 1 limitait son application aux réfugiés « russes, arméniens et assimilés ». Pour autant, cette Convention est une étape importante dans l’histoire du droit international des réfugiés car elle fut la tentative la plus ambitieuse de la Société des Nations visant à définir les responsabilités des États envers les réfugiés. Les États adhérant à l'accord devaient garantir aux réfugiés certains droits, notamment l'accès au passeport Nansen11 (pièce d'identité et documents de voyage), la protection des droits de statut personnel, l'accès aux tribunaux, la liberté de travail et la protection contre l'exploitation, et l'accès à l'éducation et aux services de santé. La Convention fut le premier document de droit international évoquant le principe fondamental du non-refoulement, qui protégeait les réfugiés du rapatriement forcé si cela mettait leur vie en danger.
L’arrivée du parti nazi au pouvoir en Allemagne suscita à son tour un mouvement de réfugiés et une nouvelle préoccupation internationale, illustrée par la Convention concernant le statut des réfugiés provenant d'Allemagne du 10 février 1938.
Dans l’immédiat après-seconde guerre mondiale, il faut aussi relever la Constitution de l’Organisation internationale pour les réfugiés (approuvée par la Résolution 62 (I) de l’Assemblée générale des Nations Unies du 15 décembre 1946), qui a donné naissance à l’ancêtre immédiat du Haut Commissariat pour les réfugiés12.
Mais l’ambition de la Convention de Genève ne se limitait pas à une simple codification : toujours selon le troisième considérant, il s’agit également « d’étendre l’application de ces instruments et la protection qu’ils constituent pour les réfugiés ». Comme cela a pu être remarqué13, cet objectif a été atteint sous cinq aspects :
- La définition du réfugié est désormais générale, et n’est plus limitée à certaines catégories de réfugiés (russes, arméniens et assimilés ; allemands) ;
- La liste de droits garantis par la Convention de Genève est plus longue que celle offerte par ses devancières ;
- Même pour les droits qui étaient déjà prévus par les conventions antérieures, les standards de protection se sont accrus : ainsi, la liberté d’association garantie par les conventions de 1933 et de 1938 se limitait aux associations de secours et d’assistance mutuelles, alors que l’article 15 de la Convention de Genève étend ce droit à toutes les « les associations à but non politique et non lucratif et les syndicats professionnels » ;
- Le nombre d’Etats parties s’est considérablement accru : la convention de 1933 avait huit Etats parties, et la Convention de 1938 seulement deux. Par contraste, 144 Etats ont ratifié la Convention de 1951 (bien que tous n’aient pas ratifié le protocole de 1967) ;
- Enfin, il faut relever que la Convention de 1951 prévoit un mécanisme de mise en œuvre, par le biais de la coopération entre les Etats parties et le Haut Commissaire aux réfugiés14 (article 35).
Quatrième considérant
Le quatrième considérant met en avant la question de la « solidarité internationale », sans laquelle certains pays subiraient des « charges exceptionnellement lourdes ».
C’est une question ancienne et récurrente. Dès 1946, l’Assemblée générale des Nations Unies priait instamment les Etats membres « d’envisager favorablement la possibilité d’accueillir sur leur territoire (…) une juste part des personnes non rapatriables dont s’occupe l’Organisation internationale pour les réfugiés »15.
Pour autant, ce considérant, introduit par la délégation française dans le cadre du Conseil économique et social des Nations Unies, s’est heurtée à l’opposition d’autres délégations, notamment suédoise et chinoise16, qui ne voulaient pas qu’il puisse en être déduit une obligation, à la charge de leur pays, d’accueillir des réfugiés pour délester d’autres pays subissant les fameuses « charges exceptionnellement lourdes ». Faute d’ailleurs d’une quelconque disposition sur ce problème dans le corps de la Convention, cet appel à la « solidarité internationale » n’est donc, au mieux, qu’un vœu pieux.
Il trouve toutefois un relai indirect dans la jurisprudence internationale en matière de droits de l’homme. L’on pense ici aux arrêts M.S.S. de la Cour européenne des droits de l’homme17 et N.S. de la Cour de justice de l’Union européenne18, qui considèrent qu’un Etat ne saurait renvoyer un demandeur d’asile dans l’Etat qui est supposé examiner sa demande en vertu du système « Dublin » si, ce faisant, ledit demandeur d’asile s’exposerait à des violations de ses droits. Or, c’est précisément ce qui est susceptible d’arriver quand, en raison d’un afflux de réfugiés, un Etat n’est pas en mesure de tous les accueillir dans des conditions compatibles avec la dignité humaine.
Pour autant, la faible solidarité internationale dont ont fait preuve les pays européens, et notamment la France, pour accueillir les réfugiés syriens et soulager la charge subie notamment par le Liban voisin montre que le progrès restant encore à faire est tout à fait considérable.
Cinquième considérant
Le cinquième considérant n’était pas dans la version originelle de la Convention, telle que proposée par le Comité spécial de l'apatridie et des problèmes connexes et enrichie des amendements suggérés par la France dans le cadre du Conseil économique et social19. Il résulte d’une proposition faite par la Yougoslavie durant la Conférence des Plénipotentiaires20, qui l’a acceptée après quelques modifications21.
L’acceptation, par un Etat, de réfugiés provenant d’un autre Etat peut être une source de tensions. Il peut être vu comme un jugement de valeur sur l’Etat d’origine, soit que ce dernier inflige lui-même les traitements ayant donné lieu au départ des réfugiés, soit qu’il les permette. Le cinquième considérant insiste donc sur le fait que recevoir un réfugié est un acte « social et humanitaire » et non politique. Il ne doit donc pas être considéré comme un acte hostile par l’Etat d’origine, ni affecter les relations entre l’Etat d’accueil et l’Etat d’origine.
Sixième considérant
Le rôle primordial du Haut Commissaire des Nations Unies est mis en exergue dans le sixième considérant, alors même qu’un article, l’article 35, est consacré au rôle de ce dernier et à la coopération entre lui et les Etats parties. Il s’agit donc, de toute évidence, d’une volonté de mettre en exergue cette institution dès le préambule.
L’existence de ce Haut Commissaire précède de quelques mois (14 décembre 195022) celle de la Convention. Ils existent donc de façon indépendante, mais leurs existences sont indissolublement liées.
Historiquement, le Haut Commissariat prend le relais d’autres institutions ayant une fonction proche ou identique. Le premier Haut Commissaire pour les réfugiés, Fridtjof Nansen, fut désigné par la Société des Nations en 1921, et ses premières missions concernèrent les réfugiés russes et arméniens. En 1933, La même Société des Nations désigna un Haut Commissaire en charge spécifiquement des réfugiés fuyant l’Allemagne après l’arrivée au pouvoir du régime nazi.
De façon plus immédiate, le Haut Commissariat prenait, en 1950, le relai de l’Organisation internationale pour les réfugiés, créée en 1946 sous l’impulsion des Nations Unies. Il est à noter que, contrairement au HCR, l’OIR était une organisation internationale autonome, dotée de la personnalité juridique internationale et d’une structure de gouvernance propre.
Le Haut Commissariat est quant à lui une agence des Nations Unies qui a pour mandat de diriger et de coordonner l'action internationale visant à protéger les réfugiés et à résoudre les problèmes de réfugiés dans le monde entier. Elle a pour but premier de sauvegarder les droits et le bien-être des réfugiés. Elle s'efforce de garantir que toute personne puisse exercer le droit de chercher asile et de trouver un refuge sûr dans un autre Etat, avec pour option de retourner chez elle de son plein gré, de s'intégrer sur place ou de se réinstaller dans un pays tiers. Elle a également pour mandat d'aider les apatrides.
1 Cf. not. Cour EDH, Plénière, 7 juillet 1989, Soering c. Royaume-Uni, req. n° 14038/88.
2 Article 18 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
3 Article 1, A, 2 de la Convention.
4 Article 33, 1 de la Convention.
5 Cf. infra troisième considérant.
6 Cf. infra troisième considérant.
7 « 1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. (…) 2. Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus : (…) »
8 Alleweldt R., « Preamble to 1951 Convention », in Zimmermann A. (dir.), The 1951 Convention relating to the status of refugees and its 1967 Protocol. A Commentary, New York, Oxford University Press, 2011, pp. 225 s., spec. p. 231.
9 Cf. not. Résolution 212 (III) du 19 novembre 1948 ; Résolution 302 (IV) du 8 décembre 1949 qui a établi la célèbre UNRWA (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East - Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) ; Résolution 393 (V) du 2 décembre 1950.
10 Cf. infra sixième considérant.
11 Du nom du premier Haut Commissaire pour les réfugiés, Fridtjof Nansen, nommé par la Société des Nations en 1921. Cf. infra, sixième considérant.
12 Cf. infra sixième considérant.
13 ALLEWELDT, R., « Preamble to 1951 Convention », précit., spec. p. 236.
14 Cf. infra sixième considérant.
15 Résolution 62 (I) du 15 décembre 1946 sur les personnes réfugiées et déplacées.
16 ECOSOC, E/AC.7/SR.158 (1950), p. 11 ; E/AC.7/SR.160 (1950), pp. 26-27 ; E/AC.7/SR.166 (1950), pp. 12-23.
17 Cour EDH, Grande Chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, req. n° 30696/09.
18 CJUE, Grande Chambre, 21 décembre 2011, N. S. c. Secretary of State for the Home Department et M. E. et autres c. Refugee Applications Commissioner et Minister for Justice, Equality and Law Reform, affaires jointes C-411/10 et C-493/10.
19 Cf. supra quatrième considérant.
20 A/CONF.2/96 (1951).
21 A/CONF.2/SR.33 (1951).
22 Résolution 428 (V) du 14 décembre 1950 portant statut du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.
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